'Islam des
Indo-Musulmans réunionnais est un Islam tranquille, ouvert au dialogue, loin des
extrémismes violents qui, trop souvent, constituent limage choc associée
désormais par réflexe, chez une population trop caricaturalement surinformée, à cette
religion. La communauté zarabe connaît peut-être moins que dautres le
phénomène de déperdition spirituelle propre aux époques contemporaines. Encore ne
faut-il pas confondre, cest une évidence, spiritualité véritable et religiosité
démonstrative de pure convention.
On ne saurait parler de spiritualité et dIslam sans dire
au moins quelques mots du soufisme. Certes, celui-ci a dabord été laffaire
surtout des Mahorais et Comoriens ; on a même parlé de réticences de la part des
Musulmans dorigine indienne, en particulier de ceux quAlain Foulon
(a) appelle les "fondamentalistes", soucieux de ne
pas déroger à une orthodoxie formelle. Mais aujourdhui, le soufisme attire un
nombre toujours réduit mais croissant dindividus parmi les
ZArabes, voire à lextérieur du groupe musulman.
Au-delà des divisions entre les diverses obédiences, les soufis de la Réunion comme de
lensemble du monde musulman optent pour la voie dune quête mystique, par
laquelle chacun progresse plus ou moins vite, plus ou moins loin, vers
"Dieu" ? Vers un "Idéal" ? Vers des "Vérités
essentielles" ?
On ne peut quêtre frappé, en tout cas, de ce que
les jalons rencontrés par les sages soufis tout au long de cette voie rappellent beaucoup
ceux découverts sur leurs propres chemins par les mystiques chrétiens ou hindous
Et cela paraît dautant plus vrai que lon avance davantage vers les sommets de
cette route, où lon se détache peu à peu de son moi, où lon touche à des
états de conscience autres: extase, enstase
Sans aller jusquà ce mysticisme souvent mal
compris, mal jugé, certains ZArabes des jeunes générations ont le désir de
dépoussiérer quelque peu les habitudes religieuses pour retrouver une authenticité
vécue - démarche inévitable pour la plupart des systèmes de croyance ou de pensée, à
un moment ou un autre. Les femmes, bien que par exemple tenues à lécart, de la
grande salle de prière de la mosquée, ainsi que de diverses prérogatives masculines,
demandent aussi à participer plus activement à la vie religieuse. Bref, il existe un
indéniable dynamisme, et lon peut même assister parfois à des conversions, de
Métropolitains, de Chinois
séduits par le message de lIslam, par une
certaine manière dêtre.
Autres conversions : celles qui sont dues aux
mariages hors de la communauté. Ils ont concerné dabord les garçons mais, depuis
quelques années, touchent aussi les jeunes filles. Chaque fois que se forme ce type de
couple, pas question de mixité religieuse : le conjoint ou la conjointe catholique,
le
tamoul
ou la tamoule doit invariablement renoncer à ses pratiques pour embrasser la foi
musulmane.
e refermerai ce chapitre sur la
communauté indo-musulmane en citant, en substance, des propos que jai recueillis
auprès de lun de ses représentants. Celui-ci constatait que, si la cohésion de
cette communauté reste grande, grâce aux ciments de la religion, de lorigine
géographique et des liens familiaux, elle a toutefois tendance à se fragiliser. Le
métissage des franges, lindividualisme croissant, y sont pour beaucoup. La
solidarité se manifeste toujours en cas de coup dur, à titre exceptionnel donc, mais
elle ne se vit plus dans les menus faits du quotidien. Jajouterai, comme nous
lavons suffisamment vu, quil en va de façon comparable pour lidentité
culturelle.
(a) Dans Religions à la Réunion, le Renouveau.