Interview
IR : First Anita
Ratnam, could you introduce yourself personally ? I read about you being a "cultural
activist" : what does it mean ?
Tout d'abord, Anita Ratnam, pourriez-vous vous
présenter personnellement ? J'ai notamment lu que vous sous revendiquez "activiste
culturelle" : qu'est-ce à dire ?
AR : I am a woman born in Ambala, north India on May 21,
46 years ago. My parents are Tamil Brahmins and are well known in the fields of business
and social service. I am the eldest of three children ; my sister Pritha and my brother
Srinath. We are all one year apart in age. I started dance as early as 3 years. I was very
lucky to have a wonderful dance teacher called Rajee Narayan who taught me music and
dance by making me sit on her lap. I thought that dance and music were the most fun things
to do in the entire world. I still do and I owe it all to her.
Cultural activist is a term for those who are warriors for culture. I am very
outspoken about the wrongs in the field of dance and culture and am fighting all the time
for things that have to be set right. There are those people who fight for social causes,
like the homeless and AIDS victims, they are called social activists. I believe that
culture needs activism and that is why I call myself a cutural activist.
Je suis née à Ambala, dans le nord l'Inde un
21 mai, il y a 46 ans. Mes parents sont des Brahmanes tamouls et sont bien connus dans les
domaines des affaires et du service social. Je suis l'aînée de trois enfants .. ma soeur
Pritha et mon frère Srinath. Il y a un an d'écart entre chacun d'entre nous. J'ai
commencé la danse dès l'âge de trois ans. J'ai eu la grande chance d'avoir une
merveilleuse professeur de danse appelée Rajee Narayan qui m'a appris la musique et la
danse en me faisant asseoir sur ses genoux. J'ai conçu la danse et la musique comme les
choses les plus agréables du monde... C'est toujours ce que je pense et je dois tout à
Mme Narayan.
"Activiste culturelle" est un terme s'appliquant ceux qui sont des
guerriers au service de la culture. Je ne mâche pas mes mots lorsque je parle de ce qui
ne va pas dans le domaine de la danse et de la culture, et je me bats inlassablement pour
améliorer et rectifier ce qui doit l'être... Il y a des gens qui se battent pour des
causes sociales, comme les sans-abri et les victimes de SIDA. On les appelle des
activistes sociaux. Je crois que la culture a besoin d'activisme et c'est pourquoi je me
présente comme activiste cuturelle.
IR : What would you
like to say about yourself as a writer ?
Qu'avez-vous à dire sur vous en tant qu'auteur ?
AR : I am not a formal writer but I think like a
painter and a writer when I choreograph for the stage. In fact, I consider my creations
"writing in the empty space" called the stage. As a writer i am too emotional
and often not diplomatic enough. I love words and have been a fan of poetry from a young
age. I feel that if I write more, my dance may improve.
Je ne suis pas écrivain à
proprement parler, mais je pense comme un peintre et un auteur quand je conçois une
chorégraphie pour la scène. En fait, je considère mes créations comme une
"écriture dans l'espace vide", la scène. En tant qu'auteur, je suis trop
émotive et souvent pas assez diplomate. J'aime les mots et je suis passionnée de poésie
depuis mon enfance. J'estime que si j'écris davantage, ma danse pourrait s'améliorer
d'autant.
IR : As a performer, you practice as well Bharata Natyam, Mohini Attam or
Kathakali : is not it difficult to master without confusion such different and the at the
same time resembling arts and techniques ?
En tant qu'interprète, vous pratiquez aussi bien le
Bharata Natyam, le Mohini Attam ou le Kathakali : n'est-il pas difficile de maîtriser des
techniques, des arts à la fois si différents et si ressemblants, sans qu'i y ait
confusion ?
