Cécile Blau :

"L'Ayurvéda ne se résume pas à "un ensemble de pratiques médicales". C'est un art de vivre, une recherche de l'harmonie"

    
  

   Cécile Blau est praticienne Ayurvédique en France métropolitaine, et membre de l'Association Ayurvéda en France. Elle évoque ici sa surprenante découverte de l'Ayurvéda et nous explique les fondements de cette science de la vie...


Interview

  • IR : Cécile Blau, pouvez-vous pour commencer vous présenter à nos visiteurs, et nous dire comment vous avez découvert l'Ayurvéda ?

CB : Je suis née à Paris et j'y vis avec mon mari et mes deux garçons. Depuis l'âge de dix-huit ans j'étais allergique au soleil. J'avais essayé tous les traitements disponibles (y compris les plus offensifs) et m'étais résignée à vivre couverte de la tête aux pieds et jusqu'aux bouts des doigts lorsque j'ai rencontré l'Ayurvéda. Je ne savais rien d'elle mais j'ai suivi à la lettre le régime alimentaire que me proposait ce praticien ayurvédique dans son petit "cabinet" installé dans une chambre de bonne sous les toits, au coeur de Paris. Il m'avait pris le pouls, posé des questions étranges et demandé que je lui tire la langue. J'ai fait tout, exactement et intensément ce qu'il me proposait. Il m'avait dit : "Trois mois de traitement"... mais trois semaines après je partais pour l'Italie et n'ai pas résisté à l'envie de me mettre au soleil... Une minute, cinq minutes, dix minutes, rien, pas un seul bouton, pas de sensation de nerf à vif. Je sautais de joie, j'étais guérie. J'ai continué encore un peu mon traitement et ai oublié l'Ayurvéda jusqu'à un voyage en Inde où je trouvais cinq livres sur le sujet. Je les ai lus et relus dans ma chambre d'hôtel à Calcutta. J'étais émerveillée, fascinée. Un monde, une vision nouvelle du monde s'ouvrait. A l'époque j'étais journaliste : j'ai commencé à étudier l'Ayuvéda pour écrire des articles mais bientôt je me suis inscrite à l'Institut Européen d'Études Védiques, ai suivi des formations avec d'autres praticiens et me voici, quelques années plus tard, diplômée, praticienne ayurvédique, éducatrice de santé en Ayurvéda, comme on dit ici.

  • IR : L'Ayurvéda vous a donné une autre vision du monde : qu'est-ce que vous avez vraiment découvert à partir de l'Ayurvéda qui a pu amener à un tel changement ?

CB : Ayurvéda est un mot sanskrit que l'on traduit généralement en français par "science de la vie". Et il n'y a pas que l'être humain qui vit. L'Ayurvéda est la science de la vie en général, celle des êtres humains, des animaux, des végétaux et des minéraux. C'est la vie de la terre. Ceux qu'elle porte, la compose. Ce qui vit sur terre est composé d'elle. Notre trop nouvelle science de l'environnement ne l'a pas encore compris. En Ayurvéda, il n'y a pas de séparation entre l'humain et l'environnement.

  • IR : Vous parlez de l'Ayurvéda comme d'une manière d'être ou une philosophie : l'Ayurvéda est-il donc bien plus qu'un ensemble de pratiques médicales ?

CB : L'Ayurvéda repose pour l'essentiel sur la philosophie du Sankhya. Je ne me permettrais pas ici de vous l'expliquer. Mais il est clair que l'Ayurvéda ne se résume pas à "un ensemble de pratiques médicales". C'est un art de vivre, une recherche de l'harmonie, de l'équilibre, un développement de l'intelligence du coeur dont le but serait le bien être de chacun, de chaque vie sur terre. Si l'Ayurvéda propose des "pratiques médicales" c'est parce que la maladie est un signe de déséquilibre, de disharmonie, de mal être.

  • IR : L'Ayurvéda s'adapte-t-il aisément aux habitudes et aux mentalités européennes ? Ou faut-il que l'Européen qui s'y intéresse (en tant que patient ou en tant que thérapeute) s'adapte plutôt à un esprit "indien" ?

