La chanson en question fut enregistrée pour la première fois à Paris, chez Polydor, en juillet 1931. La capitale française ballait alors au rythme de la biguine, découverte quelques années auparavant au célèbre Bal nègre du 33 rue Blomet et qui sétait imposée comme musique des chaudes nuits parisiennes à larrivée, en 1929, du clarinettiste martiniquais Alexandre Stellio4 et de son orchestre, le Stellios Band, composé, entre autres, dErnest Léardée et dArchange Saint-Hilaire. En 1931, Stellio, en rupture avec son orchestre historique pour cause de mésentente sur la répartition des bénéfices (Meunier/Léardée, 1989 : 160), rassembla une nouvelle formation, Lorchestre Stellio de lExposition coloniale, attraction de lexposition du même nom fréquentée par des millions de visiteurs du 6 mai au 15 novembre 1931 (Meunier, 1994 : 10). Lorchestre comptait une des plus fameuses chanteuses martiniquaises de lépoque, Léona Gabriel, revenue dans le milieu antillais après un détour par les cabarets français et qui apportait la chanson : Vini wè kouli-a. Cette biguine qui connut dès sa sortie un certain succès, allait être relancée à la Martinique lors de son réenregistrement en 1962 par Léona Gabriel, accompagnée, cette fois, par lOrchestre Printemps jazz dArchange Saint-Hilaire. Elle reparut avec quelques modifications apportées au titre et au refrain, et fut alors reprise par différents orchestres de bals. Cest probablement à lune de ces occasions que notre informateur connut sa mésaventure. Cet air est considéré depuis comme un chef-duvre de la chanson créole martiniquaise. Les versions de 1931 et de 1962 ont été rééditées sur support C.D., dans le cadre de compilations à vocation patrimoniale (Stellio, 1994 ; Best of, 1997), et son refrain est réapparu récemment dans un pot-pourri dairs traditionnels réorchestrés au goût du jour (zouk) par les stars de la musique antillo-guyanaise (Ethnikolor, sans date). Attribuée à Léona Gabriel (paroles et musique), cette chanson provient en réalité du vieux fond musical de Saint-Pierre davant léruption de 1902. Sa création est probablement contemporaine de limmigration indienne à la Martinique (1853-1883). Elle expose dailleurs les mésaventures dune femme créole malmenée par un immigrant indien : Premier couplet Deuxième couplet Troisième couplet Refrain Nous ne retiendrons de ce texte que le plus significatif, cest-à-dire son premier couplet, lexposé dune désillusion, ainsi que son refrain dont lexpression Kouli (scansion renforcée par lonomatopée Woy !) fait sens. Le reste est anecdotique. Lincipit de cette chanson, son premier couplet, constitue un étonnant résumé de ce que représenta laccueil des Indiens à la Martinique : enthousiasme puis rejet. Lenthousiasme trouve son fondement contradictoire dans lutilisation escomptée de cette immigration par la plantocratie békée et dans la tradition dhospitalité de la population martiniquaise dalors. Suite à labolition de lesclavage (1848), les planteurs, menacés dans leurs intérêts par les revendications salariales des nouveaux libres, obtinrent en 1852 du futur Napoléon III lorganisation dune immigration sous contrat. Dans ce contexte, limmigration indienne fut préférée à la seule immigration massive organisée parallèlement, limmigration congo6, en raison du risque politique que cette dernière présentait. LIndien, espérait-on, nétant ni de la même race ni de la même religion et ne parlant pas la même langue, éviterait tout rapprochement avec les Noirs et ferait cause commune avec les propriétaires (Lugsor, 1980 : 39). Dans cet ordre didée parut dans le Moniteur de la Martinique du 4 février 1855, une vibrante apologie de limmigration indienne : Universellement, on déclare que limmigration indienne est la meilleure, quil ny a même que limmigration indienne qui soit bonne. LIndien (est) un élément qui ne peut en aucun cas être lobjet de craintes (...) Il nous est impossible (...) de nous empêcher de regarder comme un avantage sérieux des coolies de ne jamais pouvoir servir de prétexte à lembrasement de passions mal éteintes. Ils narriveront jamais à la Martinique (...) que comme cultivateurs ; ils seront nuls en dehors du travail, neutres alors même que le cercle sélargirait pour eux. Il nest pas une mutinerie dhabitation, une grève qui pourrait compter sur eux. En dehors de tous, ils sont