VPV
: Aujourd’hui, je pratique
plusieurs disciplines artistiques, le cinéma, la photo, la musique (DJ), la
danse et la poésie, mais toutes ces expériences sont venues plus tardivement,
alors que j’ai toujours peint. Depuis ma petite enfance, j’ai toujours été
intéressé par la couleur. Même maintenant, s’il m’arrive d’oublier le dessin et
la peinture, ils ne me laissent pas les oublier longtemps. Dès que je me suis
intéressé à la couleur, j’ai eu envie de dessiner. J’ai débuté avec mon père,
Mr. V. Poopalasingham, qui dès le début, m’a acheté du matériel de qualité. J’ai
continué à l’école maternelle avec Mrs. Indra, puis au Mahajana College avec mon
premier professeur de dessin Thiyagaraja Master, et ensuite à Colombo au Hindu
College avec mes professeurs Lalitha Nadaraja et Mr. Thayabaran. En suivant
leurs conseils, j’ai participé à toutes les manifestations artistiques
organisées pendant les années d’école. J’ai continué mes études supérieures à
Chypre, où j’ai eu la grande chance de rencontrer Mr Glyn Hughes, avec lequel
j’ai participé à ma première exposition collective en novembre 1997. C’est le
fait de travailler avec lui qui m’a fait ressentir pour la première fois le fait
d’être un artiste, même si au début ça me faisait un peu peur. J’ai fait ma
première exposition solo à Paris en juin 2004, la deuxième la même année, et
depuis j’ai pu exposer chaque année avec du travail nouveau.
Je continue encore aujourd’hui.
Mes amis ont commencé à
m’appeler un artiste, je ne me sentais pas vraiment comme tel, mais ça me
faisait plaisir de leur montrer mon travail, et aujourd’hui je pense que je peux
vraiment me considérer comme un artiste, même s’il faut toujours que je continue
à travailler. Le temps répondra à la question de savoir si je peux vraiment
m’appeler artiste ou pas.
IR : Est-ce que vous avez suivi une
formation ou des cours ?
VPV : Oui, et tous mes professeurs
m’ont beaucoup appris, mais la formation la plus précieuse pour moi a été mon
temps avec Mr Glyn Hughes, au cours duquel j'ai pu travailler avec lui, dans son atelier, pendant
presque quatre ans.
IR : Quels sont les artistes que vous
admirez ?
VPV : Comme tout le monde, j’adore la
nature, qui a été ma première source d’admiration. Je ne peux pas dire que
j’aime un artiste, ça dépend plus du thème de son travail que de la personne
elle-même. Bien sûr, j’aime énormément les grands peintres de la nature, Van Gogh, Monet...
IR : Qu’est-ce qui vous inspire ? Est-ce que votre pays est une source d'inspiration ?
VPV : Je puise mon inspiration dans la
nature, qui est partout, et de mes amis, qui sont partout. J’ai vécu dans trois
pays, ayant des atmosphères, des langues et des cultures différentes qui me
donnent des idées nouvelles pour mes tableaux, mais évidemment, je ne peux pas
oublier mon pays natal, avec sa nature si verte. Je travaille sur beaucoup de
toiles avec ceci en tête. Pour moi, Chypre est une île bleue, avec la mer
toujours proche. Paris m’a donné la chance de voir beaucoup d’œuvres de maîtres,
et l’atmosphère de la France m’inspire aussi beaucoup.
IR : Si vous regardez vraiment à
l’intérieur de vous-même, pouvez-vous dire pourquoi vous peignez ? Qu’est ce que
cela vous apporte ?
VPV : Comme je viens de le dire,
j’adore les couleurs et la peinture, et il faut que je peigne dès que j’en ai
envie. Quand j’ai terminé, j’ai l’impression d’avoir donné naissance à un
enfant. Mes sujets principaux sont la nature : les paysages, les oiseaux,
poissons, papillons, animaux... En grandissant, j’ai réalisé que même quand je
suis en colère j’aime jeter des couleurs sur une toile pour me calmer. Certaines
de mes toiles évoquent les problèmes dans le monde et la façon dont les gens
doivent se battre pour survivre, comme la guerre civile au Sri Lanka. C’est
surtout la souffrance des étudiants et des orphelins qui me touche.
IR : Pourquoi avez-vous décidé de
venir vivre en Europe ?
VPV : Après mes études à Chypre, je
suis rentré et je voulais vivre dans un pays où je pouvais poursuivre ma
carrière artistique de la meilleure façon, donc j’ai beaucoup réfléchi à ce
sujet.
IR : Est-ce facile d’être un
artiste sri lankais en France ? Comment votre travail est-il considéré ? Vous
considérez-vous comme un artiste sri lankais, un artiste tamoul, ou un artiste
tout court ?
VPV : Les deux guerres mondiales ont
vraiment démoli le pays, mais néanmoins, plusieurs artistes connus ont vécu en
France, et plusieurs artistes étrangers sont venus s’établir en France. Les
Français sont ouverts à beaucoup de formes artistiques, et à partir des commentaires que
je reçois dans les livres d’or de mes expos et sur mon site web, je vois les
impressions de ceux qui aiment mon travail, quelles que soient leur origine et leur
culture, donc ce n’est pas difficile pour moi d’être un artiste sri lankais en
France. Tout ceci me fait penser que je peux progresser. C’est cela qui me fait
sentir que je suis un artiste.
IR : En tant qu’artiste ou individu, pouvez-vous nous donner un message sur
la tragédie qui frappe le Sri Lanka, cette guerre qui fait rage à nouveau dans le pays ?
VPV :
Vous avez raison, il y a une guerre
civile depuis maintenant presque 50 ans dans notre pays, qui est depuis peu
encouragée par les puissances militaires mondiales pour tester leurs armes
(comme la situation dans certains pays d’Afrique par exemple), et qui affecte
particulièrement les jeunes et les étudiants au Sri Lanka. Il faut que ça se
termine d’une façon ou d’une autre, les gens sont fatigués de souffrir et
plusieurs meurent chaque jour. J’espère que ça s’arrêtera bientôt.
IR : Est-ce que vous savez qu’il y a de
nombreux descendants de Tamouls à la Réunion ? Aimeriez-vous exposer là-bas ?
VPV :
Bien sûr que je sais qu’il y a des Tamouls à La Réunion et aussi à Maurice,
comme dans les Caraïbes et même en Extrême-Orient. Aujourd’hui, après le début
de la guerre civile, il y a des Tamouls partout dans le monde, surtout en
Europe, au Canada et en Australie. Il y a même une nouvelle génération de
Tamouls née à l’étranger. Pour revenir à La Réunion, bien sûr que j’aimerais
exposer là-bas, mais c’est difficile d’organiser d’aussi loin. En fait, une de
mes toiles préférées, « Apsara5 » se trouve dans une collection privée à La
Réunion. J’ai aussi le projet d’avoir une expo en Guadeloupe
avec Jean S. Sahaï.
IR : Quels sont vos autres projets
pour l’avenir ?
VPV : D’une façon ou d’une autre, je
suis toujours occupé par des activités artistiques, et je sens que je peux
continuer à avancer sur cette voie.