Des formes variées.
Pour ne parler que des avatars actuels de la vîna, nous citerons la
Rudra vîna, connue dans le nord, c'est à dire dans la musique hindoustanie,
tout comme la vichitra vîna, beaucoup plus rare. Dans le sud, c'est la
Sarasvatî vîna, déjà citée, qui impose sa silhouette si caractéristique.
Voyons ces variantes un peu plus en détail, sachant qu'elles partagent
évidemment bien des caractéristiques, ne serait-ce que le fait qu'il
s'agisse d'instruments à cordes pincées...
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La Rudra vîna : aussi appelée bîn, elle est peut-être la plus
anciennes des formes encore existantes. Elle était probablement à l'origine
constituée d'un simple bambou auquel étaient fixées les cordes d'un côté, et
deux courges évidées sur l'autre face. La forme d'ensemble n'a guère évolué,
même si le bois de tek a remplacé le bambou pour le manche et si des frettes
ont été ajoutées. Une des courges (tûmba) joue le rôle de résonateur,
tandis que l'autre est décorative, mais sert aussi à la bonne préhension de
l'instrument.
L'instrument comporte vingt-quatre frettes métalliques, fixées à la cire, et
donc mobiles afin que le musicien puisse adapter son jeu en fonction du
raga. Les cordes sont au nombre de sept : quatre pour la mélodie et trois
pour le rythme et l'accompagnement.
La bîn est notamment un instrument essentiel du genre de musique et
de chant classique appelé Dhrupad (qui fut notamment très en vogue
dans le nord aux XVIe et XVIIe sièles).
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La Vichitra vîna : son alluré générale est très proche de la Rudra
vîna, mais elle est dépourvue de frettes, ne comporte que deux cordes
rythmiques, auxquelles s'ajoutent onze cordes sympathiques (selon les
versions ; d'autres versions comportent cinq cordes rythmiques et treize
sympathiques...). Cette forme de vîna aurait été créée par un musicien de
cour d'Indore, au XIXe s. : Ustad Abdul Ajij Khan.
Le
jeu sur cet instrument est particulier : les cordes sont enduites de matière
grasse pur favoriser le glissando, le musicien utilise une barrette de métal
ou de verre (qu'il fait glisser de la main gauche le long des cordes et qui
remplace en quelque sorte les frettes), et deux plectres fixés à l'index et
au majeur.
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La Sarasvatî vîna : voici celle que l'on pourrait appeler reine de la
musique carnatique. Parmi les diverses formes de vîna, celle-ci n'est que
relativement récente : on la fait remoner au XVIe siècle, au cours duquel un
certain Govinda Dikshitar, dans son ouvrage Sangîta Sudha décrit
l'instrument et présente les techniques de son utilisation.
Faite de bois de jacquier, de tek ou parfois d'ébène, cette vîna
est seulement dotée de quatre cordes mélodiques et trois rythmiques, de
vingt-quatre frettes de laiton fixées par de la cire, d'une caisse de
résonance principale creusée dans la même pièce de bois que l manche, et
d'une secondaire (en réalité postiche, comme dans les autres versions) faite
à partir d'une gourde. Très exceptionnellement, on note la présence de douze
cordes sympathiques.
On fabrique cet instruments dans divers lieux en Inde du sud,
mais les vînas de Thanjavur au Tamil Nadu, sont certainement les plus
réputées. Les photographie ci-dessous ont été prises dans cette ville. La
fabrication de la Sarasvati vîna est longue et minutieuse, et se fait à
partir de matériaux de qualité, généralement en fonction de la commande
personnalisée d'un musicien qui attend des caractéristiques et une
décoration particulières.
Ci-dessus et ci-dessous, artisans fabricants de Sarasvatî
vînas à Thanjavur,
notamment, ci-dessous, à l'atelier de M. M. Balan.
Le musicien qui joue de la Sarasvatî vîna est assis par terre
en tailleur, l'instrument posé au sol devant lui à l'horizontale, ou bien
est le plus souvent tenu en main avec le résonateur principal à sa droite,
reposant au sol. La main droite prince les cordes mélodiques à l'aide de
deux plectres fixés à l'index et au majeur, tandis que l'auriculaire est
utilisé pour les cordes rythmiques. Les doigts de la main gauche parcourent
le manche pour donner la hauteur des notes, sur une échelle de trois octaves
et demi.
Mme Padmavathi Ananthagopalan, musicienne à Chennai.
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