e bhârata-natyam
constitue probablement la plus ancienne danse traditionnelle de l'Inde,
transmise de maître à disciple depuis au moins deux mille ans. C'est aussi le style le
plus répandu en Inde, y compris hors de sa région d'origine, le Tamil Nâdu... ainsi
qu'à la Réunion.
Il semblerait qu'à l'origine l'ancêtre du
bhârata-natyam ait été pratiqué par les Devadâsis, danseuses professionnelles
attachées à un temple et offrant leur art à la divinité, Shiva ou Vishnu. Les maîtres
(masculins) des Devadâsis étaient appelés Nattuvanars. Dans le Manimekkalaï, roman tamoul du IIème siècle, la danse est par contre
présentée comme une des activités dévolues aux prostituées. En fait, on peut
considérer que le bhârata-natyam s'est constitué il y a deux millénaires environ par
la rencontre de la danse des Devadâsis : dâsi attam, et d'une danse de cour
connue dans les palais sous le nom de sadr.
Ce n'est qu'au XIXème siècle que les
séquences du "spectacle" ont été strictement codifiées, par quatre musiciens
de Tanjore, quatre frères constituant le "Quatuor de Tanjore" : Chinnayya,
Ponnayya, Sivanandam et Vativelu. Le renouveau culturel du XXème siècle, enfin, a vu le
bhârata-natyam sortir de l'enceinte des temples et, tout en gardant sa dimension sacrée,
toucher un public et des pratiquants de plus en plus nombreux. Notons le rôle important
de pionniers qui ont porté au cours du siècle l'art du bhârata-natyam à un très haut
niveau ; tel est le cas de E. Krishna Iyer dans les années '30 ou de la fameuse Rukmini
Devi (1904-1986). Celle-ci fonda à Madras l'Académie Internationale des Arts devenue
ensuite le non moins fameux Kalakshetra... qui est entre autres une remarquable école de
bhârata-natyam.
Ce style de danse allie harmonieusement
musique, mouvement de danse pure (nritta) et expression proche du mime (nritya).
La danseuse, en solo, exécute d'abord l'alarippu, invocation et hommage à Dieu. Après
cette entrée en matière se succèderont diverses parties codifiées : les jatis,
le sabdam aux aspects clairement narratifs, le varanam, évoquant la
nature de Dieu, puis le tillana uniquement abstrait et enfin, pour clore le
spectacle, le mangalam constituant une louange adressée à Dieu. A travers ces
étapes s'exprimeront la virtuosité technique de l'artiste, son talent pour exprimer et
faire partager aux spectateurs les émotions, sa profondeur spirituelle. Car si le thème
du bhârata-natyam est bel et bien le thème amoureux, il s'agit avant tout de l'amour
sublimé et spirituel comme on l'aura certainement compris aux nombreuses références à
Dieu (Shiva, Vishnu...).
Le costume des danseuses de bhârata-natyam
est issu de ceux que l'on peut voir sur les bas-reliefs des temples de Chidambaram, au sud
de Pondichéry, dont le plus important est d'ailleurs dédié à Shiva Nâtarâja.
Traditionnellement, il est confectionné en soie (de Kânchîpuram notamment). De nombreux
bijoux et ornements sont utilisés. Le vêni est une sorte de petit diadème de
fleurs porté dans la chevelure, complété par un bijou appelé rakodi. Des deux
côtés de cette chevelure, deux autres bijoux représentent la Lune et le Soleil : à eux
deux ils forment le chandrasuryan. Les oreilles portent quant à elles trois
bijoux : le thôdu, au niveau du lobe, le simikki, qui est pendant, et
la chaînette appelée mâtal. L'attikkaï est un ensemble de colliers
avec pendantifs. Les bracelets ne sont pas oubliés, avec notamment le vangi, de
forme courbe, qui se porte au niveau du bras et non de l'avant-bras. A la taille est
portée une large ceinture métallique appelée ottiyânam.
L'orchestre qui accompagne la danse
est composé de façon variable ; on a généralement la présence du tambour
"mridangam" et des petites cymbales (thâlam) pour la partie rythmique, d'une
vînâ, d'une flûte, éventuellement d'un violon, auxquels s'ajoute une partie vocale.
Des dizaines de grelots aux chevilles des danseuses complètent la couleur sonore et
accompagnent les bôls (marques rythmiques).
En Inde, dans le Pays Tamoul, nombreuses
sont les jeunes filles qui apprennent le bhârata-natyam comme une base incontournable de
leur éducation. Arrivées en âge de mariage, elles se produisent en public, pour une
représentation appelée arangetram qui constitue un véritable examen marquant
l'aboutissement d'années d'effort. Ce spectacle sera, pour la plupart d'entre elles, qui
ne se destinent pas à une carrière professionnelle, unique et non renouvelé. Il jouera
souvent un rôle non négligeable dans la recherche d'un futur époux... qui aura
peut-être été séduit par les talents de la danseuse !