AR : I have not learnt these three forms to mix
them up like a "masala fusion mix". I learnt all three very naturally. I felt
that Bharatanatyam was not giving me the entire body curvature and freedom that I wanted
and so I studied Mohiniattam. Then I was fascinated by the theatrical quality of Kathakali
and the fact that it was so powerful in its communication techniques. So I learnt that
also for three years. Now I combine the kinetic quality of all three to create what suits
my body and the style is my own - very indian and very contemporary.
Je n'ai pas appris ces trois formes
pour en faire un mélange, un "massala fusion mix". Je les ai appris tous trois
de façon très naturelle. J'ai estimé que le Bharata Natyam ne me donnait pas toute la
courbure corporelle et la liberté que je souhaitais et donc j'ai étudié le Mohini
Attam. Puis j'ai été fascinée par la qualité théâtrale du Kathakali ainsi que sa
grande puissance dans le domaine des techniques de communication. Donc j'ai aussi appris
le Kathakali pendant trois ans. Maintenant j'associe la qualité de mouvement de ces trois
formes pour créer ce qui convient à mon corps, créer mon propre style - très indien et
très contemporain.
IR : According to you,
what are the specificities of these various dance forms ? Have you a preference for one of
them ?
Selon vous, quelles sont les spécificités de ces différentes formes de
danse ? Avez-vous une préférence pour l'une d'entre elles ?
AR : Bharatnatyam is the mainstay of my work and
the vocabulary of my body. It is what I use all the time and what I always return to. It
is the vocabulary that makes me most comfortable. To me it is the most compelling solo
dance tradition in the world. But I think it is limiting in its repertoire and so I
have used it to attempt to broaden my horizons as an artiste and a woman. The other two
styles, Mohiniattam is pure liquid grace like the floating ocean waves and the sandy
beaches. However, I cannot watch Mohiniattam for more than 30 minutes since I find the
beauty too overdone. As for Kathakali, it is a fabulous form and needs to be seen at close
quarters and studied for its minute details. I find it very difficult to enter into the
spirit of both Kathakali and Mohiniattam but much easier to 'breathe' into the
"prana" of Bharatanatyam. It is also possibly since the music of Bharatanatyam
is so wonderful to my ears and so varied.
Le Bharata
Natyam est le pilier de mon travail et le vocabulaire de mon corps. Il est ce que
j'emploie tout le temps et ce à quoi je retourne toujours. C'est le vocabulaire avec
lequel je me sens la plus à l'aise. Selon moi il est la tradition de danse en solo la
plus exigeante dans le monde. Mais je pense qu'il est limité dans son répertoire et donc
je l'ai employé pour essayer d'élargir mes horizons en tant qu'artiste et en tant que
femme. Pour ce qui est des deux autres styles : le Mohini Attam est une pure grâce dans
sa fluidité comparable aux vagues de l'océan et aux plages de sable. Cependant, je ne
peux pas regarder du Mohini Attam plus de trente minutes : je trouve sa beauté trop
outrée. Quant au Kathakali, c'est une forme artistique fabuleuse ; il doit être vu de
tout près et étudié pour ses détails infimes. Je trouve très difficile d'entrer dans
l'esprit tant du Kathakali que du Mohini Attam, mais beaucoup plus facile de
"respirer" dans le "prana", le souffle du Bharata Natyam. C'est aussi
probablement parce que la musique de Bharata Natyam est si merveilleuse à mes oreilles et
si diverse.
IR : Now as a choreographer, how do you conceive your spectacles ? What are your
sources of inspiration ? Do you consider yourself as a classic or modern creator ?
A présent en tant que chorégraphe, comment concevez-vous
vos spectacles ? Quelles sont vos sources d'inspiration ? Vous considérez-vous comme une
créatrice classique ou moderne ?
AR : I consider myself a contemporary classicist.
All my ideas are from traditional sources, but they can also be from readings and from
nature : a lotus flower floating in a small brass vessel, a child blowing soap bubbles
gives me inspiration. They can come from many sources but I use them and put them together
in my own style of dance, movement and theatre techniques. When people see my work, they
can tell that it is Indian in spirit but very modern and contemporary in approach. I read
extensively and watch a lot of cinema and painting. Possibly all these images are stored
up inside of me and emerge at various times. Folk theatre and tribal cultures are
also an important source for me.
