Interview
-
IR
: Martine Armand, les visiteurs de
notre site vous connaissent déjà et savent quels sont vos liens avec
le cinéma indien. Vous avez été approchée par les organisateurs du
Salon du Cinéma à Paris pour l'édition 2009 : pouvez-vous nous dire
le rôle que vous avez et allez jouer dans le cadre de cette
manifestation ?
MA :
Notre rencontre s’est faite lors de ma conférence sur les « stars du
cinéma hindi » à l’auditorium Guimet dans le cadre de la cinquième
édition de l’Été indien.
Le Salon m’a proposé d’être conseiller pour la thématique Inde, de
conduire une master class avec Amitabh Bachchan ainsi qu’une table
ronde consacrée aux coproductions franco indiennes. Par ailleurs, je
présenterai les films de la soirée dédiée à Amitabh Bachchan en sa
présence et en présence des producteurs indiens venus de Mumbai pour
l’occasion.
MA : Les temps forts commenceront dès
l’inauguration, le 15 au soir, placée sous les couleurs de l’Inde,
et Amitabh Bachchan sera à l’honneur. Deux films seront projetés
dans la soirée : un documentaire, Everlasting Light,
retraçant sa carrière, ainsi que le film de Rituparno Ghosh : The
Last Lear, inédit en France.
La journée du 16 sera
riche en événements et la présence d’Amitabh Bachchan sera quasiment
constante jusque tard dans la nuit.
Le matin, une table
ronde Paris-Bombay abordera les enjeux croisés entre Paris et Bombay
sur l’accueil des tournages. Des intervenants de marque y
participeront et le débat sera animé par Olivier-René Veillon,
Directeur de la Commission du Film en Île de France.
L’après-midi, après sa
rencontre avec les media et le public, Amitabh Bachchan donnera une
master class d’une heure et demi.
En fin de journée une
table ronde sera consacrée à la place des coproductions dans le
cinéma indien aujourd’hui. Les intervenants seront Nalin Pan, le
réalisateur et producteur indien de Samsara, entre autres
films. Il y aura les producteurs indiens des films The Last Lear
et Sarkar Raj, Michel Amathieu directeur de le photographie et Anne
Seibel chef décoratrice qui ont tourné le dernier film de Dev
Benegal : Road Movie.
La soirée continuera
avec les projections de Sarkar Raj de Ram Gopal Varma en
avant première en France, Black de Sanjay Leela Bhansali et
Sholay de Ramesh Sippy, une nuit de cinéma autour d’Amitabh
Bachchan, des films de genres et d’époques différentes.
D’autres événements liés à l’Inde se dérouleront en parallèle,
comme une exposition de photos « Camera Kid », de huit jeunes
enfants de Calcutta, ou encore une exposition « Bollywood à Contre
Champ » sur les coulisses des tournages de la plus grande industrie
cinématographique du monde.
-
IR : La venue annoncée
d'Amitabh Bachchan, à défaut de la famille au complet, est un
événement majeur qui devrait réjouir les nombreux passionnés de
Bollywood... Mais pouvez-vous nous en dire davantage sur cette
présence et sur le rôle que jouera Amitabh Bachchan durant le Salon
?
MA : Oui, en effet
de très nombreux passionnés ont déjà envoyé des mails au Salon dès
l’annonce de sa venue, et on prévoit une forte affluence pour les
événements liés à sa présence. Il jouera un rôle de catalyseur, car
à lui seul il incarne quatre décennies de cinéma indien. Il n’y
avait encore jamais eu de rétrospective ou d’hommage à Amitabh
Bachchan à Paris.
Comme
nous nous trouvons dans un salon et non un festival de films, bien
qu’il y ait des films au programme, les rencontres avec les media
mais avant tout le public seront les moments forts. Par ailleurs, le
Salon est une plaque tournante réunissant de très nombreux
professionnels. Des personnalités de la culture et du cinéma, des
producteurs français sont désireux de le rencontrer. C’est ainsi que
les projets naissent parfois.