CB : Ce n'est pas tellement une histoire d'esprit européen et d'esprit indien, il s'agit plutôt d'un niveau de conscience. Conscience de soi, des autres, de tout ce qui nous entoure et comprendre que "rien ne se perd", rien n'est "gratuit", tout a une cause et produit un effet. Dans la pratique, les femmes sont souvent plus conscientes que les hommes. Elles reconnaissent plus facilement, plus intuitivement les effets des choses sur elles-mêmes et sur ce qui les entourent. Elles savent par exemple que modifier son alimentation joue rapidement sur l'aspect du corps et la vitalité. Même si elle nous vient du continent indien, l'Ayurvéda est bien antérieure à l'Inde que nous connaissons ou que nous nous représentons. Son nom signifie "science de la vie". La vie ne connaît pas de frontière. En Inde comme en Europe, c'est avec du chaud qu'on dissipe le froid, avec de l'humide qu'on dissipe le sec, avec la clarté qu'on dissipe l'obscurité.

  • IR : Pouvez-vous nous parler du massage ayurvédique et notamment le massage pour bébés ?

CB : L'Ayurvéda s'adresse toujours à la personne, à un individu dans ce qu'il a d'unique. Un massage ayurvédique est le massage dont une personne a besoin, aujourd'hui, maintenant, ici, pour maintenir ou rétablir son équilibre. Un massage ayurvédique réchauffe celui qui a froid, rafraîchit celui qui est en colère, stimule celui qui est léthargique, etc.
   Masser son enfant est un geste d'amour. Ici en Occident, nous avons perdu la simplicité de ce contact. Si on y prête attention, on s'aperçoit que rares sont les moments où il existe un contact directe entre les mains de la maman et la peau du bébé. Il y a toujours une lingette parfumée et désinfectante ou un essuie-tout chloré entre la mère et l'enfant. En Ayurvéda, le toucher est essentiel au bien être et donc au bon développement des enfants. Ils ont besoin d'être touchés, enveloppés, réchauffés, stimulés, "aimés" et nourris : le massage apporte tout cela. En Inde, le massage des enfants est resté vivant et nous pouvons renouer le contact "physique" avec nos bébés en regardant et en suivant les gestes des femmes indiennes. Il faut juste trouver le temps...

  • IR : Pouvez-vous nous présenter l'association Ayurvéda en France ? En particulier, quels en sont les objectifs ?

CB : Ayurvéda en France est une association dont l'objectif est de promouvoir l'Ayurvéda en France. Il s'agit de mettre en relation des praticiens entre eux et de proposer aux personnes qui le souhaitent une liste de praticiens proches de leur lieu d'habitation. Les praticiens aurvédiques sont encore très peu nombreux et les organismes de formation aussi. Nous avons commencé par le commencement : nous compter. En ce qui concerne la place de l'Ayurvéda en France tout reste à faire.

  • IR : Que conseillerez-vous à celui ou celle qui souhaiterait recourir aux bienfaits de l'Ayurvéda ?

CB : Ayurvéda, nous l'avons vu, se comprend comme "science de la vie" ou "art de la vie". Tout le monde peut bénéficier des bienfaits de l'Ayurvéda puisque c'est le sens même du terme : le bien-être, la santé, l'équilibre de chacun d'entre nous. Il s'agit simplement d'apprendre à se connaître, à saisir les qualités de notre environnement (physique, mental, émotionnel...) et comprendre ses effets sur nous. Pour bénéficier de l'Ayurvéda il convient d'apprendre à se connaitre puis de ne pas craindre de changer (éventuellement) ses mauvaises habitudes, celles qui quotidiennement perturbent l'équilibre. Avec l'Ayurvéda, il s'agit de prendre soin de soi. Le soin, c'est l'amour avec un grand A. l'Amour de soi, en tant que "faisant partie de l'Univers". Ce qui m'amène à deux conseils:  avec l'Ayurvéda, on prend toujours soin de soi avec amour et douceur, en conscience. Et surtout le soin qu'on se donne ne peut pas être au détriment d'une autre forme de vie, au détriment des autres ou de la planète.

  • IR : Quels sont les projets d'Ayurvéda en France pour les mois et années à venir ? Envisagez-vous d'étendre votre action sur la Réunion et l'Outre-Mer  français plus généralement ?

CB : Faire connaitre l'Ayurvéda, dans sa plus belle et plus simple expression et travailler à la reconnaissance de ses praticiens sont, dits brièvement, les projets de l'Association. Nous sommes peu nombreux, et je profite de votre question pour inviter les praticiens de la Réunion et de l'Outre-mer à se joindre à nous. Nous sommes peu nombreux aujourd'hui en France mais l'Ayurvéda existe depuis des milliers d'années pour des milliards d'individus et il me semble qu'elle a certainement moins besoin de notre reconnaissance que nous de ses bienfaits."

Origines et principes      -      Petit lexique de l'Ayurvéda

  Interview de Nelly Jorez   -   L'Ayurvéda sur la Toile

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