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AVANT-PROPOS

                        

     A l’origine de cette étude, une observation personnelle qui se trouve être un lieu commun à l’île de La Réunion : l’accaparement de Saint Expédit (martyr dont nous brosserons plus loin le portrait) par les pratiquants de la religion hindoue. Le mot « syncrétisme » est souvent lâché, la plupart du temps sans plus de précisions. Je me dois d’ailleurs de faire amende honorable car c’est ce lieu commun et cette appellation – parfois abusive selon la définition qu’on lui donne, nous le verrons – qui m’ont mené à entamer cette étude en termes de métissage religieux. Même si la réalité ambiguë de ce saint catholique à l’histoire particulièrement mouvementée sur l’île cache une invention originale de la culture réunionnaise, nous allons voir qu’il serait dangereux de vouloir exclusivement qualifier le fait religieux à La Réunion de « métissé » et que la rencontre de plusieurs systèmes religieux et philosophiques sur un si petit espace et leur longue cohabitation n’impliquent pas forcément le pullulement de manifestations syncrétiques. En plus des phénomènes d’adaptation, d’assimilation, d’ajustement ou de réinterprétation que nous allons voir à propos de l’hindouisme (et qui sont au centre de
mon intérêt), je vais donc également tenter – contrairement à l’idée première que l’on peut se faire à la lecture de ce titre – à travers ces pages, de montrer combien la religion populaire hindoue « importée » dans l’île de La Réunion avec les engagés indiens à destination des champs de canne à sucre a su conserver et transmettre sa doctrine, sa structure et ses valeurs.
     Mon objectif premier, avant que je ne fasse marche arrière une fois tombé dans le « piège » de Saint Expédit, était d’effectuer un terrain d’observation du culte voué à ce
dernier par les différentes catégories religieuses de l’île (Saint Expédit est prié par une grande partie de la population mais principalement par les catholiques et les hindous). La courte durée de mon séjour (de mi-juillet à mi-août 2006) sur place ne m’aurait jamais permis une telle investigation et c’est de toute façon à ce moment-là (après des lectures plus approfondies) que mon idée première fondée sur le syncrétisme « Saint Expédien » ne s’avéra pas exacte, ou du moins pas évidente. Cette idée de syncrétisme entre hindouisme et christianisme largement diffusée à La Réunion semble ne pas résister à l’analyse et, bien que certains auteurs n’hésitent pas à l’employer, les spécialistes de l’hindouisme réunionnais et/ou « créole » en général (C. GHASARIAN, J. BENOIST, C. BARAT) n’envisagent pas le changement religieux de cette façon. Reste à savoir ce que l’on entend par « syncrétisme ».
   Mon projet d’effectuer un nouveau terrain dans le courant de l’année académique 2006-2007 en ayant reciblé mon objet (c’est à dire une étude du « non-syncrétisme », dont nous verrons les tenants et aboutissants) ne put se réaliser et je me résignai donc – après un unique et bref passage d’un mois sur l’île qui me permit néanmoins d’observer un minimum le saint en question et ses dévots, de participer à diverses manifestations religieuses (procession et marche sur le feu hindoue, communion catholique dans une famille ayant une part d’ascendance indienne, prières au temple public et au temple familial) et d’effectuer quelques entretiens exploratoires au sein d’associations responsables de la gestion des temples malbars (1) publics – à poursuivre mon étude sur une base quasi-exclusivement bibliographique.


1 Terme utilisé à La Réunion pour désigner les originaires de l’Inde, ceux-ci l’utilisant également pour se désigner entre eux. Il s’agit là d’une confusion dont nous verrons plus loin l’origine. (Retour au texte)

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