Je me
considère comme une classique contemporaine. Toutes mes idées s'inspirent de sources
traditionnelles, mais elles peuvent aussi venir de lectures ou de la nature : une fleur de
lotus flottant dans un petit récipient de cuivre, un enfant soufflant des bulles de
savon... me donnent de l'inspiration. Cela peut venir de bien de sources mais je les
utilise et les combine dans un style de danse, un mouvement et des techniques théâtrales
qui me sont propres. Quand les gens voient mon travail, ils peuvent dire que c'est indien
dans l'esprit, mais très moderne et contemporain dans l'approche. Je lis énormément et
regarde beaucoup de cinéma et de peinture. Il est probable que toutes ces images sont
mises en réserve à l'intérieur de moi et font surface à certains moments. Le théâtre
traditionnel et les cultures tribales constituent aussi une source importante pour mon
inspiration.
IR : You founded and
you direct a cultural institution called Arangham. Could you say some more about it ?
Vous avez fondé et vous dirigez une institution culturelle appelée
Arangham. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?
AR : When I returned from spending twelve years
in the USA as a television producer and suddenly the single mother of two very young
children, I found myself in my hometown of Chennai once again but so many things had
changed. The dance scenario had become so very busy and active and in fact, overactive.
When I was a young girl dancing, there were not so many young women who were learning the
dance. Now there were too many, I looked around, and thought to myself that I could not do
what they were all doing. I had lived a different life and my work and future
attitude woud have to reflect that in my art. I also had learnt so many valuable lessons
about management , media and working with people and respecting deadlines... I put all
that to good use and created ARANGHAM TRUST , a foundation to encourage interaction
between dance and life. ARANGHAM has the business structure to attract sponsorships and
support from the corporate sector. It also works as the main organisation that supports
and nurtures various aspects of my cultural life : organising festivals, helping revive
temple ritual practice, choreograph dance shows.
A mon retour de douze ans passés aux Etats-Unis comme productrice de
télévision, devenue brutalement mère célibataire de deux très jeunes enfants, je me
suis retrouvée dans ma ville de Chennai ; mais tant de choses avaient changé ! La scène
chorégraphique était devenue tellement bouillonnante, tellement active... trop active en
fait. Quand j'étais jeune danseuse, il n'y avait pas tant de jeunes femmes qui
apprenaient la danse. Maintenant il y en avait trop. J'ai regardé autour de moi et j'ai
pensé que je ne pouvais pas faire ce que toutes les autres faisaient. J'avais vécu une
vie différente et mon travail, mon attitude désormais devraient restituer ce vécu dans
mon art. J'avais aussi appris tant de leçons utiles sur les aspects administratifs, les
médias, le travail en équipe, le respect des échéances... J'ai mis tout cela à profit
et ai créé Arangham Trust, une fondation destinée à encourager l'interaction entre la
danse et la vie. Arangham a la structure d'une entreprise, pour attirer les parrainages et
l'appui des acteurs économiques. Il constitue aussi la principale organisation à
soutenir et nourrir mes diverses productions culturelles : mise sur pied de festivals,
aide au renouveau des pratiques rituelles dans les temples, spectacles de danse et
chorégraphie.
IR : Could you tell us
about the most important productions of Arangham repertoire ?
Pourriez-vous nous parler des plus importantes productions constituant le
répertoire d'Arangham ?
AR : We have a varied repertoire and for that you
can visit our website www.arangham.com. That is why we have a website for a complete survey
of our work over the last 10 years.
Nous avons un répertoire varié, que
vous pouvez découvrir sur notre site Web : www.arangham.com.
C''est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons un site Web : pour donner un aperçu
général et complet de notre travail au cours des dix dernières années.