-
IR : Profitons de l'occasion :
personnellement, et en tant que spécialiste du cinéma indien, que
pensez-vous des quatre acteurs et actrices de la famille Bachchan ?
Qu'apportent-il au cinéma bollywoodien ?
MA : Ils sont à présent réunis en une
famille de cinéma exceptionnelle sur plusieurs plans, mais ils ont
chacun une personnalité et un parcours propres. Il est intéressant
de voir par exemple le père et le fils dans des films comme
Sarkar Raj de de Ram Gopal Varma que nous allons présenter, et
où nous retrouvons aussi Aishwarya Rai-Bachchan. Quant à Jaya
Bachchan que l’on a retrouvée sur les écrans dans les années 2000
après une longue absence, j’espère personnellement qu’elle tournera
davantage car c’est une actrice que j’apprécie beaucoup.
Amitabh Bachchan, symbole du cinéma populaire indien, a joué
quasiment tous les rôles, a tourné dans environ 170 films, il est
aussi un phénomène de popularité inégalé ailleurs. Il est certes
présent dans les productions récentes, mais l’était déjà bien avant
depuis les années 70, lorsqu’on ne parlait pas de Bollywood mais de
cinéma populaire indien. D’ailleurs, les réalisateurs avec qui il a
travaillé récemment et dont nous montrons les films au Salon du
cinéma, Sanjay Leela Bhansali, Rituparno Ghosh ou Ram Gopal Varma,
sont des cinéastes qui ne se reconnaissent pas dans la définition
de Bollywood. Il faudrait poser la question aux réalisateurs
eux-mêmes et leur demander ce qu’il leur apporte, mais il semble
clair qu’en plus de sa célébrité qui peut aider dans le financement
puis le lancement d’un film, il existe une fascination que la
plupart des réalisateurs indiens semblent ressentir à son égard.
MA : Sans aucun doute le plus
populaire de l’histoire du cinéma indien et le plus adulé. Le culte
que le public indien lui voue est un phénomène unique au monde.
Lorsque l’on évoque par exemple le ferveur de tout un peuple pour
l’acteur blessé sur le tournage de Coolie, c’est
inconcevable, voire incompréhensible dans un contexte occidental où
la célébrité des plus grandes stars de cinéma n’atteint jamais de
tels sommets.
Des analyses assez
pertinentes ont d’ailleurs été faites par des intellectuels,
écrivains etc sur la place d’Amitabh Bachchan dans la société
indienne et ce que cela révèle.
Nous sommes donc bien au
delà d’une simple définition de talent d’un acteur, puisque nous
sommes en présence d’un phénomène. C’est pourquoi je ne vois
personne d’autre à qui le comparer.
MA : Il y en a plusieurs, dont on
parle sans doute moins en France mais qui occupent une place
significative dans le cinéma indien. Je trouve que Tabu, Kajol,
Seema Biswas ou Konkona Sen, sont des actrices intéressantes, mais
j’aime aussi des actrices confirmées comme Madhuri Dixit, ou dans un
autre domaine Shabana Azmi. Et ce n’est que pour le cinéma hindi car
il faudrait aussi parler du talent d’actrices du sud qui n’ont en
fait aucune visibilité en occident…
MA : C’est une
intention qui fut dès le départ exprimée. Ce sont surtout les
rencontres, débats, tables rondes qui permettront aux intervenants
de rappeler la diversité des cinémas indiens. Par exemple, la table
ronde sur les coproductions mettra l’accent sur le cinéma indien
aujourd’hui dans son ensemble et abordera en particulier le cinéma
d’auteur. Nalin Pan a accepté d’interrompre la préparation de son
prochain grand film pour venir témoigner de son expérience unique de
réalisateur et producteur indépendant, il évoquera aussi les autres
réalisateurs qu’il a produits. Je compte parler de Satyajit Ray
ainsi que des réalisateurs comme Adoor Gopalakrishnan et Shaji Karun
du Kerala, entre autres. En dehors des débats organisés, je pense
aussi que des échanges se feront spontanément dans ce bel espace de
La Grande Halle de La Villette.
