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En fait,
l'histoire entière de Sri Lanka depuis ses lointaines origines a montré que la guerre
entre Cinghalais et Tamouls est une réalité récurrente. Mais ce qui
s'est passé depuis 1983, et même plusieurs années avant, ne saurait évidemment être
pleinement comparé aux luttes entre rois d'un passé déjà fort ancien. La
période coloniale a modifié bien des données et, pour ne parler que de sa
dernière phase - celle de la domination britannique - a partiellement créé des
conditions favorables aux développements récents du conflit. On sait à quel point
"diviser pour régner" a pu constituer un mot d'ordre capital
dans l'Empire Britannique. En favorisant l'élite tamoule minoritaire, celui-ci a ravivé
des tensions ancestrales et à préparé une dynamique défavorable à ces mêmes Tamouls
pour les décennies d'après 1948 (date de l'indépendance). A leur tour,
les Tamouls ont pu se sentir brimés, frustrés dans leur culture, leurs aspirations, leur
quotidien : suffisamment pour que vienne des temps de sang et de feu.
En 1956, le cinghalais est déclaré seule langue officielle.
C'est en 1972, deux ans après la réforme constitutionnelle faisant de Sri Lanka un pays
bouddhiste, que fut fondé le groupe des TNT : Tamil New Tigers, devenus
les LTTE quatre ans plus tard. Si l'on fait remonter généralement à 1983 le début de
l'actuel conflit, il faut se souvenir qu'au milieu des années '70, les militants tamouls,
parfois agressifs, furent la cible d'actions policières vilolentes. En 1977,
après des élections ayant placé au pouvoir Junius Richard Jayewardene,
plus de 250 Tamouls auraient été tués et des dizaines de milliers contraints à fuir de
chez eux. Nouveaux pogroms, enlèvements, torture... devinrent de plus en plus fréquents
à partir de 1979. Enfin, 1983 marqua effectivement le début d'une lutte
sans merci : 13 morts dans l' attaque d'un bus militaire par les LTTE,
600 mort dans les massacres et incendies des quartiers tamouls de
Colombo, en représailles.
Dès lors, les haines vont croître et les horreurs se multiplier.
Contentons-nous de quelques points de repères, quelques exemples qui diront à peine
l'ampleur des événements : 148 tués lors d'une attaque des LTTE en '85 sur
Anuradhapura, 117 morts lors d'un attentat à Colombo en '87, 542 assassinats politiques
lors de la seule année '89, 2 000 victimes dans les combats armés de '91, 12 000 dans le
nord en '96, etc. ! L'intervention des forces indiennes en 1987 sera un
fiasco total, qui se prolongera par l'assassinat de Rajiv Gandhi en '91,
après le piteux retrait des troupes de son pays. Offensives et contre-offensives se
succèdent, le terrain est pris, perdu et repris par les uns puis les autres. Les
attentats sont constants, touchant simples civils ou responsables politiques comme
l'actuelle présidente, Chandrika Badaranaike Kumaratunga rendue borgne
par une explosion fin 1999.
Même si la paix vient effectivement à être signée, ce qui
suppose des deux côtés que ceux qui ont intérêt à voir se poursuivre la guerre
acceptent de renoncer à leurs situations personnelles avantageuses, les esprits
parviendront-ils à oublier tant de soifs de vengeance accumulées. Comparons avec le
conflit israëlo-palestinien, pour lequel des traités furent conclus également. Il y a
tellement de choses sales, tellement de boues qui ont été remuées en vingt ans ! Des religieux
bouddhistes en ont appelé au sang, des trafiquants de drogue et d'armes
ont odieusement bâti leur richesse sur la mort d'innocents, des trafiquants
d'êtres humains ont acheté et vendu leurs propres frères aux exploiteurs du
travail au noir dans les pays occidentaux, les lobbies de l'armement et
les généraux en mal de gloriole et d'argent sont arrivés à leurs fins
au prix d'atrocités... Nul responsable ne ressort propre de tout cela !
L'espoir est apparu en 2002. Le nouveau premier ministre, Ranil
Wickremesinghe, a su tendre la main et prêter l'oreille aux propositions du
médiateur norvégien, les responsables tamouls, notamment
Anton Balasingham ont tendu la main à leur tour, et chacun semble
entrer sur la voie des concessions. "Peut-être la paix n'est-elle donc plus un rêve fou"
pouvaient se dire des millions de Sri Lankais épuisés... qui ne trouveraient sans doute le repos que si
une amnésie collective et bienfaisante venait laver les mémoires !
Hélas ! La fin 2005 et surtout l'année
2006, un tsunami et un changement de majorité étant passés par là,
ont vu le conflit reprendre, les horreurs recommencer : membres d'une
ONG massacrés, soixante jeunes filles - d'un orphelinat disent les uns,
d'un camp d'entraînement disent les autres - tuées dans un bombardement
aérien, attentats, boat people en partance vers le Tamil Nadu, blocus et
crise humanitaire... des mots, des réalités que l'on aurait voulu rayer
des unes et des colonnes de l'actualité, mais qui s'y imposent de force
!
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