Interview
NJ : En fait, mon nom d'usage à la
Réunion et dans le yoga est celui de Jaya Yogacharya. C'est le nom que
j'ai reçu de Swami Vishnu Devananda au Canada lors d'une initiation il y
a plus de vingt-cinq ans, et qu'a re-validé mon Maître Sri Sri Sri
Satchidananda Yogi de Madras. Je dirige en co-direction, le Centre Jaya
de Yoga Védanta et d' Ayurvéda à la Réunion depuis 1990.
NJ : J'ai eu la chance de recevoir un
enseignement de terrain en Ayurvéda et naturopathie par mon maître
Satchidananda. J'ai ensuite suivi des formations dans le Kerala auprès
de médecins ayurvédiques afin de valider ces connaissances par des
stages en hôpital et des diplômes.
NJ : L'Ayurvéda est le système
traditionnel de la médecine Indienne qui repose sur des anciens slokas,
textes sanskrits remontant à plus de quatre mille ans.(voir les Védas)
L'Ayurvéda a en fait plusieurs définitions. La plus communément admise
est « science de la vie »,qui se confère à la simple traduction du mot
« ayur », signifiant « vie » et Véda « science, connaissance ». Pour
les autres définitions, nous trouverons : « Méthode pour augmenter la durée de vie », « Système de ce qui est approprié ou inapproprié pour la vie », « Méthodes qui peuvent donner la joie ou la tristesse, » etc ...
Le postulat de départ de l'Ayurvéda est de poser deux questions
essentielles :
Qu'est-ce que la santé ? Qu'est-ce que la maladie ?
L'Ayurvéda est la connaissance de la différence entre les deux.
Elle va s'évertuer à maintenir l'équilibre en ce qui concerne la santé
(elle est donc préventive).
En ce qui concerne la maladie, elle va noter son état de déséquilibre,
le corriger, puis préserver l'état d'équilibre (mode de vie).
Les traits caractéristiques de l'Ayurvéda qui font souvent la différence
avec l'approche occidentale : a) Elle traite l'individu comme un tout. b) C'est une médecine libre de toute toxicité (plantes,
minéraux). c) En principe, elle n'est pas onéreuse. d) Certains traitements sont aussi utiles pour la maladie
que pour la prévention. e) Elle tient compte de la relation entre le corps et
l'esprit. f) Elle insiste sur l'aspect préventif: diète, mode de vie,
régimes, les saisons, (Dina Charya, Ritu Charya). g) L'Ayurvéda est près de la nature (tout ce qui est dans la
nature peut-être une médecine). h) Elle est étroitement liée à la connaissance du Yoga. i) Elle est ouverte aux autres systèmes de médecine
(laboratoire, rayons X, scanner, etc.). j) Elle a des méthodes simples et de bon sens pour ses
diagnostics (investigations du patient par son histoire personnelle,
sans compter les traditionnels moyens d'investigation de toute médecine,
que sont l'inspection, la palpation, le questionnaire, etc ...). k) Elle a une variété d'approches des problèmes: elle va
s'intéresser à : - la cause. On va diminuer le dosha en
excès (voir Vata, Pitha, Kapha). - le lieu (de vie du patient et de la
place de la maladie dans le corps). - la force (celle du patient pour
suivre les traitements des panchankarmas, mais aussi la force de la
maladie, à savoir si elle sera longue ou courte). - la saison, qui va déterminer le type de la
maladie et combien de temps le corps va prendre pour la gérer. - le feu digestif différent selon nos
constitutions. - la constitution du corps (la prakriti). - l'âge (petites doses aux enfants,
vieillards, etc.). - la force du mental (différent d'un
individu à l'autre). - les facteurs aggravants ou
améliorants. - l'alimentation et diète (le tabac
aggrave Vata, l'alcool aggrave Pitha etc.). l) Et enfin, elle offre les fameux traitements ayurvédiques
que sont les Panchakarmas : - Vamana induisant la vomission. - Virechana la purgation. - Vasti le lavement. - Nasya (orl). - Rakta moksha (saignées). ... sans oublier les grands
traitements d'oléation (l'huile) et de sudation (vapeur), qui précèdent
les panchakarmas et dans lesquels vous trouverez tous les massages
yurvédiques appartenant aux techniques du Sneha karma et du Sweda karma.