précieux pour tous. Peut-on dire en autant des autres immigrants ? Ignorante des motivations ayant inspiré lappel à cette immigration, la société noire créole réserva, dans un premier temps, le meilleur accueil aux arrivants, observant en cela une tradition dhospitalité soulignée par les écrivains voyageurs qui fréquentèrent lîle au XIXe siècle7. Une lettre du Gouverneur en date du 27 mai 1853, signale que les 313 premiers Indiens débarqués par lAurélie furent accueillis avec beaucoup de cordialité ; ils (les Noirs) les accablent de leur curiosité et de leur générosité en leur faisant de petits présents (cité par Renard, 1973 : 229). Ailleurs, dans le Journal officiel de la Martinique du 21 octobre 1858, les coolies arrivés par le Réaumur sont jugés jeunes, beaux et font ladmiration de tout le monde. Plusieurs écrits des premières années dimmigration saccordent sur lhumanité des Indiens, comme pour limmigrant de la chanson, à propos duquel il est mentionné dans le premier couplet : Tout moun té ka pran li pou moun : Tous le prenaient pour quelquun (une personne, un homme). Cet enthousiasme nallait pas durer. Après quelques années, il apparut aux travailleurs autochtones que larrivée de milliers de contractuels instrumentalisés par les planteurs aux fins dune saturation de loffre de travail et dun maintien des bas salaires, desservait leur cause. Cette manuvre était dautant plus frustrante quelle sinscrivait, après leuphorie de labolition, dans un mouvement général de reprise en main de la force de travail coloniale, dès les débuts de la IIe République puis avec Louis Napoléon Bonaparte, sous cette même République et tout au long du Second Empire. Le retour de la République après la débâcle de Sedan allait toutefois aggraver lantagonisme entre autochtones et arrivants. Revenus après 1870 dans le débat politique local, les schoelchéristes, soucieux de mettre un terme à une immigration qui perdurait, sen prirent à la valeur de lIndien. Ainsi Victor Schlcher lui-même remarquait en 1880, quil est trop vrai que les immigrants sortent de la lie de la population indienne, que leur contact a la plus mauvaise influence sur les murs des campagnes des Antilles (rééd. 1979, I : 283). Le discours de Schlcher à légard des engagés indiens est en réalité ambivalent. Il oscille entre la dénonciation du sort qui leur fut réservé et la stigmatisation de leur dépravation. Dans louvrage Polémique coloniale qui réunit les principaux articles quil consacre à cette immigration, lauteur manifeste son apitoiement pour ces engagés maintenus dans la condition de serfs de la glèbe (...), sans aucune garantie contre les abus du pouvoir dominical (Ibid., I : 279), victimes dune terrible mortalité qui les décime (Ibid., I : 269), limmigration ayant consommé presque autant de créatures humaines quen consommait lesclavage (Ibid., II : 225). Dans le même temps, les immigrants lui apparaissent comme des mercenaires mal choisis (qui exercent) dans les campagnes, une influence démoralisatrice (Ibid., I : 269). Il va même jusquà suggérer lexistence de pratiques homosexuelles communes chez ces aides si dangereux (Ibid., I : 269) accusation alors infamante et à souhaiter, pour ceux qui se vengeaient de leurs engagistes en incendiant les récoltes, létablissement dun bagne installé dans un ponton, sur rade de Fort-de-France (Ibid., I : 277). Les contradictions du discours de Schlcher ne sont quapparentes. Elles procèdent en fait dune double condamnation de limmigration indienne. Pour lauteur en effet, cette dernière est foncièrement dommageable : dabord parce quelle consume les vies de ceux qui en sont lobjet, ensuite parce quelle présente des risques de pollution morale pour ceux amenés à la côtoyer. Autrement dit, limmigration est préjudiciable autant à lIndien quau Créole. Limmoralité quil prête aux immigrants nen pose pas moins question. Schlcher dont le buste orne un carrefour de Pondichéry fut relativement connaisseur des réalités indiennes. Il eut, en sa qualité de leader des parlementaires républicains des colonies, à intervenir dans les questions qui agitèrent les Etablissements français dans lInde. Il séleva notamment contre la condition réservée aux intouchables,8 victimes dune législation religieuse absolument barbare, où lon voit des parias, des créatures humaines, mis au rang des animaux impurs