IR : Indian theatre,
Tamil theatre are much less known in Occident than Indian dance. What are the
characteristics and the history of this theatre ?
Le théâtre indien, le théâtre tamoul, sont beaucoup moins connus en
Occident que la danse indienne. Quelles sont les caractéristiques et l'histoire de ce
théâtre ?
AR : In Tamil theatre the most vibrant form is called
THERUKOOTHU. It is literally translated as STREET THEATRE or STREET CELEBRATION. It is a
fascinating form which combines a narrator who is a political commentator, actor, dancer,
speaker and one who pushes the story along and makes the important observations. The form
is very classical and contemporary since the language of traditional Tamil theatre is not
as stylised as Sanskrit theatre. Tamil theatre belongs much more and is closer to the
people of the Tamil speaking region. Dialogue, music, movement and myth are skilfully
woven in the productions. The theatre form is also very closely connected to the folk
movement techniques like Devrattam, Oyilattam and others. I find it very contemporary and
very visually stylised as well.
Dans le théâtre tamoul la
forme la plus vivante est appelée THERUKOOTHU, que l'on peut littéralement traduire par
"théâtre de rue" ou "célébration de rue". C'est une forme
fascinante, avec un narrateur - qui est aussi commentateur politique, acteur, danseur,
présentateur, celui qui fait avancer le récit et exprime les observations importantes.
La forme est très classique et contemporaine à la fois, puisque la langue du théâtre
tamoul traditionnel n'est pas aussi stylisée que celle du théâtre sanskrit. Le
théâtre tamoul appartient en propre au peuple de la région tamoulophone, et en est
proche. Le dialogue, la musique, le mouvement et la mythologie sont habilement tissés
ensemble dans les productions. La forme théâtrale est aussi très étroitement liée aux
techniques populaires telles que le Devrattam, l'Oyilattam et d'autres encore. Je le
trouve très contemporain et très stylisé sur le plan visuel également.
IR : You are living
and working in Chennai : how is the cultural life there and in Tamil Nadu ?
Vous vivez et travaillez à Chennai (Madras) : quelle est la vie culturelle
dans cette ville et dans le Tamil Nadu en général ?
AR : This is the most culturally vibrant region
of Asia. I say it with a great deal of conviction since I have travelled so widely. This
is a wonderful city for the arts, for dance, music, painting, sculpture and even
literature. Tamil literature has only recently come to be recognised as the oldest
continuing language in the world and the writing is very vibrant. There is so much going
on that it is difficult to keep pace. Traditional and classical values walk alongside, not
without problems, contemporary and radical ideas. After all the most famous moments
in Indian dance history are from this very city. Rukmini Devi's renaissance ideas and
institution Kalakshetra is in Chennai, and famous choreographer Chandralekha who is from
Gujarat moved to Chennai to create her radical work. People from other parts of India feel
that this is a very conservative city and not fun for the young, but I feel that it is a
city with a strong identity and not easily swayed by the new just for the sake of fashion.
For me, this is a wonderful city to be creative. I simply cannot imagine being able to
live anywhere else for the rest of my life.
C'est la région le plus vivante
d'Asie dans le domaine culturel. Je le dis avec d'autant plus de conviction que j'ai
beaucoup voyagé. C'est une merveilleuse ville pour ce qui est des arts, de la danse, de
la musique, de la peinture, de la sculpture et même de la littérature. Ce n'est que
récemment que l'on a reconnu la littérature tamoule comme la plus ancienne qui se soit
perpétuée jusqu'à nos jours, et l'écriture est pleine de vitalité. Il se passe tant
de choses qu'il est difficile de suivre le rythme. Les valeurs traditionnelles et
classiques marchent, non sans problèmes, côte à côte avec des idées contemporaines et
radicales. Après tout, les épisodes les plus célèbres dans l'histoire de la danse
indienne sont attachés à cette ville : les idées de Rummini Devi sur la renaissance de
la danse indienne, le Kalakshetra... La fameuse chorégraphe Chandralekha, qui est
originaire du Gujarat, s'est installée à Chennai pour créer son oeuvre fondamentale.
