Pression acculturatrice et ajustements identitaires
- le cas des Tamouls de La Réunion -

Revue Approches - Asie, n°15, 1997
(Une version anglaise de ce texte a été présentée sous le titre
" An Indian way to be French ", à la 22nd Annual conference on Soutb Asia,
University of Wisconsin-Madison, USA, du 5 au
7 novembre 1993)

Un article de Christian Ghasarian, anthropologue
à l'Institut d'Ethnologie de Neuchâtel (Suisse)

                     

       La diaspora tamoule à l'île de La Réunion offre un exemple particulièrement intéressant d'ajustements culturels opérés par une population sujette à la pression acculturatrice d'une société coloniale (1). Installés dans cette île relativement isolée géographiquement depuis la seconde partie du siècle dernier pour la plupart, les originaires de l'Inde ont développé des patterns de comportements qui ne sont ni tout a fait ceux des autres habitants de La Réunion ni tout à fait ceux de leurs ancêtres. En dépit d'une sévère politique d'acculturation et d'assimilation menée par l'administration française sur les populations transférées dans l'île, cette population a réussi a maintenir, d'une façon adaptée, la plupart de ses conceptions et pratiques ancêtrales. L'examen de certaines de ces conceptions et pratiques rend compte des ressources adaptatives de la culture indienne.

   Officiellement inhabitée il y a trois siècles, La Réunion a été une colonie française (l'île Bourbon) jusqu'en 1946, date à laquelle elle est devenue un département français (2). Comme l'île Maurice, sa voisine, cette société fut à l'origine constituée pour produire et exporter du sucre. Dans les deux îles on trouve la même diversité de population - Européens, Africains, Indiens (hindous et musulmans), Chinois, Malgaches et Comoriens chacune s'installant dans l'île dans des circonstances socio-historiques différentes (3). Cependant, Si ces deux îles, souvent appelées les "îles sœurs", ont toutes les deux été administrées de façon coercitive par le gouvernement français à La Réunion et par les Britanniques à l'île Maurice, leur développement a pris des directions différentes du fait des politiques de colonisation spécifiques en France et en Angleterre.

   A l'île Maurice, le projet du gouvernement britannique n'a pas été de contraindre les populations déplacées à intégrer le mode de vie anglais. C'est pourquoi, lorsque l'île devint indépendante en 1968, la plupart des pratiques culturelles des populations ayant subi la loi britannique jusque là étaient encore bien vivantes. Aujourd'hui, une "atmosphère indienne" imprègne la société mauricienne : la population d'origine indienne, numériquement la plus importante sur l'île (aussi appelée la "petite Inde"), manifeste sa particularité à travers une plus grande extériorisation de signes identitaires qu'à La Réunion (parmi lesquels l'usage de l'hindi, du bhojpuri et du tamoul, le port régulier des vêtements indiens, la vente de nourriture indienne dans les rues, etc.).


1. On estime que les personnes d'origine tamoule dans l'île constituent environ l/6ème de la population totale (qui était de 620 396 habitants en 1992)Retour au texte.

2.
Il y a aujourd'hui 97 départements en France, parmi lesquels quatre sont situés en outremer: La Martinique et La Guadeloupe (aux Antilles), La Guyane (en Amérique du sud) et La Réunion (le 97ème département dans l'Océan indien). Le statut de département implique les mêmes infrastructures politiques, administratives et sociales qu'en France métropolitaine. Retour au texte.

3. Les Français s'établirent les premiers dans l'île au dix-huitième siècle et firent ensuite venir des esclaves du Mozambique et de Madagascar pour travailler dans les plantations de canne à sucreRetour au texte.


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