du mosaïsme, véritables proscrits à lintérieur, tellement avilis par la théorie théocratique des castes quil ne leur est pas même permis dentrer dans une pagode pour y faire leurs prières et que le moindre contact de leurs vêtements est réputé une souillure (Ibid., I : 161). Manifestement, la compassion de lhumaniste, préoccupé dans le cas de lInde par labjection dans laquelle étaient tenus les ressortissants des plus basses castes, rencontra peu décho chez le politicien de la Martinique, soucieux exclusivement des intérêts de ses électeurs, ces laboureurs créoles (...) qui naiment pas le contact des coolies, dont la concurrence a fait baisser les salaires (Ibid., I : 273). En raison de son poids moral autant que politique, Schlcher prit une part non négligeable dans la transformation de lIndien, de victime en coupable. Ce qui eut pour conséquence de conforter les planteurs dans leur stratégie dopposition dun groupe à un autre et docculter leur responsabilité dans cette manuvre. Lidée que les Indiens constituaient une lie dhumanité dépassait cependant le milieu des politiciens républicains. Ainsi, lessayiste P. Leroy-Beaulieu écrivait en 1874 : Limmigration de coolies sur une très grande échelle est peut-être encore plus dangereuse que le maintien de lesclavage, (eu égard à) la corruption asiatique que ces aventuriers appartenant à la lie (de la) société indienne inoculent aux sociétés européennes (et en raison de) linstabilité qui résulte de cette vaste population flottante que rien nattache à la terre quelle cultive (1874 : 574). Nonobstant les qualités quils prêtaient initialement aux originaires de lInde, certains planteurs alimntèrent même la suspicion sur la nature de lIndien. Lusinier conservateur antillais Ernest Souques, tout en jugeant limmigration indienne indispensable, considérait en 1884 que cette dernière, quelle se recrute à Pondichéry ou à Calcutta, est composée, presque en totalité du rebus de lInde. Elle est indolente, possède les vices des races dégénérées, se nourrit difficilement, sa religion lui imposant souvent lobligation de ne pas manger de viande (cité par Schlcher, rééd. 1979, II : 232). Il faut dire que les propriétaires terriens sétaient heurtés à certains contractuels qui, rétifs au sort qui leur était réservé, embrasaient les cannaies et les cases à bagasse. Les dizaines de plaintes émanant des planteurs, les fréquentes condamnations pour pyromanie attestent de lutilisation de lincendie comme mode de vengeance indien, comme réaction des engagés aux abus dont ils étaient victimes. Il ressort de la ventilation des faits délictueux recensés par le journal officiel de la colonie pour les années 1855 à 1891, quil y eut au moins 166 cas dincendies commis au cours de cette période par des Indiens (Sméralda-Amon, 1996 : 357). En répercussion aux discours cités et dans une situation politique, économique, culturelle et sociale défavorable aux engagés et aux premières générations de leur descendance, fleuriront des productions de loraliture populaire créole flétrissant les Indiens, au rang desquelles la chanson Vini wè kouli-a ou le proverbe Tout kouli ni an kout twotwè pou i fè.9 Ces deux productions oralituraires sont dailleurs liées, dans la mesure où la seconde apparaît contenue dans la première. Le refrain invite en effet à laisser passer le Coolie (en fait à éviter un ivrogne titubant), afin quil fasse quand même son coup de trottoir. Le coup de trottoir en question, sanction de lIndien pour son inconduite à lendroit de la Créole, désigne sa chute dans le caniveau sous leffet de lalcool. Le passage des engagés dune société hindoue marquée par la tempérance à un pays où le rhum imbibait profondément les modes de vie populaires, fut pour certains dentre eux catastrophique. Dautant que la surconsommation dalcool était encouragée par des planteurs peu scrupuleux qui payaient pour partie en tafia (donc à moindre frais) leurs contractuels. Concernant les ravages de lalcoolisation, le médecin du Marie-Laure, convoi de rapatriés en partance pour lInde, note : La vue de nos nouveaux passagers était loin de rappeler nos premiers compagnons de voyage ; au lieu de ce convoi plein de jeunesse et de santé que nous avions pris dans lInde, nous avions sous les yeux des hommes dont le plus grand nombre étaient vieux et maigres (...). Leur physionomie, pour