Interview
IR : Dans le cadre
des manifestations culturelles entourant le Dipavali 2001, vous avez donné une
conférence sur le thème "les espaces religieux de cultes tamouls à la
Réunion". Le public a ainsi pu vous découvrir, mais pourriez-vous à présent vous
présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ?
LS : Outre mes activités universitaires, jai été amenée à connaître diverses
expériences professionnelles. Après mon Bac, jai effectué des piges comme
correspondante de lEst pour lagence de Saint-Benoît du Journal de lIle
de la Réunion. Une expérience qui a contribué à me confronter au monde professionnel,
économique, financier, sportif et social. Jai pu ainsi, par mes articles, valoriser
mon île. À la fermeture de lagence, jai repris mes études. Sondage au
téléphone, surveillante de concours administratif, maîtresse dinternat,
fleuriste, animatrice de centre aéré, tutrice culturelle, coordonnatrice du village de
la recherche lors de la semaine de la science
autant de petits boulots saisonniers
qui mont permis daider ma mère et dacquérir des expériences et une
maturité.
Par ailleurs, je me suis rendu compte que les droits des étudiants étaient
bafoués et que des informations primordiales et indispensables à la réussite de leurs
études et à leur épanouissement étaient souvent oubliées. Je me suis présentée à
lélection des représentants des doctorants. M. Laurent Hoarau, doctorant en
Histoire et moi-même au sein dun conseil composé de collèges représentatifs du
monde universitaire, avons participé à la mise en place de la première école doctorale
de lUniversité de La Réunion. Le chantier des travaux contribuant à rendre cette
école plus performante nest quà ses prémices. Notre mandat, de courte
durée dans cette nouvelle instance, sattèle à la mise en place de projets à
court terme et à privilégier le côté juridique, garant dune école qui
sinscrira dans la pérennité.
LUniversité doit, outre son instruction pédagogique et
intellectuelle, apporter à létudiant des perspectives sportives, culturelles,
humaines
Les étudiants ont montré leur attachement à la mise en place de
représentants au sein du CEVU, en décembre dernier. Au vu de leur confiance,
jespère avec laide des membres
de la liste d'"Etudiants 2000" , notamment M. Fabrice Léger, uvrer à la
valorisation, à la démocratisation et à une plus grande ouverture des étudiants aux
activités culturelles et para-universitaires.
Depuis deux ans, jessaie de me
familiariser avec le monde financier et bancaire. Élue administratrice de la Société
Locale dEpargne (SLE) de la Caisse dEpargne, jessaie de défendre et
dinformer au mieux les sociétaires qui ont fait confiance à cette société
bancaire.
Malheureusement, ces actions bénévoles
ne sont pas ponctuelles pour certaines et les projets séchelonnent sur une trop
longue durée à mon goût et prennent du temps pour aboutir.
IR : Quest-ce
qui a déterminé le choix du thème de vos travaux de recherches ?
LS : Contre toute attente ce thème na pas été laboutissement dune
intense réflexion mais plutôt le fruit du hasard. Étant fière de ma commune natale
Saint-André, je souhaitai ardemment lors de ma maîtrise traiter dun sujet relatif
à ma ville. La trame urbaine, la mise en place du centre-ville, le réseau routier, le
zonage agricole
autant de thèmes qui avaient été travaillés par mes
prédécesseurs. Mon département souhaitant élargir le domaine de la géographie
humaine, mon directeur de mémoire, me conseilla détudier les espaces religieux
catholiques, musulmans, tamouls, et protestants.
Létude étant sanctionnée au bout dun an par un diplôme et
manquant de temps, je me suis cantonnée à létude des espaces tamouls. Appartenant
à la communauté tamoule, ayant un grand-père, André Savaranin, ancien président du
temple Siva-Soupramanien de Saint-André, prêtre et cuisinier, les portes des temples
tamouls et des maisons me furent grandes ouvertes Ayant moi-même travaillé comme
pigiste, javais tissé un réseau de relations important qui ma facilité la
tâche.
Le Dipavali 2001 ma offert le cadre de ma première conférence par
lintermédiaire de M. Marcel Moutoucomorapoullé, homme de Lettres et
dHistoire, fervent passionné et de M. Bruno Gangnant de la mairie de Saint-André.
Cette toute première conférence ma permis de soumettre au grand public un certain
nombre dhypothèses qui sont actuellement en cours de vérification avec des études
de cas de temples sur le terrain.
