Les
documents complémentaires présentés ici correspondent aux
séquences suivantes :
SÉQUENCE 4 : Théâtre nouveau Objet d’étude principal :
Le texte théâtral et sa
représentation, du XVIIe siècle à nos jours.
Ces
deux séquences doivent permettre d'une part d'élargir notre
connaissance du théâtre par une ouverture sur des époques et
des styles variés ; d'autre part, à travers ces documents
complémentaires en particulier, d'observer tout ce qui peut
toucher au domaine de la mise en scène. Si les textes vus en
lecture analytique sont exclusivement des extraits de
pièces, cette documentation complémentaire regroupe
d'autres extraits, mais aussi des textes de réflexion et,
bien évidemment, un ensemble de documents visuels ou
audiovisuels indispensables.
Problématique principale pour la séquence 4 : En quoi
consistent les audaces de ce théâtre nouveau ?
DOCUMENTS
:
Retrouvez les textes et images en version imprimable (document
Word).
Vous pouvez aussi télécharger les textes étudiés dans
le cadre des lectures analytiques
(textes pour le bac, au format Open Office).
Lecture cursive
: Marivaux -
Le Jeu de l'amour et du hasard (1730).
Nous allons tenter de décrire une technique d'art
dramatique dont on s'est servi dans quelques théâtres
pour distancier du spectateur les processus à
représenter. Le but de l'effet de distanciation était
d'amener le spectateur à considérer ce qui se déroule
sur la scène d'un œil investigateur et critique. Les
moyens utilisés étaient ceux de l'art.
L'emploi de l'effet de distanciation dans cette
perspective dépend de la réalisation d'une condition
préalable : il faut débarrasser la salle et la scène de
toute « magie » et n'y susciter aucun « champ hypnotique
». On s'abstint donc absolument de créer sur le plateau
une atmosphère particulière (celle d'une chambre le soir
ou d'une rue en automne) ou de susciter certains états
d'âme par une diction appropriée ; on ne chercha plus ni
à « chauffer » le public par le déchaînement de
tempéraments dramatiques, ni à l' « envoûter » par un
jeu tout en nerfs tendus ; bref, on n'entreprit plus de
le mettre en transes ou de lui donner l'illusion
d'assister à un processus naturel, qui n'aurait pas été
répété. Pour neutraliser la tendance du public à se
jeter dans une illusion de ce genre, on verra qu'il est
nécessaire d'avoir recours à des moyens artistiques
déterminés.
Bertolt BRECHT -
Nouvelle technique d'art dramatique - 1935-1941
Et
je pose une question : Comment se fait-il qu'au théâtre, au théâtre du
moins tel que nous le connaissons en Europe, ou mieux en
Occident, tout ce qui est spécifiquement théâtral,
c'est-à-dire tout ce qui n'obéit pas à l'expression par
la parole, par les mots, ou si l'on veut tout ce qui
n'est pas contenu dans le dialogue (et le dialogue
lui-même considéré en fonction de ses possibilités de
sonorisation sur la scène, et des exigences de
cette sonorisation) soit laissé à l'arrière-plan ? Comment se
fait-il d'ailleurs que le théâtre occidental (je dis
occidental car il y en a heureusement d'autres, comme le
théâtre oriental, qui ont su conserver intacte l'idée de
théâtre, tandis qu'en Occident cette idée s'est, — comme
tout le reste, — prostituée), comment se fait-il
que le théâtre occidental ne voie pas le théâtre sous un
autre aspect que celui du théâtre dialogué ? Le dialogue — chose écrite et parlée — n'appartient pas spécifiquement à la
scène, il appartient au livre; et la preuve, c'est que
l'on réserve dans les manuels d'histoire littéraire ,
une place au théâtre considéré comme une branche
accessoire de l'histoire du langage articulé. Je dis que
la scène est un lieu physique et concret qui demande
qu'on le remplisse, et qu'on lui fasse parler son
langage concret.
Je dis que ce langage concret, destiné aux sens et indépendant de
la parole, doit satisfaire d'abord les sens, qu'il y a
une poésie pour les sens comme il y en a une pour le
langage, et que ce langage physique et concret auquel je
fais allusion n'est vraiment théâtral que dans la mesure
où les pensées qu'il exprime échappent au langage
articulé.
