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1. Hindouisme et créolisation
1.1. "Créolisation des
Indiens" et "indianisation des Créoles"
A La Réunion, où l’ensemble des
modèles culturels en présence a longtemps subi les pressions acculturatrices
et assimilatrices de l’administration française, les interactions continues
entre les différents groupes ethniques ont contribué – parallèlement à des
manifestations de résistance – à des phénomènes d’adaptation et de
reformulation. Ces phénomènes sont caractéristiques de ce que l’on a nommé
le « processus de créolisation ». La « créolisation », dans son acception
courante, est l’expression d’un principe assez simple : toute interaction
peut enclencher la création de quelque chose de nouveau. Il s’agit d’un
processus socioculturel qui selon U. HANNERZ « se développe dans des
contextes particulièrement propices » (C. GHASARIAN 2002, 666).
La « créolisation », comme nous l’avons vu lorsque nous
avons introduit le concept, n’est cependant pas une notion bien délimitée ni
possédant une définition unanime. Le terme « créole » lui-même connaît
plusieurs orientations. Comme le souligne J-C. C. MARIMOUTOU à propos des
Mascareignes, « Maurice et La Réunion ne sont pas créoles de la même façon
en raison d’une histoire différente, d’un rapport au lieu différent, d’un
rapport aux origines différent, d’un statut politique différent » (J-C. C.
MARIMOUTOU 2005, 127). Comme il l’explique, est considéré comme « créole » à
Maurice celui qui, descendant d’esclave ou ne trouvant pas sa place dans les
termes « officiels » communalistes de la république mauricienne
(franco-mauriciens, hindous, musulmans, chinois), ne peut revendiquer une
origine extra-insulaire. On se trouve donc ici dans une « construction par
défaut » : on est créole parce qu’on n'est rien d’autre (J-C. C. MARIMOUTOU
2005, 127-130). On peut cependant noter qu’à La Réunion, au début de
l’époque coloniale, le terme « créole » désignait toute personne née sur
l’île et qu’il fut ensuite attribué uniquement à ceux dont la peau était
blanche.
Le travail de construction identitaire qui débuta dans
les années 60 autour des notions de « créolité » ou de « réunionité »,
opposant le métissage comme trait positif à la volonté homogénéisante de la
métropole, visera essentiellement à donner au terme « créole » une
signification unificatrice basée sur la langue commune créole. «
C'est-à-dire, langue du lieu partagé, construite par et pour les besoins du
lieu (…) Seraient donc créoles ici tous ceux qui, soit sont nés dans le
lieu, soit ont une relation forte au lieu » (J-C. C.
MARIMOUTOU 2005, 130). Le terme « créole » autrefois réservé aux
expatriés blancs se réfère donc désormais plus souvent aux métis (1)
et aux personnes nées sur place. Selon C.A. CELIUS, « le mot créole n’a pas,
historiquement, une connotation ethnique ou raciale. Il renvoie d’abord au
milieu, au lieu de naissance, au fait qu’on soit né sur place, mais
d’ascendants étrangers » (C. A. CELIUS 1999, 89).
Un débat tout récent tente de distinguer la «
créolité », essentiellement basée sur la langue, de
la « réunionité » présentant une acception plus culturelle (au sens large),
mais ce n’est pas mon propos ici (2).
J’utilise donc ici la notion de « créolité », comme nous l’avons souligné
(cf. supra), en termes de création originale, d’apports et de
réappropriations typiques des sociétés pluriethniques. Nous verrons que cela
n’implique pas de fusion.
Voyons donc maintenant de quelle manière
l’hindouisme – et plus largement la culture
indienne – pénétra la culture créole participant ainsi à la « réunionité »
(M. SINGARAVELOU parle de « créolisation des indiens » et d’ « indianisation
des créoles »(3)).
Selon R. BASTIDE, « Les lois, si lois il y a, qui règlent le jeu des
interpénétrations, n’opèrent pas dans le vide : elles opèrent dans des
situations globales qui en déterminent et la forme et le contenu » (R.
BASTIDE, 1960 in J. BENOIST 1998, 264). La situation globale que nous
analysons ici est, dans le contexte de l’exploitation sucrière, celle de la
société de plantation fonctionnant uniquement sur une logique économique et
de différenciation ethnique. La situation des indiens y constitue en quelque
sorte un contrepoids grâce à la force symbolique que leur confère leur
religion et l’image puissante qu’elle donne d’elle. Cette présence
symbolique forte et la promiscuité avec la population créole furent les
éléments déclencheurs de ces croisements culturels créateurs de nouvelles
formes « créolisées » (BENOIST 1993, 1998 et BARAT 1989).
1 On peut pourtant se demander si son origine
espagnole (criollo) ne devrait pas justement le distinguer de
l’emploi, d’origine espagnole également, du terme « métis » (mestizos
du latin mixtus). (Retour
au texte)
2. Se référer à ce sujet
à l’ouvrage collectif « Identité et société réunionnaise. Nouvelles
perspectives et nouvelles approches » sous la direction de Françoise
VERGES (2005). (Retour
au texte)
3.
Titre d’une série de conférences données à Saint Denis dans
le courant de l’année 2005-2006.
(Retour
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