L'Ayurvéda ,comme toute médecine, a donc pour but de préserver la santé
et de soigner la maladie, mais en tant que médecine millénaire, elle
s'appuie sur la grande philosophie indienne qu'est le Sanathana Dharma. Cette dernière repose elle-même sur quatre grands principes de vie : - Dharma (notre mission dans cette vie
) - Artha (acquisition des biens comme
moyens) - Kama (réalisation de
l'affectif) - Moksha (libération spirituelle).
NJ : L'Ayurvéda,
en tant que médecine peu onéreuse, a toujours été pratiquée pour le plus grand
nombre, dans des dispensaires de villages, des hôpitaux. Toutefois, elle fut
mise à l'écart par les classes émergentes par l'allopathie. Aujourd'hui c'est le
retour en force avec un foisonnement de centres ayurvédiques, et le kerala en a
fait entre autre sa spécialité. Ce retour s'accompagne d'un vif intérêt par les
étrangers qui n'hésitent pas à se déplacer en Inde pour faire des cures de
panchakarmas ou bien se former. De plus en plus de structures organisées se
mettent en place pour cela. La révolution informatique n'ayant pas été manquée
par les indiens, l'Inde devient une porte ouverte à ces informations
ancestrales. La démocratisation des voyages aide de plus à divulguer cette
connaissance. Toutefois en France, cette médecine se retrouve dans la même
situation que l'acupuncture, l'homéopathie ou l'ostéopathie il y a quelques
temps encore.
L'intérêt de plus en plus grand porté à l'Ayurvéda, les limites de la médecine
occidentale en tant que médecine non globale et parfois toxique à revers de sa
pharmacopée, aboutiront bien à la reconnaissance de cette médecine indienne et à
sa légalisation par l'ordre des médecins français. Le chemin est encore long.
NJ : Pour être soigné, nul n'est
besoin de s'immerger pendant plusieurs années dans les profondeurs de ces hautes philosophies
Indiennes que sont les Darshans. Soyons d'abord pragmatiques. Toutefois, si vous constatez
des résultats positifs sur vos anciens déséquilibres ou pathologies à la suite
d'un traitement ayurvédique, vous intégrez implicitement son art de penser. Par contre, si vos objectifs
sont d'approfondir cette connaissance pour en faire exercice, il conviendrait de
s'aguerrir des grands principes qui sous-tendent l'Ayurvéda et le yoga. Plus
qu'un éclairage, cela devient une nécessité.
NJ : Pour bien comprendre la
place des fameux massages ayurvédiques, il nous faut comprendre comment
s'articule le traitement ayurvédique.
Nous trouverons
deux types de
traitements : - Shamana Chikitsa (traitements par
médicaments ayurvédiques pour des personnes faibles, enfants, vieillards).
- Shodhana Chikitsa (traitements plus forts avec les panchakarmas lorsque les
Doshas sont hautement viciés).
Avant les Panchakarmas, et
pour tout profil, on va pratiquer Poorvakarma.
Cela est préconisé quand les doshas sont aggravés dans le corps. Les doshas aggravés vont se mettre dans le
corps et s'y solidifier. Le but donc va être de les dissoudre. On fera alors les deux
grandes pratiques selon la pathologie et le patient : -
Sneha karma (oléation thérapie) en premier, -
Sweda karma (sudation thérapie) en second,
afin d'ouvrir les canaux
(strotas) et amener les doshas (qualités) à leur propre emplacement.
Dans sneha karma,
- si l'oléation est interne,
on fera Sneha pana (boire l'huile avec décoctions)
- si l'oléation est
externe, on fera les
Abhyangas, que sont les massages ayurvédiques.