beaucoup, traduisait le dégoût et la haine (...). Presque tous les hommes présentaient cette pâleur si caractéristique chez les ivrognes (cité par Singaravélou, 1987, I : 160). Dans ces circonstances, une disposition à léthylisme fut imputée à lIndien : daprès Cornillac, lIndien, à peine débarqué, deviendrait un ardent buveur de tafia et rendrait des points aux nègres sous le rapport de livrognerie (Corre, 1889 : 152). Il convient encore de signaler un second sens à ce proverbe, lequel, plus tardif, date de la première moitié du XXe siècle. A lissue des retours en Inde (le dernier convoi quitta lîle en 1900), se retrouvèrent au dépôt de limmigration10 sis à Fort-de-France quelques dizaines dIndiens qui attendaient là un improbable navire de rapatriement, ou encore qui, venus embarquer, sétaient ravisés et avaient décidé de rester à la Martinique. Loin des Habitations, ils vivaient dexpédients et constituaient un souci pour le Conseil général (qui avait en charge le dépôt) et la municipalité. Cette dernière les affecta alors au nettoiement de la ville. Ce groupe de balayeurs indiens, renforcé dapports successifs en provenance des plantations à mesure que sétendait le chef-lieu, se vit attribuer lexclusivité dune tâche méprisée. Et le proverbe de senrichir dune nouvelle acception : tout Indien se retrouvera un jour ou lautre balayeur de trottoir. En fait, dans un cas comme dans lautre, lexpression énonce une malédiction. Cette dépréciation générale de lIndien allait sexacerber au travers de lappellation créole qui le stigmatisera : Kouli. Lexpression, probablement dorigine tamoule (kuli), signifie originellement salaire et par extension salarié. Elle fut utilisée par les Anglais puis par les Français en Extrême-orient (Inde, Chine, etc.) pour qualifier un ensemble varié de travailleurs non spécialisés aux revenus précaires : employés aux travaux pénibles, dockers, manuvres, tireurs de pousse, journaliers agricoles, ouvriers, etc.11 Lemploi du mot dans cette acception est encore fréquent dans certaines régions de lInde. Il apparaît en conséquence dans la littérature indienne, dans le roman Coolie par exemple, qui décrit le parcours chaotique d'un enfant du Punjab, tour à tour domestique, commis, ouvrier exploité des filatures de Bombay, etc. (Anand, trad. 1947). On retrouve l'utilisation de ce vocable avec un sens équivalent dans certains essais sociologiques comme Femmes coolies en Inde, consacré aux portefaix féminines du grand marché de Pune (Poitevin / Rairkar, 1994). En rapport avec la condition de travailleurs des engagés, le terme fut usité par les Européens de l'Inde anglaise et des Etablissements pour désigner l'immigration indienne dans son ensemble. Les expressions Coolie Trade et Coolie Ship en attestent. De même, un provicaire apostolique des Missions étrangères, rédacteur en 1863 à Pondichéry d'une Grammaire française-tamoule, justifie cette uvre par l'argument suivant : l'émigration des coulis, pour nos autres colonies, la rend indispensable à bien des Européens qu'elle emploie, et ce besoin se fait sentir jusqu'à Bourbon et à la Martinique (Anonyme, 1863 : 5). Parfois cependant le vocable semble caractériser un type spécifique d'immigrants. Le médecin du Siam (bateau introducteur dIndiens) l'emploie dans le sens particulier de cultivateur démuni, par opposition aux engagés moins déshérités. C'est ce qui ressort du passage mentionnant que : Les Indiens qui émigrent, appartiennent presque tous à la classe la plus malheureuse, à celle pour qui les moyens d'existence sont souvent un problème ; ce sont presque tous des cultivateurs (coolis) ; cependant, il se trouve parmi eux quelques individus de castes plus relevées (Leclerc, 1860 : 106). Le mot subira à la Martinique un glissement sémantique. Alors qu'en Inde il caractérisait principalement un état professionnel marqué par la précarité, et secondairement l'émigration de travail partant de ce pays, il s'imposera dans la colonie comme ethnonyme désignant tout originaire de l'Inde. Il y prendra en outre une connotation dépréciative. On le retrouvera donc, en rapport avec le statut dégradant des nouveaux arrivés, dans toutes les formules créoles avilissant les Indiens. La valeur péjorative du terme apparaîtra encore implicitement dans l'expression dérivée chapé-kouli (ou échapé-kouli), désignant