MA :
Le film indien le plus récent sorti en France fin novembre est
Jodhaa Akbar, dans la tradition des grands films historiques que
l’on voit peu en occident. Il a été réalisé avec soin. Il est
peut-être un peu long, en particulier les scènes de bataille et
certaines chansons-danses pour un public français, mais il
fonctionne bien et dans l’ensemble il a suscité d’excellentes
réactions ici. Parallèlement des films comme Om shanti om qui
revisite une époque du cinéma populaire indien (une nouvelle
tendance ?) ne m’a pas convaincue. L’année dernière j’ai beaucoup
aimé Taare Zameen Par (Chaque enfant est spécial) un
film réalisé et interprété par Aamir Khan, qui mériterait de sortir
en France, d’autant que nous n’avons pour ainsi dire aucun film
indien pour jeune public.
MA : Le cinéma asiatique est riche de
surprises, de talents, c’est à l’occasion des sélections du festival
Cinémas d’Asie de Vesoul, qui célèbrera ses 15 ans cette année, que
l’on se rend compte de la vitalité des cinémas d’Asie, de la Turquie
aux confins de la Mongolie. De jeunes cinéastes des Philippines par
exemple font un travail étonnant. C’est aussi l’occasion de renouer
le contact avec des cinéastes comme Prasanna Vithanage de Sri Lanka
qui viendra présenter son dernier film Flowers in the sky, un
film émouvant sur une actrice de cinéma qui sacrifia sa fille à sa
carrière. Cette année l’Iran sera représenté par la Makhmalbaf Film
House Moshen Makhmalbalf, mais aussi par sa fille Samira qui fut la
plus jeune réalisatrice sélectionnée à Cannes (La Pomme en
1998, puis Le Tableau noir…) ainsi que par Marieh. Les
derniers films de Moshen et Samira encore inédits en France seront
présentés à Vesoul. Une incroyable famille de cinéastes où chaque
membre est créatif.
MA :
Pendant longtemps le seul cinéma indien véritablement distribué en
France fut le cinéma d’auteur, il s’adressait à un public de
cinéphiles. Depuis une dizaine d’années c’est surtout les films de
Bollywood qui ont remporté un succès en France. Le public semble lui
aussi avoir changé, plus large il comprend beaucoup plus de jeunes.
C’est un public qui désire surtout rêver, s’évader, se distraire.
Si le cinéma d’auteur indien reste actuellement discret et en
retrait de Bollywood, il faut souligner que des films d’auteur
continuent à être diffusés, mais ils sont moins nombreux.
MA : J’espère que le Salon fera
découvrir des facettes du cinéma indien à un plus large public,
voire à un public nouveau.
Quant à mes prochains
projets, le plus immédiat est donc le FICA, festival international
des cinémas d’Asie de Vesoul du 10 au 17 février 2009, avec 75 films
parmi lesquels un très joli film en compétition, Gulabi Talkies
de Girish Kasaravalli , un réalisateur du Karnataka qui réalise un
cinéma d’auteur tout à fait exemplaire depuis plus de vingt ans.
Pour rester dans le cinéma indien, nous présenterons Jodhaa Akbar
dans la section « plein les yeux » de Martine et Jean-Marc
Thérouanne.
Et nous sommes déjà en
préparation de la 6ième édition de l’Été indien à
l’Auditorium Guimet en septembre-octobre. Hubert Laot et moi-même
pensons mettre l’accent sur le cinéma d’auteur en offrant au public,
qui est de plus en plus nombreux, de découvrir des films inédits,
principalement contemporains.
|