ous parlions de scolarisation : là se
situe une des clés de lidentité culturelle indo-musulmane à la Réunion, pour le
présent et sans doute encore davantage pour les générations montantes. La grande
majorité des enfants suit un cursus scolaire tout à fait comparable à celui de
nimporte lequel de ses camarades de lAcadémie de la Réunion. Autant dire le
même que celui de chaque petit Français, même sil existe, comme partout, quelques
spécificités dues à ladaptation de certains programmes au contexte local ou à
des conditions de travail particulières, sur les plans démographique, climatique...
Très rares sont les parents qui ont choisi, pour raisons
religieuses probablement, une voie marginale telle que les études par des services de
télé-enseignement. La grande originalité de léducation scolaire du jeune
ZArabe,
cest en fait la fréquentation de la
médersa. La médersa, cest
lécole coranique, fréquentée en dehors des heures de cours des écoles, collèges
et lycées : tôt le matin, en fin daprès-midi, le samedi... De la maternelle au
niveau universitaire, on y dispense essentiellement un enseignement religieux islamique,
qui passe forcément par lapprentissage des rudiments de la langue arabe.
Chaque ville importante du littoral a sa médersa, gérée
à titre privé par une association en charge aussi de la mosquée et du cimetière. Les
professeurs appartiennent à lécole musulmane indienne et sont majoritairement des
Réunionnais formés dans le pays de leurs ancêtres. Le financement quant à lui est
assuré, de façon exemplaire, par un système de cotisations, de dons ainsi que par les
produits du patrimoine. "Il est à noter un seul financement extérieur, avec une
participation récente sous forme de prêt de la Banque Islamique de Développement basée
en Arabie Saoudite, pour la construction de la médersa de Saint-Pierre", écrit M.
Houssen Amode, président de lAssociation des Musulmans de la Réunion. (Photo1,
photo2,
photo3,
photo4)
Vouées à linstruction, les médersas sont des
lieux de réflexion, de recherche spirituelle et daction culturelle, ne serait-ce
que par les ressources bibliographiques quelles peuvent offrir.
Le cas de la médersa de Saint-Denis est un peu
particulier : elle est en effet conventionnée et liée par contrat
dassociation avec lEducation Nationale. Les programmes sont donc ceux des
écoles ou collèges relevant de cette autorité, les enfants accueillis le sont en
fonction de la carte scolaire et non de lobédience religieuse, la seule
originalité majeure venant des cours dinstruction religieuse islamique qui ne
revêtent bien sûr aucun caractère obligatoire pour les élèves des autres
communautés.
On comprend aisément combien le double moule éducatif
que lon vient dévoquer pèse sur la personnalité du jeune ZArabe et,
en conséquence, sur lavenir identitaire de la communauté entière. Intégration
sociale à lentité réunionnaise multiple, puisquon côtoie, dans les salles
de classe et les cours de récréation, Créoles,
Cafres,
Malbars,
Chinois... Modes de pensée et horizons intellectuels profondément déterminés par
lempreinte française et occidentale. Références morales et religieuses intimement
islamiques. Trois caractéristiques en équilibre toujours mouvant et dont les rapports de
force peuvent sinfléchir en fonction des contextes particuliers, des circonstances,
des individus et des familles.
La vie familiale obéit, grosso modo, à ces trois mêmes
principes. Notons au passage que la constitution même de la famille ne suit pratiquement
plus aujourd'hui la règle de "patrifocalité" : jusque vers le début des
années '80, les fils mariés et les enfants non mariés vivaient fréquemment au domicile
du père, les filles à partir de leur mariage entrant dans le foyer de leur beau-père.
Lapparence a pu être celle dun système où la femme est soumise et
lhomme dominant. En réalité, légalité des sexes est de plus en plus de
mise.
Le respect des plus jeunes pour leurs aînés reste une
valeur fondamentale que lon continue tant bien que mal dinculquer, dans une
"ambiance" sociale qui ne sy prête pas toujours. On sait en effet combien
la société contemporaine accorde une primauté à la "jeunesse", et non plus
aux représentants dun passé facilement perçu comme désuet.
Dans les familles dici comme dailleurs
loccidentalisation triomphe sur bien des plans. La créolité métisse, quant à
elle, reste ancrée dans certains aspects de la vie quotidienne, tandis que la place de la
religion tend à saffirmer de manière de plus en plus précise.