'ai souvent entendu dire, sur le ton du
reproche déçu ou de la simple constatation, que lhindouisme réunionnais
saffiche volontiers, part à la conquête de la scène publique, voire de la
publicité médiatique, mais na pas - pas encore ? - conquis le propre
cur de ses fidèles. Comme toute affirmation trop générale, celle-ci contient ses
parts de vérité et dexagération.
Il est sûr que l"effort religieux" des
Indo-Réunionnais trouve son expression la plus éclatante dans ces multiples cérémonies
qui scandent lannée et la durée des existences, tandis que la vie quotidienne suit
bien souvent les inclinations du matérialisme occidental ordinaire, les sirènes de la
société de consommation. Le Malbar pourra passer cinq ou six heures au temple, assistant
sincèrement à des rituels dont il ne saisira guère la profondeur, puis il retournera à
une routine vidée de sens spirituel. LIndien, lui, se contentera, au sanctuaire, du
darshana
(a), mais le moindre de ses faits et gestes de tous les jours
sera imprégné du sens divin. Deux portraits simplistes dont on retiendra malgré tout ce
quils supposent approximativement dattitudes mentales.
Des cérémonies, donc. Nous avons rapidement signalé
celles qui sassocient aux principaux sacrements accompagnant la naissance, le
mariage et le décès, et nous donnons en
gros plan un aperçu des fêtes annuelles les
plus marquantes, sachant par ailleurs quil nexiste dans lîle aucun lieu
de pèlerinage - le plus proche étant, à Maurice, le petit lac de Grand Bassin, réputé
pour être alimenté par les eaux sacrées du Gange. Quelles sont les grandes dates du
calendrier hindou à la Réunion ? (Photo1).
Le Nouvel An hindou, le 14 avril (ou autour de cette date)
nest pas à proprement parler une fête sacrée. Il revêt cependant une dimension
religieuse dans lîle : on y célèbre les grandes divinités, par exemple par des
processions ou défilés, des
bals
tamouls présentés au public. Pour ce qui est des autres fêtes,
leurs dates sont généralement mobiles, de par le décalage entre les calendriers hindou
et "universel". (Photo2).
Il existe plusieurs périodes possibles pour la Fête des
Dix Jours (Kâvadi)
(b), en lhonneur de Muruga, et chaque grand temple
retient lune delles pour ce qui constitue un des moments les plus forts de
lannée. Le Sittiraï Kâvadi (mois de Shittirei) a lieu en avril ou mai,
lAvani Kâvadi (mois dÂvani) prend place en août ou septembre, tandis que le
Taï Poussam Kâvadi (mois de Tei) se déroule en décembre-janvier. Le moment le plus
fort est celui du dernier jour. Rassemblés près dune rivière ou de la mer,
entourés de la famille, des amis, des officiants et souvent de nombreux badauds, les
"pénitents" purifiés, hommes ou femmes, font placer sur leur corps, sur leur
langue, un nombre rituel de petites aiguilles. On ajoute parfois de petits crochets
auxquels on pend un citron vert. Il sagit ensuite de se diriger en cortège
jusquau temple, sur les épaules une arche décorée portant leffigie du dieu,
et les pieds nus sur la chaleur du bitume rendue à peine moins brûlante par quelques
giclées deau. Aiguilles et crochets seront ensuite retirés et lon partagera
quelques gouttes du lait béni transporté au cours de la procession. (Photo3,
photo4).
Autre événement majeur, sans lequel lhindouisme
réunionnais ne serait plus aux yeux de beaucoup la chose fascinante quils aiment y
voir : la marche sur le feu. Nous y consacrons
(c)
un gros plan qui, même illustré par limage, restituera mal lambiance si
particulière de ces moments ... la chaleur du brasier qui grésille sous les
derniers rougeoiements du soir, la ferveur au bord de la transe, les vacarmes ou les
silences que lon finit par confondre dans la tension sacrée des sens et des âmes.
(Photo5).
Gardons-nous de voir dans le Kâvadi et la marche sur le
feu les "simples" mortifications de quelques mystiques en mal démotions
fortes. Si sacrifice de soi il y a, il est avant tout glorification de Dieu, purification
et remerciement. Tutoyer les limites de la souffrance ou de la résistance, les limites de
lhomme, les repousser plus loin, cest sapprocher du divin. Et cette
aspiration, loin de nêtre connue que dexceptionnels initiés, est celle de
tout fidèle. Cest celui quon a vu, il y a quelques jours, vaquer aux
occupations les plus terre à terre, qui se retrouve à présent percé par
laiguille de Muruga ou léché par le feu, en hommage à la divinité.
Les Tamouls réunionnais accordent évidemment aussi une
grande importance aux festivités dédiées à Marliémen. La déesse protectrice, garante
de la santé, est honorée en avril-mai. La couleur blanche est de rigueur, et les
offrandes strictement végétariennes. Rites purificateurs et procession constituent,
comme pour la plupart des cérémonies, une part essentielle du culte. La statue de la
divinité est promenée autour de lespace sacré quest le temple mais aussi
dans les rues de la ville, morceau symbolique de lunivers, sur un char souvent
bricolé avec les moyens du bord mais toujours décoré avec amour. Lautre partie
importante du rituel est constitué par la
pûjâ,
que nous évoquons ailleurs
(d).
(Photo6) (Extrait sonore).
A ce chapitre des fêtes et cérémonies, je citerai
encore - et parmi dautres - lanniversaire de Krishna (Krishna Jayanthi),
célébré en août. Parfois en décembre dans les chapelles malbar, où lon peut
reconstituer divers épisodes de la geste divine du héros dans le cadre dun bal
tamoul.
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(a) Le simple regard "échangé" avec la
représentation divine.
(b) Il existe aussi des "Fêtes dix jours" vouées
à Kâli. Voir aussi la rubrique "Gros plans".
(c) Egalement dans cette
même
rubrique.
(d) Voir encore la rubrique "Gros
plans".
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