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'il est un "livre" qui
a marqué et continue de marquer les esprits des
Malbars
réunionnais, cest bien lépopée du Mahâbhârata, connue ici souvent
sous le titre de Barldon. On peut voir, dans un autre "Gros plan", que la marche sur le feu et
les cérémonies des jours qui précèdent trouvent leur source dans cette uvre. En
cette occasion, lhabitude est ou a été den représenter divers épisodes
sous une forme théâtrale, sans doute héritée du
kûtthu
populaire dans les villages tamouls en Inde. Ce sont ces représentations que lon
appelle bal tamoul ou
narlegon (naadegam). En fait, de tels
spectacles sont maintenant plus rares ; notons qu'ils peuvent aussi être proposés
en dautres occasions que celle de la marche sur le feu.
Lun des buts a sans doute été, dès
lorigine, de transmettre à un large public le message exemplaire et édifiant des
grands textes anciens. Message religieux, social... multiple. Musique, costumes hauts en
couleurs et jeu théâtral font toutefois du bal tamoul bien autre chose quune
simple leçon de morale mise en scène. Un des principes fondamentaux du théâtre
universel est bien là : corriger et retremper les murs à travers
lagrément du spectacle. Précisons aussi que le Barldon est loin de fournir
lunique source dinspiration pour les bals malbars : lenfance de
Krishna, les miracles de la déesse Marliémen et dautres sujets encore constituent
des thèmes presque aussi prisés.
Quon imagine le soir venu, près du temple, une
salle commune avec une modeste estrade et quelques bancs où ont pris place quelques
familles du quartier - grands et petits regarderont, écouteront attentivement ou presque,
pendant des heures, faisant parfois circuler un panier de beignets ou autres friandises.
Une petite centaine de personnes environ. Le décor est modeste. Tandis que les acteurs -
de nos jours hommes, femmes et enfants (a)
- mettent dans des coulisses improvisées une dernière touche à leur personnage, un
groupe musiciens, sur le côté de la scène, a déjà entamé au son du tambour et des
tarlar
le récit chanté du Barldon tamoul. C'est le
vartial, sorte de choryphée intemporel, qui dirige en fait
ce chur - dont il fait partie - comme le jeu des acteurs. Son récit chanté est
repris par ses voisins, vers après vers, strophe après strophe...
On va tendre à bout de bras une étoffe aux motifs
indiens qui sera retiré à lentrée des comédiens et ponctuera par la suite, comme
le rideau rouge des salles occidentales, le passage dun "acte" à un
autre. Les acteurs - tous amateurs, est-il besoin de le préciser... et qui se préparent
depuis un an - vont ensuite se livrer jusqu'à laube à une sorte de mime dansé
illustrant les propos des chanteurs, dessinant de leurs va-et-vient un espace et un temps
répétitifs scandé de façon lancinante. Un intervenant, viendra de temps à autre sur
scène pour expliquer aux spectateurs, en créole et à grands traits, le sens de ce
quils voient, tandis que le vartial doit parfois donner du geste pour faire
comprendre à tel ou tel comédien ce qu'il doit faire sur scène (il est forcément
difficile de réussir un bon "play-back" dans ces circonstances lorsqu'on ne
saisit presque rien de ce qui est chanté en tamoul par le chur...).
Il y aura tour à tour la partie de dés entre Darlmel
(Yudhishthira, laîné des cinq frères Pândava) et Zargouni, (Duryodhana,
laîné des Kaurava), remplacée par une partie de cartes autour dune
bouteille de whisky ; lintervention de Krishna venu au secours de Draupadî que
lun des Kaurava voulait dévêtir en public. Bien dautres épisodes encore...
Le roi aveugle Tirératirène (Dhritarâshtra, ennemi des Pândava) porte des lunettes
noires et sa femme a un bandeau sur les yeux. Un tout jeune acteur samuse à
chatouiller les chevilles de ses aînés pour tromper un temps qui ne passe pas assez vite
à son gré. Parfois un admirateur fait savoir quil fait un don de 20 000, de 50 000
F à la jeune comédienne jouant le rôle de Draupadî, pour la qualité de sa
prestation : il remet en réalité un billet de 20 ou de 50 F... Toute une ambiance
particulière, presque étrange, sinstalle, en marge du reste du monde dirait-on.
Autre lieu, autre occasion : le Malkan Deya Naadegam, sur
une scène théâtrale. L'histoire édifiante d'un vieux couple sans enfant et désireux
d'en avoir un. Leur vu finira par être exaucé par Shiva, mais... le destin du
petit Malkandin est de mourir à seize ans. A force de dévotion et avec l'aide de Shiva,
Malkandin triomphera du dieu de la Mort, Yama. (Extrait sonore1,
extrait sonore2).
'ai voulu associer à lévocation
du bal tamoul celle dun spectacle plus classique, proposé sur la scène théâtrale
officielle, et représentative de la tendance actuelle à sorienter vers des
manifestations culturelles à la fois moins populaires et plus "prestigieuses".
Là encore cest le Mahâbhârata qui a été choisi comme thème, dans une
mise en scène professionnelle de qualité. Souhaitons seulement que le développement,
enrichissant, de tels spectacles nentraîne pas la disparition de manifestations
aussi émouvantes damateurisme fervent que le sont les bals tamouls.
PHOTOS
VIDEO
(a) Dans le passé, seulement des hommes.
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