Les Indiens des autres régions pensent que c'est une ville très conservatrice et pas
très amusante pour les jeunes, mais j'estime que c'est une ville avec une identité
forte, qui ne se laisse pas facilement influencer par les nouveautés et les phénomènes
de mode. Pour moi, c'est une merveilleuse ville pour un créateur. Je ne peux tout
simplement pas imaginer pouvoir vivre ailleurs pour le restant de mes jours.
IR : Now
could you tell us about Narthaki ?
Pourriez-vous nous parler à présent de Narthaki ?
AR : In 1989 when I was sitting in my TV studio
in New York there was a phone call from an American dancer who wanted to contact Yamini
Krishnamurthy in New Delhi. Now Ms. Krishnamurthy was a legendary dancer and someone who
inspired me so much. But nobody had her phone number, not even the Indian consulate in New
York City. So I made about four phone calls to India and finally tracked down her number
for the person who had asked me. This got me thinking that there was no one source for
dancers to contact and network. that is how I got started with Narthaki. The first edition
was published with 2000 addresses like a phone book in 1992. The second edition came out 5
years later in 1997. Then after that there were too many changes in phone numbers and
house numbers and other informations. wW had to take the help of technology to keep up
with the times and handle the flood of information that was coming our way.
The online version of Narthaki as www.narthaki.com began on Tamil new
year's day on April 14 2000. Today the site is visited by 500,000 hits every month. This
is phenomenal, more than we had hoped for it has been a really fulfilling journey for
me,these last 12 years since I started Arangham in 1992... Actually this is our 12th year.
And in a country like India, it is only the beginning.
I hope that I have the energy to continue for another 13 since 25 years later I want to
have made a difference to the cultural life of India, as a performer, thinker and
activist. We have come a long way but we have even longer to go.
En 1989, alors que j'étais assise dans mon studio de télévision à New
York, j'ai reçu l'appel téléphonique d'un danseur américain qui voulait entrer en
contact avec Yamini Krishnamurthy à New Delhi. Mme Krishnamurthy était une danseuse
légendaire, elle m'a énormément inspirée. Mais personne n'avait son numéro de
téléphone, pas même le consulat indien à New York. Il m'a fallu environ quatre appels
en Inde pour parvenir à trouver son numéro que j'ai pu transmettre à la personne qui me
l'avait demandé. Cela m'a fait penser qu'il n'y avait aucune ressource à disposition des
danseurs concernant les contacts, les réseaux. C'est ainsi que j'ai débuté Narthaki. La
première édition a été publiée avec 2000 adresses sous la forme d'un annuaire, en
1992. La deuxième édition est sortie cinq ans plus tard, en 1997. Après cela il y a eu
trop de changements de numéros de téléphone, d'adresses et autres informations. Nous
avons dû recourir aux technologies modernes pour rester en phase et gérer le flot
d'informations qui nous parvenaient.
La version en ligne de Narthaki ( www.narthaki.com
) a débuté le Jour de l'An tamoul 2000 (le 14 avril). Aujourd'hui le site reçoit 500
000 par mois. C'est considérable, plus que nous n'avions espéré. Pour moi, cela a été
une expérience très enrichissante : douze années, puisque j'ai commencé Arangham en
1992 ; nous en sommes donc à notre douzième année ; et dans un pays tel que l'Inde, ce
n'est qu'un début. J'espère que j'aurai l'énergie de continuer encore treize ans,
puisque je voudrais avoir, au bout de vingt-cinq ans, réussi à changer quelque peu la
vie culturelle en Inde. En tant qu'interprète, que théoricienne et qu'activiste. Nous
avons déjà parcouru un long chemin, mais plus long encore est celui qui nous reste.
