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DEUXIÈME PARTIE
Hindouisme et changement religieux
dans la société réunionnaise
3. Le cas de Saint Expédit 3. 2. Le bannissement de Saint Expédit Lorsqu’en 1965 l’Église
réunionnaise, suivant les directives de Vatican II (1),
bannit définitivement Saint Expédit du sanctuaire catholique, sa popularité
était déjà grande. Désormais autonome, sa puissance augmenta en dehors de
tout cadre officiel faisant de lui un intermédiaire direct avec Dieu et une
force manipulable à souhaits. Saint Expédit avait déjà trouvé sa place grâce
à la souplesse que la religiosité réunionnaise avait acquise au fil des
apports des différentes formes de foi. Son ouverture, sa facilité d’accès et
sa maniabilité dans un contexte de changements sociaux laissant beaucoup de
monde sur la touche – départementalisation en 1946, déclin de la filière
sucrière dans les années 50 et maintenant modernisation effrénée – firent de
lui un saint choisi par tous. Ses capacités offraient à tous un moyen de
combattre les démons toujours présents mais aussi une chance d’élévation
dans la société (il est souvent sollicité pour la réussite d’examens, ou
encore pour la recherche d’emplois). Comme le précise Monique AUGRAS qui se
pencha sur le culte à Saint Expédit au Brésil (et plus précisément à Sao
Paulo et Rio de Janeiro), les saints ont été « des gens comme nous, qui se
sont montrés totalement disponibles à la grâce de Dieu et par là sont
devenus des guides que tout bon catholique se doit de suivre » (M. AUGRAS
2001, 126). Les saints « normaux », c’est-à-dire ceux de l’orthodoxie
chrétienne, « n’ont aucun pouvoir. Proches de Dieu, ils peuvent lui
transmettre les appels des fidèles. Mais c’est Dieu seul qui peut les
exaucer. Autrement dit, les saints ont un simple rôle de médiateurs » (M.
AUGRAS 2001, 126). Il est donc clair que notre Saint Expédit n’est pas de
ceux-là et que sa capacité à agir dans les situations urgentes lui a permis
de perdurer en « hors-la-loi », ou plutôt en « justicier solitaire ».
Mais quelle est la nature de la
relation qu’entretiennent les dévots avec ces multiples représentations du
Saint ? Les observations de l’équipe de M. AUGRAS au Brésil la portèrent à
croire en une relation de type magique avec l’effigie : « C’est l’effigie
qui est porteuse de pouvoir. Le signifié disparaît au profit du signifiant.
Le sacré est réduit à un pouvoir magique, susceptible d’être manipulé selon
les exigences de désirs particuliers » (M. AUGRAS 2001, 128). L’avis de P.
REIGNIER sur le Saint Expédit de La Réunion se trouve tout à fait à l’opposé
de cette considération : « Saint Expédit n’est pas, ne
1 Selon l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Vatican II
manifeste une volonté réformatrice de mise à l’écart des conventions
désuètes mais également des superstitions et légendes. (Retour
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