Interview
IR : Victoria
Siniavskaia, pouvez-vous tout d'abord vous présenter aux visiteurs de notre site ?
VS : Jai 23 ans. Née à
Moscou, jhabite actuellement à Paris. De par ma double nationalité jai
toujours ressenti le besoin de voyager, de partir au bout du monde, doublier le
quotidien, de vivre lexpérience des autres cultures : Mongolie, Chine ,
Inde
Jai été captivée par lAsie et jai inlassablement cette
idée folle de my évader.
IR : Qu'est-ce qui vous
a attirée vers la photographie ? Quelle a été votre formation ?
VS : Très jeune, jempruntais déjà le
vieil appareil reflex Canon de mes parents. Aujourdhui je termine des études en
cinéma. Jai toujours été passionnée par limage.
La photographie me permet dexprimer cette subjectivité du monde que
mon regard seul perçoit : beauté des formes, lignes abstraites et perspectives des
paysages urbains, visages et gestes figés dans une situation éphémère, une scène de
vie que je viens surprendre, dérober
Ma manière artistique se présente toujours sous la forme dune
extériorisation, dun dialogue entre ma personnalité et le monde qui
mentoure, dun besoin expressif qui se matérialise par un « discours
artistique ». Cest une façon de parler, de discuter la condition humaine, de
la faire surgir.
IR : Comment
concevez-vous la photographie : comme une démarche artistique, documentaire... ?
VS : Selon moi, la photographie est un tunnel de rencontres hasardeuses, un moyen visuel
authentique et subjectif.
Elle est documentaire de par son sujet car elle dit un lieu, un contexte, une
situation. Dans ce sens on pourrait même la qualifier de narrative. Mais elle se veut
artistique avant tout car elle existe dans sa forme particulière ( déterminée par son
cadrage, sa focale, son exposition
) à travers une démarche voulue, étudiée,
choisie. Elle devient un objet esthétique car sa mise en scène lui permet de prendre les
formes les plus diverses : elle dit le réel, elle le sublime, elle le dévalorise ou
lannule par labstraction. Dans ce sens, elle ne peut être aussi documentaire
quartistique car la photographie peut, dans un souci desthétisme, détruire
le réel auquel elle se rattache, le transformer, lembellir ou le négliger.
IR : Vous nous
présentez ici une série de clichés pris à Bénarès (Varanasi, Kashi) : dans quelles
circonstances ces images ont-elles été réalisées ?
VS : Ces images ont été réalisées lors dun voyage de plusieurs mois en Inde en
2003. Nous étions partis en mission de repérage en vue dun futur film
documentaire. Ces photos ont été prises au hasard des rencontres dans les rues de
Varanasi.
IR : Que faut-il voir
"à travers" ces photos ? Pourriez-vous proposer quelques commentaires ?
VS : Ces photos racontent la vie quotidienne. Elles prolongent léphémère des
situations surprises par le regard. Elle figent lagitation incessante de la ville,
immobilisent le mouvement fluide des couleurs. Jai voulu à travers ces images
transmettre linexplicable intensité des émotions que fait naître Varanasi.
Seules les situations banales pouvaient restituer cette force car cest
bien elles qui habitent la ville, qui la rythment, qui la décorent.
IR : Quelle impression
cette ville a-t-elle faite sur vous ? Qu'en retenez-vous ? Vos photos vous semblent-elles
exprimer l'essentiel de ce que cette ville a pu vous inspirer ?
VS : Arriver dans une des mégapoles indiennes
cest subir le choc du rythme, lexpérience insolite de la densité humaine,
des bruits et des odeurs.
A Varanasi, tous mes repères spatiaux seffondrèrent.
Lorganisation urbaine, les mouvements de foule, sorte dimpulsion hallucinante agitèrent mes sens, ne me laissant aucun
moyen de saisir ce réel, de le décrypter.
Lagitation de Varanasi est unique. La ville semble échapper au temps,
fuir le monde. Elle me passionne. Mes photographies ne sauraient expliquer ce vertige,
elles le suggèrent, lui rendent hommage.
IR : Avez-vous eu
l'occasion de faire des photos ailleurs dans le monde indien ? (si oui : où, quand ?)
VS : Jai pour projet une exposition de
photos noir et blanc prises dans le village de Jasol dans le Rajasthan. Nous y sommes
restés plusieurs semaines car un ami indien y habitait, dans un temple. Nous y vivions au
rythme des habitants, prenant part à toutes leurs activités, nous laissant porter par
leurs habitudes, leur quotidien.
Jai immortalisé certaines rencontres, certains regards. Il me semble
quon peut y déceler cette atmosphère chaleureuse, cette intimité que nous avions
avec la population.
IR : Pouvez-vous nous
parler des expositions que vous avez eu l'occasion de présenter sur l'Inde ? Comment vos
photos ont-elles été perçues ?
VS : Lexposition « Que dun oeil : lInde » ( Centre
culturel franco-russe Ostrovok à Paris ) réunissait en octobre dernier une série de mes
photos en noir et blanc ainsi que les oeuvres en couleurs de la photographe Tatiana
Zelenina.
La mise en scène, véritable dialogue du noir et blanc avec la couleur,
jouait sur limpression du contraste, évoquait à la fois lInde éternelle,
immuable, et lInde contemporaine.
Le public, éclectique, nostalgique du pays continent et amoureux de
limage percevait lexposition comme un pont imaginaire entre deux cultures, une
rencontre utopique, un carrefour de regards croisés.
IR : Quels sont à
présent vos projets ? Avez-vous envisagé de venir exercer votre talent à la Réunion,
par exemple autour du thème indo-réunionnais ?
VS : Jenvisage de retourner en Inde cet été pendant la mousson. Partir dans le
sud, à Madras, Hampi, dans le Kerala
Jaimerais aussi visiter les sources du
Gange, suivre le fleuve sacré jusqu à Varanasi
Mais il est impossible de
prévoir un voyage en Inde : tout simprovise au hasard des rencontres. Tout est
là pour nous surprendre
Quant à la Réunion, jai depuis longtemps eu lenvie de my
rendre sans quune véritable occasion se présente. Il me semble maintenant que je
pourrais y retrouver une parcelle de
« lâme indienne ».
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