IR : What
are your projects ? Is it possible to see you one day in Reunion Island ? Do you know
anything about this island ?
Quels sont vos projets ? Sera-t-il un jour possible de vous voir à la
Réunion ? Connaissez-vous cette île ?
AR : I want to say that travelling for me is
not easy since the Indian government does not recognise me as an artiste to be sent abroad
for foreign tours. I am too controversial and too bold an artiste to play the
government's game plan. Still, I am proud to be an Indian and an Indian woman and
have chosen to return to India after 12 years in the US as a television producer.
Coming to Reunion Island may never happen but that does not mean that people
all over the world are not interested in the kind of work I do and how I approach
dance.Reunion Island is very influenced by the French idea of culture and beauty and that
means that all that is beautiful has to be only traditional and pretty. I am very against
the idea of this kind of old-world beauty. India lives in many centuries at the same time
and so should its dance. While Germany and the Netherlands and even the UK recognise
contemporary dance from India, anybody connected to French ideas of culture reject
anything modern from India.So it looks like Reunion Island may never see anything except
classical dance from India. It is beautiful, acceptable, non threatening and SAFE.
Je voudrais dire que voyager ne
m'est pas facile puisque le gouvernement indien ne me considère pas comme une artiste
susceptible d'être envoyée en tournée à l'étranger. Je suis trop controversée, trop
audacieuse pour entrer dans le jeu de la stratégie du gouvernement. Cependant, je suis
fière d'être une Indienne, une femme indienne et j'ai tenu à retourner en Inde après
douze ans aux Etats-Unis comme productrice de télévision. Ma venue à l'île de la
Réunion pourrait bien ne jamais se produire, mais cela ne signifie pas que les gens, dans
le monde, ne sont pas intéressés par le travail que je fais la façon dont j'aborde la
danse. L'île de la Réunion est très influencée par la conception française de la
culture et de la beauté, cela signifie que tout ce qui est beau doit être seulement
traditionnel et joli. Je suis très opposée à cette conception dépassée de la
beauté. L'Inde vit dans plusieurs siècles à la fois, et tel devrait aussi être le cas
de la danse indienne. Tandis que l'Allemagne, les Pays-Bas et même le Royaume-Uni
reconnaissent la danse indienne contemporaine, ceux qui souscrivent aux conceptions
françaises de la culture rejettent tout ce que l'Inde peut produire de moderne. C'est
pour cela que la Réunion pourrait bien ne jamais voir voir d'autre d'indien que la danse
classique : c'est beau, c'est propre, ça ne fait pas peur et c'est sans risque !
-
AR : One point I want to add is that being a mother is
very important for me. As a woman and as an artiste. My two kids are now teenagers : a
daughter who is 17 and a son who is 15. They remind me that life is not all about awards
and about media attention and that paying attention to details is a very important. They
keep me firmly on the ground and teach me to laugh at simple things in life. Today is may
11 and is Mother's Day. The dancers are all rehearsing outside for our tour which starts
on my birthday may 21 and continues through june 5th.. It is a lovely way to spend
Mother's Day and my birthday doing things I really love.
Je voudrais ajouter qu'il est
très important pour moi, en tant que femme et qu'artiste, d'être mère. Mes deux enfants
sont maintenant des adolescents : une fille de dix-sept ans et un fils de quinze. Ils me
rappellent que la vie n'est pas faite que de récompenses et de reconnaissance médiatique
et qu'il est très important d'être attentif aux petites choses de l'existence. Ils me
permettent de garder les pieds sur terre et m'apprennent à rire des choses simples de la
vie. Aujourd'hui nous sommes le 11 mai, jour de la Fête des Mères en Inde. Les danseurs
sont tous en train de répéter à l'extérieur pour notre tournée qui commence le jour
de mon anniversaire, le 21 mai, et continue jusqu'au 5 juin. C'est une belle façon de
passer la Fête des Mères et mon anniversaire, en faisant des choses que j'aime vraiment.
|