Vous trouverez dans les
massages ayurvédiques, différentes techniques en fonction des doshas et des
pathologies à soigner,(podikizhi, elakizhi, navara kizhi, bolus bags, les
Dharas, les vastys, les nasyams, etc.). Vous trouverez également les
abhyangas classiques à deux ou quatre mains pour l'harmonisation des trajets
énergétiques et des marmas (les points énergétiques de l'Ayurvéda). Ces massages
sont très précieux pour leur aspect de relaxation profonde du corps et du mental
et pour leur aspect préventif à bon nombre de maux.
NJ : Ce n'est pas vraiment mon
domaine. A ma connaissance, les massages pour très jeunes enfants sont
spontanément pratiqués à la maison le plus tôt possible par les jeunes mères
indiennes qui, en prenant de manière vigoureuse leurs bébés, les massent
intensément, les aidant ainsi à l'éveil de leurs organes des sens (jnana
indriyas),de leur souplesse et de leur joie de vivre. Un très joli livre
là-dessus (« Shantala, un art traditionnel, le massage des enfants » de F
Leboyer, Éditeur : Seuil).
NJ : En France, se constituent de plus en plus des prestataires en massages
ayurvédiques. En principe, un médecin ayurvédique n'est pas autorisé à y exercer
et n'est pas forcément un technicien en massage.
Vous trouverez donc plus des techniciens en massages, non médecins, préconisant
des massages dits préventifs relevant en principe des abhyangas classiques. A
vous de tester leurs prestations et de vous inquiéter de leur formation. Un
massage ayurvédique se doit d'être un massage de santé où des connaissances
anatomiques, médicales et énergétiques sont nécessaires. Ce n'est pas un acte
anodin.
Dans le cas de pathologies
lourdes, vous trouverez d'avantage de centres ayurvédiques côté outre-Rhin,
avec consultations médicales et des cures possibles en panchakarmas, (voir
Allemagne, Suisse). De même, vous trouverez une
activité plus développée aux USA. Quant à l'Inde, de nombreux centres sont prêts à vous accueillir pour des cures
de plusieurs semaines ou plusieurs mois.
NJ : Le centre propose des
prestations ayurvédiques depuis 1996.
Nous proposons des
entretiens ayurvédiques qui ne substituent pas à une consultation médicale mais
qui ont pour but de sensibiliser les personnes aux grands principes d'hygiène de
vie (alimentation, comportement ). Vous trouverez également un questionnaire
ayurvédique interactif sur notre site internet.
Dans le cas du bien-être,
nous proposons les massages appartenant au sneha karma, que sont les massages de
relaxation ou d'équilibre (les abhyangas classiques préventifs et relaxant).
Dans le cas des pathologies, nous proposons les massages aux bolus bags, les
dharas, les nasyams, s'inscrivant d'avantage dans le traitement des maux les
plus courants, (insomnie, stress, dépression, migraines, prise de poids,
problèmes vertébraux, douleurs arthrosiques, etc.).
Nous ne faisons par les
panchakarmas qui nécessitent entre autre, une absorption médicamenteuse par des
plantes ou décoctions, car cette action serait en porte-à-faux avec la
législation médicale française.
Nous en connaissons
cependant les techniques.
- IR :
Quels sont les projets du centre dans le domaine de l'Ayurveda ?
NJ : Le centre Jaya fonctionne
avec ses deux professeurs de yoga, Maheswari et moi-même, Jaya .
Notre forme juridique est
celle d'une entreprise, où nous gérons des employés ainsi qu'une clientèle
élargie et de qualité. Pour nous aider dans notre tâche, nous avons embauché
durant deux années, de jeunes indiennes spécialisées dans les massages
ayurvédiques avec qui nous avions travaillé en Inde.
Nos projets actuels ont
pour objectif d'optimiser nos prestations, par la recherche d'un nouveau cadre
où nous pourrions rajouter de l'hébergement, afin de proposer des retraites de
yoga et de méditation, ainsi que des séjours ayurvédiques.
Vous trouverez nos
prestations sur notre site
http://www.centrejaya.org ainsi que de nombreux textes
didactiques et conférences sur l'Ayurvéda et le yoga.
PS : j'ai adapté les termes
sanskrits ( ayurveda, panchakarma, etc ..) à une écriture « accentuée ou
pluralisée » pour une compréhension plus facile pour les néophytes.
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