n compte aujourd'hui neuf styles de danse
considérés comme classiques (tout le monde ne s'accorde pas sur ce nombre) : manipuri,
dédiée à Krishna et remise à l'honneur par le grand poète bengali Rabindranâth
Tagore ; mohini
attam, danse féminine pratiquée dans le Kerala ; kathâkali,
drame dansé originaire de la même région ; kathak, danse du Râjasthân
et de la moyenne vallée du Gange réputée pour ses mimes
et la complexité de ses mouvements des pieds ; bhârata-natyam,
populaire dans le sud du pays, en particulier dans le Tamil Nâdu où il en
existe plusieurs grandes écoles. D'autres styles,
originaires de diverses régions, ont plus récemment été
estampillés classiques : l'odissi,
venu d'Orissa, le style kuchipudi
de l'Andra Pradesh, le style
sattriya, de l'Assam, et
Gaudiya nritya du Bengale. De
très nombreuses
formes
folkloriques se sont
développées sur l'ensemble du territoire, dont diverses
formes de la danse
chhau, qui mérite elle aussi une évocation
particulière. Cliquez sur les liens précédents ou sur le
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d'informations.
C'est le bhârata-natyam qui est le plus couramment
enseigné à la Réunion. Il constitue probablement la plus ancienne danse traditionnelle
de l'Inde, transmise de maître à disciple depuis au moins deux mille ans. Il semblerait
qu'à l'origine le bhârata-natyam, ou plutôt son "ancêtre", ait été
pratiqué par les Devadâsis, danseuses professionnelles attachées à un temple et
offrant leur art à la divinité, Shiva ou Vishnu. Les maîtres (masculins) des Devadâsis
étaient appelés Nattuvanars. Dans le Manimekkalaï, roman
tamoul du IIème siècle (a),
la danse est par contre présentée comme une des activités dévolues aux prostituées.
Ce n'est qu'au XIXème siècle que les séquences du "spectacle" ont été
strictement codifiées, par quatre musiciens de Tanjore. Le renouveau culturel du XXème
siècle, enfin, a vu le bhârata-natyam sortir de l'enceinte des temples et, tout en
gardant sa dimension sacrée, toucher un public et des pratiquants de plus en plus
nombreux.
Le costume des danseuses de bhârata-natyam est issu de
ceux que l'on peut voir sur les bas-reliefs des temples de Chidambaram, au sud de
Pondichéry, dont le plus important est d'ailleurs dédié à Shiva Nâtarâja.
L'orchestre qui accompagne la danse est composé d'une vînâ, d'une flûte, du tambour
"mridangam", auxquels s'ajoute une partie vocale. Des dizaines de grelots aux
chevilles des danseuses complètent la couleur sonore et accompagnent les bôls (marques
rythmiques). De nos jours, il est impossible de rendre compte en quelques images et
quelques lignes de la prodigieuse richesse, toujours accrue, de cet univers de la danse
indienne. Richesse d'abord de par la profondeur de ses origines, liées à Shiva sous sa
forme Nâtarâja, "roi de la danse". On connaît bien cette image du dieu
dansant, dans un cercle de feu, la Tândava : danse cosmique qui symbolise
l'anéantissement de l'univers illusoire comme des aspects mauvais de la nature humaine
(représentés par le nain Mûlayaka qu'écrase le pied droit de Mahâdeva, le Grand
Dieu). De l'anéantissement du mal naît aussi le pouvoir du recommencement perpétuel.
Dieu destructeur, Shiva Nâtarâja est donc aussi dieu créateur.
Richesse ensuite des conceptions, des formes, des
significations... formulées dans le Nâtya-shastra par le sage Bhâratamuni à l'époque védique. Chaque style comprend deux
parties principales, l'une dédiée aux dieux, l'autre aux simples mortels. Trois formes :
le nritta, à caractère esthétique et non descriptif ; le nâtya, véritable danse-drame
; le nritya, plus doux et émotionnel. Deux aspects, masculin et féminin. Quatre
"guides " concernant l'interprétation stylisée des apparences, objets ou
personnages, l'interprétation des états moraux et affectifs, les éléments musicaux et
vocaux, le costume. Tout fait sens dans la danse, et le langage du corps, lui-même temple
dans lequel réside l'essence divine, atteint à une complexité inimaginable. A défaut
d'une irréalisable évocation exhaustive, nous retiendrons encore quelques chiffres, ceux
des mouvements de la tête et de ses parties, donnés par le Nâtya-shastra. Ils peuvent bien sûr se combiner entre eux ainsi
qu'avec diverses positions du corps, des gestes des mains et plusieurs espèces de pas.
Selon le traité, l'artiste s'exprimera à travers treize mouvements de la tête,
trente-six expressions, huit sortes de regards, neuf mouvements du globe oculaire, neuf
mouvements des paupières, sept mouvements des sourcils, six mouvements du nez, six des
joues, six de la lèvre inférieure, six du menton et six de la bouche, quatre mouvements
du visage et neuf du cou! Chacun selon le contexte, prend une signification précise.
Les gestes des doigts et des mains (hasta)
sont aussi particulièrement importants. Investis d'un symbolisme spirituel, ils
deviennent des mudrâ,
utilisés également dans la statuaire et l'iconographie hindoues ou bouddhiques .
"Les mudras, écrit Srimati Usha (b),
ont, non seulement un sens mystique, mais un rôle physique par leur action sur le
système nerveux. Une série complète de mudras provoque certains résultats physiologiques et psychologiques
incontestables".
Et au-delà du versant savamment technique de l'art,
n'oublions surtout pas la fluidité ou l'énergie, la grâce raffinée, le charme
envoûtant et saisissant... la beauté qui en émanent (c).
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