l nen
reste pas moins que, quelles que soient les tendances, les fameux "cinq piliers
de la foi" demeurent les mêmes. La profession de foi, ou chahada ; les cinq prières
quotidiennes, ou salât ; le jeûne du ramadan ; laumône légale, zakât ; et le
hadj, pèlerinage dans la ville sainte de la Mecque, que lon se doit
deffectuer au moins une fois dans son existence. Les Gujerati de la Réunion,
généralement aisés ou bénéficiant de la solidarité communautaire, respectent
volontiers le principe du hadj, et ce sont parfois des charters entiers qui les conduisent
en terre saoudienne.
Le Ramadan - correspondant à la révélation du Coran au
Prophète - est comme l'on sait un long jeûne dun mois lunaire rompu la nuit venu,
nest par contre pas toujours suivi à la lettre, tant il saccommode souvent
mal des exigences de la vie moderne à loccidentale. De même, la contrainte
des cinq prières quotidiennes se heurte à dautres nécessités ou priorités, ne
serait-ce que professionnelles. On imagine mal, par exemple, le gérant et les employés
de telle boutique déplier leur tapis de prière - symboliquement un espace coupé du
monde profane - se tourner vers la Mecque et sacrifier après les ablutions nécessaires
au rituel de zohr, la prière de laprès-midi, sous les yeux de clients ébahis ou
patientant sagement. Même un vendredi, et même sil est écrit dans la Sourate 62,
al-jumua - le Vendredi : "Quand on appelle à la salât du jour du Vendredi,
accourez à linvocation dAllah et laissez tout négoce."
Selon Jacques Némo, lobligation coranique la plus
respectée à la Réunion est laumône de la fin du ramadan, zakât-el-fitr. Elle
coïncide évidemment avec la grande fête marquant le terme du jeûne : Aïd el-Fitr
(Eid ul Fitr) , date majeure du calendrier, où la foi se manifeste avec éclat et
ferveur. C'est aussi une fête familiale : on revêt ses plus beaux habits, on visite les
proches, on offre des cadeaux aux enfants et des aumônes aux nécessiteux...
Autre grand moment de lannée : Aïd el-Kebir
(appelée aussi Eid ul-Adha ou Eid-ud-Doha) où, après la grande prière collective du
matin, l'on procède au
kourbani,
sacrifice animal commémorant celui d'Abraham. Celui-ci, obéissant aux ordres divins,
était sur le point de sacrifier son fils lorsque celui-ci fut remplacé par un bélier :
Dieu récompensait ainsi la fidélité d'Abraham.
Des centaines de bufs et autres bêtes à cornes -
pour lensemble de lîle - sont égorgés en famille, au couteau, et découpés
en morceaux qui seront partagés entre tous : une part pour la famille, une part pour les
connaissances, une autre pour les pauvres Il est du reste de plus en plus fréquent que le
sacrifice se fasse à La Mecque, lors du pèlerinage effectué en cette période, tandis
que dautres Indo-Musulmans envoient à leur famille du Gujerat la somme nécessaire
à lachat de lanimal ... qui sera immolé en leur nom. Dans ce cas, la
distribution de la viande bénéficiera alors à de plus nécessiteux que les
"privilégiés" - économiquement - de la Réunion. (Photo1,
photo2).
Il est encore dautres rites, dautres
traditions, pour certains desquels, dailleurs, la coloration typiquement indienne se
superpose aux fondements islamiques. Comme pour toutes les religions du monde, les grands
tournants de lexistence, de ses premiers vagissements jusquà lultime
voyage, ne sauraient prendre leur sens et leur pleine valeur sans les sacrements
renouvelés depuis toujours.
Les rituels liés aux premiers moments de la vie sont
nombreux, mais pas toujours faciles à respecter, par exemple celui qui consiste à
enterrer le cordon ombilical : les réglementations actuelles des maternités, par souci
dhygiène, sy opposent. Impossible, de même, dattendre le septième
jour pour le choix dun prénom, responsabilité incombant en principe à une tante
paternelle.
La naissance est aussi normalement loccasion de
lakika : le sacrifice dun mouton ou dun cabri (bouc) pour la venue
au monde dune fille, de deux pour un garçon. Le but en est dattirer sur le
nouveau-né la baraka , la chance de la protection divine, avec ce quelle
suppose aussi de santé, de force et autres bienfaits. Aujourdhui, cette pratique
continue de se perpétuer, malgré l'opinion d'un certain public hostile au principe du
sacrifice animal.
Au septième jour - ou au dernier jour de lune des
quatre semaines qui suivent la naissance - un des membres de la famille procède au
mundan, cest-à-dire la coupe rituelle des cheveux du bébé. Enfin, entre ce
septième jour et la septième année de lenfant mâle, le père - ou plus
généralement, de nos jours, le médecin hospitalier - doit procéder à la circoncision,
khatna, symbole d'une véritable seconde naissance, religieuse et sociale celle-ci. Sans
doute faut-il voir une signification comparable dans lépilation du pubis chez la
jeune fille au moment de la puberté.
Le mendi et le nikâh, fiançailles et mariage, ne
dérogent pas aux habitudes sans doute quasi universelles de réjouissances et de grande
réunion familiale. Pour beaucoup, le mariage religieux dépasse de loin, en importance,
lofficialisation civile. Une cérémonie se déroule à la mosquée, elle est suivie
dagapes et déchanges de cadeaux. Aujourdhui ces réjouissances
rassemblent hommes et femmes, alors que dans le passé ils festoyaient séparément.
Il va sans dire que lépousée se doit
dapparaître resplendissante aux yeux de tous, selon des critères très
indiens
ou, de plus en plus fréquemment, occidentaux, tout au moins sur le plan
vestimentaire. On hésitera donc entre le
sari ou le
punjabi,
rouge ou rose vifs, richement ornés, et la blancheur toute de dentelles de la longue robe
que lon connaît si bien dans les églises. Le maquillage au henné fait étalage de
ses raffinements les plus subtils.
Les rites funèbres, très formalistes, sopèrent
notamment dans un souci de purification. On procède à un bain du mort - au cours duquel
lutilisation de feuilles de jujubier est typiquement indienne - on le vêt de blanc,
on le parfume et lon oint dune pâte à base de camphre les parties du corps
en contact avec le sol lors de la prière. Après une cérémonie à la mosquée, on
enterre la dépouille au cimetière musulman. Influence du contexte local, encore une
fois, les tombes sont de plus en plus souvent matérialisées, par une dalle. La tradition
voulait quon se limite à un très humble tertre de terre, sur lequel on pouvait
planter un arbuste. (Photo3).