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LES REUNIONNAIS D’ORIGINE INDIENNE AUJOURD’HUI

 

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religion des Malbars a au contraire été brimée pendant longtemps - beaucoup n’y voyaient, n’y voient encore, qu’une forme de sorcellerie. Pourtant, au moins dans les familles les plus traditionnelles, elle a survécu aux épreuves, non sans compromis dans les apparences, mais en restant fondée sur les principes essentiels de la religion populaire et rurale du Tamil Nâdu. Depuis quinze ou vingt ans s’est aussi dessiné un mouvement de reviviscence, de retour aux racines hindoues, ou ce que l’on considère comme tel. Mouvement d’autant plus déterminé qu’il est en même temps ressenti comme le moyen d’une reconnaissance conquise, après des décennies d’humilité forcée, parfois d’humiliation. (Photo1).

   Il ne s’agit pas à proprement parler d’une résurrection : en réalité se sont conservées à la Réunion des traditions que nombre de villes modernes de l’Inde même ont oubliées. Encore fallait-il retrouver leur signification profonde, perdue derrière l’habitude des gestes répétés souvent avec fidélité mais parfois dans l’ignorance. Encore fallait-il aussi restaurer un peu de l’âme indienne dans la vie de tous les jours, prendre conscience d’une identité, recréer paradoxalement une spontanéité et un besoin authentique des valeurs indiennes, aller jusqu'à promouvoir cette culture sur la scène des manifestations officielles. Si de tels besoins restent étrangers aux générations d’un certain âge, tout imprégnées encore des valeurs qu’un certain milieu malbar a su faire perdurer depuis un siècle et demi, les jeunes par contre les ont faits leurs, tout simplement pour la raison que la modernité occidentale ambiante les en dépossédait davantage jour après jour.

   Des gens de bonne volonté, des groupes, des associations actives, de plus en plus nombreuses et dont les prémices remontent aux années ’60 et ‘70 (a), se sont alors mis à l’œuvre. C’est également sous la pression de ceux-ci qu’en 1986 a été ouvert, à Saint-Denis, un Consulat de l’Inde, de manière notamment à faciliter l’obtention de visas pour les candidats de plus en plus nombreux au voyage vers la contrée des ancêtres. Mais les liens avec la lointaine mère-patrie restent bien lâches: songeons par exemple qu’il n’existe même pas de ligne aérienne ni maritime directe vers le Sous-continent ; les relations économiques se limitent, ou presque, à l’importation d’une poignée d’articles décoratifs, quelques pièces de mobilier fatiguées par le voyage, quelques décamètres de sari... Il faut se rendre à l’évidence : l’Inde est la terre des aïeux mais elle n’est pas le pays des Malbars réunionnais. L’actualité, la vie sociale, politique, quotidienne... de l’Inde demeurent méconnues de l’immense majorité. Reste peut-être un certain élan du cœur, même si nul représentant de la communauté ne songerait à se définir comme un Indien : Réunionnais sans doute, Tamoul éventuellement, Français parfois. Et puis... ce que nous avons écrit, au début de ces lignes, du métissage des cultures, est à considérer aussi sous le jour du métissage des sangs, qui explique à lui seul bien des évolutions (Photo2, photo3).

   J’ouvrirai une brève parenthèse pour évoquer quelques uns des propos que j’ai recueillis auprès de Mme B. Bose Harrison, Consul de l’Inde à Saint-Denis. Ils éclaireront à leur façon les lignes précédentes. Elle avouait d’abord sa totale méconnaissance de la Réunion et des racines indiennes d’une partie de ses habitants, avant sa récente nomination dans l’île. Elle s’est, surtout, dite surprise de trouver des pratiques selon elle disparues ou devenues exceptionnelles dans son pays ( mais que des recherches ultérieures lui ont fait apparaître comme des réalités encore vivantes dans l'Inde méridionale rurale ) : marche sur le feu, sacrifices de cabris... Surprise de l’élégance avec laquelle les femmes portent le sari... mais aussi frappée par la perte de la langue d’origine, ou encore par des détails, notamment pour ce qui est des habitudes culinaires, dont les subtilités semblent ne pas avoir survécu à la traversée d’un océan. Point de vue "indien" qui ne saurait tenir lieu vérité référentielle et qui ne s'est d'ailleurs pas donné comme tel : la malbarité n’est pas l’indianité, aussi faut-il sans doute parler de la première comme un système culturel à part entière, non comme d’un succédané de la seconde (Photo4, photo5).


(a) Avec le journal Trident ou le Club tamoul.


  
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