e 28 mai 1956, la France cédait à
lUnion Indienne son dernier et plus important comptoir : Pondichéry, dont le
territoire avait été acquis en 1674, et qui était devenue capitale des
Établissements
français en Inde. Deux ans plus tôt Karikal, Mahé et Yanaon avaient connu le même
sort, ainsi que Chandernagor dès 1951. Les liens de Pondichéry avec la Réunion avaient
été étroits. Cest en effet dans ce port du Tamil Nâdu, à quelque 140 km au sud
de lactuelle Chennai (anciennement Madras), que sembarquèrent la plupart des
engagés indiens de la seconde moitié du XIXème siècle, suivant la route déjà
empruntée par de nombreux esclaves au cours du siècle précédent.
On comprend aisément que le transfert de souveraineté
administrative et politique de mai 56 ait pu en inquiéter certains. Devenir citoyen
de lUnion Indienne, cétait bien sûr se libérer de lautorité
coloniale et réintégrer en quelque sorte sa vraie famille, mais cétait aussi
renoncer aux avantages dune vie finalement privilégiée pour partager les misères
dune nation jeune et surpeuplée, à peine sortie dune domination britannique
souvent mal vécue. Quelques uns décidèrent donc de quitter leur terre natale pour
échapper à ce quils craignaient être le pire.
Épisode suivant : fin 1961. Paris offre aux 300 000
habitants des anciens comptoirs la possibilité de conserver la nationalité française.
Ils sont moins de 20 000 à faire ce choix au cours des six mois de délai accordés.
Preuve quune immense majorité préférait jouer les pauvres loups que le chien de
la fable ? Pas si sûr ! Il semblerait que les négociations de gouvernement à
gouvernement se soient déroulées largement à linsu des principaux intéressés.
Analphabétisme, rétention de linformation par quelques uns
la population la
plus humble a globalement été tenue dans lignorance de ce qui se tramait.
Le 15 août 1962, l'affaire était entendue, la grande majorité des Pondichériens étaient maintenant indiens.
Ceux qui ont opté pour la France décident pour la
plupart, à leur tour, de plier bagage. Personnels administratifs, fonctionnaires,
enseignants
ils se retrouvent en Métropole, coopérants dans les pays de
lancien empire colonial; dautres choisissent les Départements
dOutre-Mer, ne serait-ce que pour leur climat plus attrayant. Cest ainsi que,
vers la fin des années 60, environ cent cinquante familles
"pondichériennes" résident à la Réunion. Parmi elles, certaines sont
karikalaises, mahésiennes ou yanaonnaises dorigine. Beaucoup sont catholiques, une
infime minorité musulmanes, les autres de religion hindoue. Une diversité qui a
pratiquement interdit que se constitue une communauté véritable. Départs, décès,
intégration par les mariages mixtes : le nombre de ces familles a aujourdhui
diminué de moitié.
Ces "Pondichériens", dabord
catalogués comme "Malbars pondichériens" mais jamais confondus avec les
"Tamouls", malgré leur origine, ont souvent été considérés de manière
ambiguë, en tout cas pour ce qui est des familles hindoues. Dune part on a pu avoir
tendance à les rejeter ou les marginaliser, pour leurs apparences, leurs pratiques
différentes. Sans doute aussi parce quelles représentaient limage dun
hindouisme exempt de la créolisation locale, doù un quelconque complexe
dinfériorité
ou de supériorité, de la part des défenseurs dune
religion originale des Malbars réunionnais. Dautre part on a aussi regardé avec un
soupçon de curiosité et denvie, on a fini parfois par imiter ceux qui ne sont
finalement que des cousins un peu plus proches de la terre ancestrale. Cest ainsi
qua pu se réaliser discrètement un transfert culturel participant du grand
mouvement de "renouveau tamoul". Les "Pondichériens", vivant à
lindienne, pratiquant plus assidûment un hindouisme plus conforme à une certaine
image valorisée, ont donc incontestablement influencé toute une partie des
Indo-Réunionnais, par exemple dans le domaine vestimentaire ou dans celui des rituels
religieux.
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