'est
de l'état d'Assam, au nord-est de l'Inde, au-delà du
Bengladesh, qu'est originaire le style de danse
classique appelé sattriya, qui tire son nom du mot
sattra. Un sattra est, dans cette région, une sorte
de monastère vishnouite, où cette danse très ancienne
(on parle de 5000 ans !) était pratiquée comme rituel,
et non comme spectacle, par les moines eux-mêmes. Très
ancienne puisqu'il en serait déjà question dans le
fameux Nâtya-shastra, de l'époque védique. Aux
XVe et XVIe siècles, un saint dévot de Vishnou, mais
aussi réformateur social et lui-même danseur,
Mahapurush Srimanta Sankardev, passe pour
avoir contribué à des évolutions décisives du style. Sri
Sankardev voulait répandre la foi vishnouite, et
considéra le spectacle joué et dansé, retraçant
notamment les légendes ou histoires de Krishna et Râma,
comme un moyen efficace d'y parvenir : ce spectacle
s'appelait ankiya nât ou ankiya bhaona. Il
comportait bon nombre d'éléments chorégraphiés... qui
ont abouti au style sattriya. Ce n'est que dans les
années 1950-1960 que cette danse sortit des monastères et
commença à être connue par un plus large public ; en
l'an 2000 elle entra dans le cercle fermé et prestigieux
des danses classiques indiennes.
Il existe une version masculine -
paurashik
bhangi
- et une version féminine -
shtri
bhangi
- de la danse sattriya. Dans tous les cas,
l'accompagnement musical est fondé sur les ragas et
talas classiques, et les instruments de base sont les
percussions (cymbales tâl et tambour khol)
ainsi que la flûte, que l'on ne sera pas surpris de
retrouver dans la mesure où le dieu Krishna est très
souvent au centre de la représentation de sattriya. Les
compositions musicales chantées sont nommées borgîts
; ce sont des chants dévotionnels qui peuvent
remonter à plusieurs siècles. On joue toujours,
notamment, des morceaux de Sri Sankardev.
Si la gestuelle de la danse sattriya est bien sûr
en grande partie déterminée par des principes classiques
très anciens, une influence de diverses danses
folkloriques locales contribue à lui donner un caractère
unique : ainsi les Mishings semblent avoir influencé la
gestuelle des mains, les Bodos celle des pieds et les
mouvements du tronc, tandis que certaines postures et
démarches dériveraient des Deuris. Autre spécificité :
l'importance des mouvements au sol (mati akhora)
pour lesquels il existe soixante-quatre exercices
particuliers.
Les costumes, enfin, ont eux aussi quelques
spécificités, dans leurs motifs décoratifs,
traditionnels de l'Assam bien sûr, mais aussi dans leur
matériau même, une sorte de soie locale appelée pat
muga.