l'individu issu du brassage d'éléments d'origine indienne et africaine mais dont l'ascendance indienne reste repérable du point de vue du phénotype. Caractériser le produit de ce métissage comme ayant en quelque sorte échappé à la race des coolies, c'est sous-entendre qu'en vertu de ce croisement, il l'a échappé belle ! Le mot figure de façon répétitive dans la chanson et a valeur dinjure. Il y est convié à venir voir le coolie (vini wè kouli-a), soit à constater linfamie de ce dernier. La version de 1962 invite même à le huer (vini kriyé kouli-a). Car loin dêtre quelquun, il se révèle un vakabon, terme désignant non pas lerrant (le vagabond) mais le coupable de vakabonajri : faits de voyoucratie et autres actes dimmoralité. Et comme cela ne suffisait pas, le refrain de 1962 abandonne la référence au coolie-ivrogne pour un personnage plus répugnant encore : le coolie-pouilleux, duquel on est prié de sécarter, afin quil se débarrasse de ses poux blancs (Ba li lè pou li pasé, pou li jété sé pou blany lan). Le thème du coolie-pouillleux apparaîtra dans une des rares mentions de lIndien dans la littérature martiniquaise du début du siècle, sous la plume de la romancière Irmine Romanette et dans une suite de caractérisations des groupes ethniques et sociaux composant la Martinique dalors. Le passage a pour cadre lossuaire dressé à Saint-Pierre suite à la Catastrophe : Dans lossuaire du souvenir, élevé au pied du Morne Abeille à la mémoire des disparus, les squelettes sont confondus. Ceux que des fouilles ramènent au jour, attendent pêle-mêle dêtre déposés dans le trou dombre et restent exposés aux regards sur la dalle de marbre, proposant ainsi une angoissante énigme aux passants. Réponds ! Qui suis-je ? La servante noire ou la matrone blanche ? Le travailleur serf ou le planteur féodal ? Le coolie pouilleux du marché ou le richissime commerçant de la Place ? La frémissante maîtresse ou lépouse acariâtre ? (cité par Corzani, 1999 : 81). Au final, et en résonance dun propos général de détraction de lIndien, cest un portrait singulièrement sordide de ce dernier que brosse cette chanson : étranger imposteur, pingre, goujat, ivrogne, pouilleux de surcroît ; scélérat sommé de cesser ses frasques, de changer de conduite. |
4 Alexandre Stellio (Fructueux Alexandre, 1885-1939) naquit à la Martinique, vécut à Saint-Pierre et séjourna en Guyane avant de retourner dans son île natale pour sy imposer comme le meilleur clarinettiste dalors. Son installation dans la capitale française en 1929 fit de lui le créateur de la biguine à Paris. En 10 ans (jusquà quil sécroule sur scène victime dune embolie), il y enregistra au moins de 128 faces et des dizaines de chansons (ses créations et des airs de Saint-Pierre). Il est réputé pour avoir été Létoile noire de la musique créole (Boulanger, 1991: 5). (Retour au texte) 5 Premier couplet Deuxième couplet Troisième couplet Refrain (version de 1931) (Retour au texte) 6 De 1857 à 1862, 10 521 engagés africains embarquèrent des ports du Congo-Kinshasa et du Congo-Brazzaville pour la Martinique (25 509 Indiens arrivèrent, eux, entre 1853 et 1883). A la faveur dune communauté dorigine et de phénotype avec les Noirs créoles, ils sintégrèrent rapidement. Ils furent au côté des autochtones dans toutes les luttes contre larbitraire colonial, quil sagisse de lInsurrection du Sud (1870) ou de la Grève du François (1900), confirmant largement en cela les craintes des engagistes quant à leur insoumission à lordre plantocratique. (Retour au texte) 7 On consultera notamment sur ce point Lafcadio Hearn, ses Esquisses martiniquaises (trad. 1924) ou ses Contes des Tropiques (trad. 1927). (Retour au texte) 8 A en croire M. About, en 1884, les droits du paria dans lInde française sont approximativement les mêmes que ceux du porc dans la banlieue de Paris. (Retour au texte) 9 Ce proverbe (ou sa variante: tout kouli ni an kout dalo pou i fè) signifie: Tout Indien se retrouvera un jour ou lautre dans le caniveau . (Retour au texte) 10 Sur lhistoire orale du dépôt et sur sa délocalisation au lieu dit Au-Béro, on consultera Jean-Pierre Arsaye (1998). (Retour au texte) 11 Louis
Frédéric signale la possibilité dune autre étymologie, le mot venant
peut-être de l'ancien nom d'une caste de travailleurs de la région de Bombay, appelée
aussi Kulî , (Frédéric, 1987: 647). |