Mais elle a été surtout
lopportunité de rendre hommage à mon grand-père (maternel) André Savaranin qui
ma élevée dans la culture tamoule et dont je suis fière aujourdhui de
contribuer au rayonnement. Pour moi, continuer à travailler dans ce domaine est une sorte
de réincarnation de son travail pour la communauté. Transmettre et permettre la
perpétuation dun patrimoine grâce à mon travail décriture, même sil
nest pas exhaustif, renforce mon sentiment dappartenance à la communauté de
mes ancêtres, même si jai grandi dans une société créole fortement marquée par
les influences françaises et européennes.
IR : Comment, dans les grandes lignes, se sont déroulées ces recherches ?
LS : Les sources bibliographiques sont rares à la Réunion et les lieux de recherches
sont vite épuisés. Médiathèques, bibliothèques publiques, universitaires et privées,
fonds documentaires, archives départementales et Internet sont des lieux où les ouvrages
en la matière sont rares. En effet, jusquà présent les temples ont été
étudiés sous un angle anthropologique, littéraire (auteurs français et anglais),
historique mais très peu géographiquement. Des géographes comme Messieurs Brunet, Defos
du Rau, Lefèvre, Jauze, Fontaine, Singaravelou, Claval
, ont abordé parfois
sommairement le thème ou un des éléments entrant dans létude de
limplantation des temples.
Dautres disciplines avec M. Benoist, M. Barat, Mme. Callandre, M.
Cherubini, M. Danielou, M. Eve, M. Fuma, M. Lacpatia, Mme. Labache, Mme. Lavaux, Mme.
Marimoutou, M. Santa Govindin, M. Vaxelaire,
ont vu la naissance décrits en
la matière.
Dans ma discipline, depuis quelques années, avec une volonté universitaire
de sorienter vers une géographie plus humaine que physique, des étudiants
sattèlent à étudier les temples hindous, les familles musulmanes, les églises,
les fêtes religieuses
Pour linstant, je suis, hélas la seule à préparer
une thèse sur le sujet ( après consultation
de la liste des Thèses-DEA-Maîtrise du service publication de lUniversité de la
Réunion ). Dommage, alors quil y a tant à rechercher.
Avant moi, Mlle Oumana, étudiante en maîtrise avait travaillé sur
"les espaces festifs hindouistes à lîle Maurice". Dans les disciplines
de lethnologie, langlais et la littérature, les étudiants ayant traité un
sujet quelconque en rapport avec lhindouisme, sont plus nombreux.
Les recherches bibliographiques faites, restent les investigations de terrain
qui demeurent le moyen le plus sûr de collecter des informations : une mine de
renseignements aidée par ma perception personnelle et universitaire. Outre le terrain de
lîle de la Réunion, jai pu me confronter à celui de lîle Maurice et
du Sud de lInde. À la fois complexe et fascinant, limbroglio que forment ces
temples ma permis de mieux cerner le cas de mon île et de déduire une
spécificité réunionnaise ancrée dans le localisme créole.
Toutefois, la vision du chercheur est confrontée à un détournement
dinformations de la part de mes interlocuteurs parfois sciemment et, dautres
fois, de façon non intentionnelle. Quelle doit - être ma position de chercheur face à
cette situation ? Que doit être ma déontologie ?
IR : Y a t-il des faits saillants ou surprenants ou encore des anecdotes qui
ont plus spécialement retenu votre attention au cours de vos enquêtes sur le terrain et
dont vous gardez un souvenir particulier ?
LS : Létude des temples ma permis de découvrir des histoires sympathiques et
mystiques pour certaines, mais bien souvent différentes selon linterlocuteur. Le
dieu Ganesh sis devant le temple de Ravine-Creuse est le seul dieu de lEst à être
placé sur la route. Lhistoire raconte que la pluie aurait façonné une grosse
pierre semblable au dieu à la tête déléphant. Dautres interlocuteurs
racontent que des engagés indiens avaient taillé ce rocher de plusieurs tonnes (on ne
voit quune partie émergée de la statue) dans le champ dans lequel ils
travaillaient et que par la suite voulant le déplacer pour le bord de mer à quelques
kilomètres, ils le mirent sur une charrette. La roue de la charrette se cassa à son
emplacement actuel. Sans moyens mécaniques, et malgré le nombre dhommes, ils ne
purent le déplacer. Quelques années plus tard, avec larrivée des tracto-pelles,
les descendants de la canne à sucre ont voulu à nouveau le déplacer. Toutes les
machines se cassèrent et les ouvriers eurent des accidents ou tombèrent malades.
