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cinq mille kilomètres et trois, quatre, cinq générations du Gujerat, que
reste-t-il de la culture originelle ? Peut-être trouvera-t-on la question tendancieuse,
faisant implicitement la part belle à une mythique supériorité des racines ancestrales,
des traditions quon jugera passéistes. Nous devrions donc nous demander plutôt :
quelle culture - spécifique ? - peuvent revendiquer aujourdhui les
Indo-musulmans de la Réunion, dans le microcosme dune île ethniquement composite
mais tellement rattachée, par tant de liens superficiels ou profonds, à la France
lointaine ?
Si le premier ferment dune culture et son ciment le
plus solide sont constitués par la langue, il faut croire que le groupe gujerati est
largement engagé dans un processus dacculturation. En Inde, le gujerati est la
langue de plus de vingt millions de personnes, avec de nombreuses variantes régionales ou
locales. Au fonds indo-européen, les Musulmans et les Pârsî ont incorporé de nombreux
vocables arabes et persans. Lurdû, au vocabulaire mixte (hindî, persan et arabe)
et à la syntaxe essentiellement hindî, peut lui aussi être considéré comme langue
ancestrale des
ZArabes
réunionnais. De ces deux langues, il ne reste que des bribes : le savoir de quelques
vieux, quelques phrases échangées dans les familles, quelques textes que parcourent les
érudits... Seule exception notable : certains des plus récents immigrants,
essentiellement chiites, venus de Madagascar ont, eux, sauvegardé en grande partie
jusqu'à présent les pratiques linguistiques originelles. Du moins dans le cadre
familial... et pour combien de temps encore? (Photo).
Le créole et le français triomphent, le premier comme
véritable langue maternelle depuis, souvent, au moins deux générations; le second comme
outil essentiel de scolarisation et de promotion sociale. Nouvelle preuve que lon à
affaire à une population fondamentalement réunionnaise et accessoirement française
avant que de se définir comme indienne.
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