On me demandera quelles sont ces pensées que la parole ne peut
exprimer et qui pourraient beaucoup mieux que par la
parole trouver leur expression idéale dans le langage
concret et physique du plateau ?
Je répondrai à cette question un peu plus tard. Le plus urgent me
paraît être de déterminer en quoi consiste ce langage
physique, ce langage matériel et solide par lequel le
théâtre peut se différencier de la parole. Il consiste dans tout ce qui occupe la scène, dans tout ce
qui peut se manifester et s'exprimer matériellement sur
une scène, et qui s'adresse d'abord aux sens au lieu de
s'adresser d'abord à l'esprit comme le langage de la
parole.
Antonin ARTAUD - Le
Théâtre et son double - 1938
Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais.
Soirée anglaise. M. SMITH, Anglais, dans son fauteuil et
ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise et lit un
journal anglais, près d'un feu anglais. Il a des
lunettes anglaises, une petite moustache grise,
anglaise. A côté de lui, dans un autre fauteuil anglais,
Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes
anglaises. Un long moment de silence anglais. La pendule
anglaise frappe dix-sept coups anglais.
Mme SMITH
Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe,
du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade
anglaise. Les enfants ont bu de l'eau anglaise. Nous
avons bien mangé, ce soir. C'est parce que nous habitons
dans les environs de Londres et que notre nom est Smith.
M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa
langue.
Eugène IONESCO -
La Cantatrice chauve, première scène - 1950
[...] peut-être en partie grâce à Strindberg, je découvrais,
dans les scènes les plus quotidiennes, en particulier
celles de la rue, des scènes de théâtre. Ce qui me
frappait alors surtout, c'était le défilé des passants,
la solitude dans le côtoiement, l'effarante diversité
des propos, dont je me plaisais à n'entendre que des
bribes, celles-ci me semblant devoir constituer, liées à
d'autres bribes, un ensemble dont le caractère
fragmentaire garantissait la vérité symbolique.
Tout cela serait peut-être resté prétexte à réflexions
vagues si, un jour, je n'avais été témoin d'un incident
en apparence très insignifiant, mais dont je me dis
aussitôt : "C'est cela le théâtre, c'est cela que je
veux faire." Un aveugle demandait l'aumône ; deux jeunes
filles passèrent près de lui sans le voir, le
bousculèrent par mégarde ; elles chantaient : "J'ai
fermé les yeux, c'était merveilleux..." L'idée me vint
alors de montrer sur la scène, le plus grossièrement et
le plus visiblement possible, la solitude humaine,
l'absence de communication. Autrement dit, d'un
phénomène vrai entre d'autres, je tirais une
"métaphysique"
Arthur ADAMOV - Note
préliminaire à la publication de trois pièces - 1955
Images
Le personnage d'Ubu par Alfred Jarry
lui-même - 1896
Couverture et planches d'une adaptation d'Ubu
roi en bande dessinée
par Luc Duthil et Aurore Petit (éditions Petit à Petit -
2007)
Ubu roi - Mise en scène de Ernie Curcio -
2010
La Résistible Ascension d'Arturo Ui -
Mise en scène de Katharina Thalbach - 2018
Samuel Beckett: Fin de Partie, Scènes et monologues, opéra
en un acte -
Mise en scène de
György Kurtág - 2018
Vidéos
Les Perses, d'Eschyle - Téléfilm de Jean
Prat - 1961
Fin de Partie - Mise en scène de Eric
Sanjou - 2010
Le Jeu de l'amour et du hasard - Mise en scène de Axelle
Peyret - 2008
Spectacle de théâtre traditionnel kathakali
(Inde)
Bref documentaire sur le théâtre traditionnel
kabuki (Japon)
Pour aller plus
loin
Antigone - Sophocle - Ve s.
av. J.-C.
Macbeth - William Shakespeare
- 1606 (la première scène d'Ubu roi, étudiée en lecture
analytique, parodie la scène 7 de l'acte I de Macbeth).
L'Illusion comique - Pierre
Corneille - 1635
L'Atelier - Jean-Claude
Grumberg - 1979
L'Esquive - film de
Abdellatif Kechiche - 2004
NB : Voir aussi
ce lien vers le site de l'Institut National de
l'Audiovisuel, avec un extrait de l'émission radiophonique
"Le masque et la plume" (1969), évoquant la pièce d'Arrabal,
... Et ils passèrent des menottes aux fleurs.