Dans le même temple, la déesse Pandialee de temps en temps verse des larmes
selon les gramounes ( personnes âgées ) du coin. En
fait une source jaillit dans le temple principal et le sol est recouvert deau
faisant penser aux fidèles que la déesse a pleuré.
Telle déesse jetée en Inde et retrouvée des mois plus tard sur le rivage
réunionnais, telle divinité invoquée pour éviter un naufrage, telles autres emmenées
sur lîle pour la guérison dun mari
, autant de faits mystérieux qui
émaillent lhistoire de ces lieux de rite. Tous les temples ont leurs petites
histoires personnelles réelles ou inventées et passées pour certaines dans le domaine
du patrimoine écrit et oral.
IR : Pour évoquer
davantage le fond de vos travaux et de votre réflexion, quels grands enseignements
tirez-vous au sujet des espaces religieux tamouls à la Réunion ?
LS : Un des plus grand enseignement a
été que, sous ce qui est apparent résident des aspects non-visibles et sous ce que
lon connaît ou qui est dit, se cachent des non-dits. Les temples et leurs rites
foisonnent de merveilles à la fois visibles et à la fois à peine perceptibles, voire
cachées que ma condition de chercheuse me met dans l'obligation de décrypter. Il me faut
développer des aptitudes découte et de réflexion. Nos gramounes et les
passionnés de lhindouisme sont des mines dor et des bibliothèques ambulantes
dont la richesse est inestimable. Hélas parfois, je ne vois pas ces subtilités et fort
heureusement les amis et anonymes maident à les comprendre.
Il est problématique pour un chercheur détablir des hypothèses alors
que les données orales sont les seules archives dont on puisse disposer sur le sujet. Les
archives écrites et les sources livresques sont rares et non identifiées pour certaines.
Il est bien évident que lon a sa perception du terrain, son cursus de géographe,
ses références de lectures et les interviews qui permettent de faire la part des choses.
Mais quel est le pourcentage de véracité, quel est le pourcentage de faux ?
A partir des données et des informations récoltées peut-on déterminer une
classification de ces espaces religieux ? Doit-on se cantonner aux temples où
lon fait les sacrifices ou à ceux qui sont végétaliens ? Doit-on réduire la
classification à la seule équation un temple = un dieu ? Peut-on élaborer une
typologie de temples ? Quels seraient alors les critères ?
Autre enseignement : la tolérance et
lhumilité.
Je serai quelque peu virulente mais outre leuphorie et la passion pour
une étude, on en tire quelques leçons négatives. Létude de lhindouisme est
tellement vaste que lon ne peut en toute une vie tout connaître. Souvent, certains,
sous prétexte quils ont quelques connaissances, se vantent et humilient ceux qui
veulent contribuer à la connaissance du patrimoine réunionnais.
Le monde malbar est un milieu ouvert mais aussi fermé. Certaines personnes
par mesquinerie et méchanceté ne veulent pas aider à la valorisation et à
louverture du patrimoine hindou réunionnais sous des prétextes fallacieux. Bon
nombre détudiants travaillant sur le même sujet, ont dû abandonner. À mon sens,
il est dommage de senfermer, dans un monde pourtant connu pour ses valeurs de
partage et de générosité. Trop en divulguer risquerait dentraîner la perte de
certaines valeurs. Mais il faut trouver le juste milieu pour les générations à venir.
La nécessité de disposer des repères et de pouvoir sappuyer sur un patrimoine
écrit est indispensable au progrès dune société.
Je profite de ce que lon évoque
laide de certaines personnes pour remercier tous les présidents de temple,
prêtres, membres dassociation, pénitents, fidèles, politiques, amis et anonymes
qui m ont aidé dans ma tâche. Quils trouvent dans la réalisation de
mes travaux mes vifs remerciements et mon éternelle reconnaissance.
IR : Pouvez-vous expliquer et justifier le choix de ce mot "tamoul"
plutôt que dautres, tels que "malbar" ou "hindou" ?
LS : Dès ma première étude, je me suis
"heurtée" à létymologie des mots "malbar",
"hindou", "indien" et "tamoul" qui suscitent de vives
réactions en fonction de mes interlocuteurs. Certains Réunionnais sont susceptibles
quant à lemploi du terme, avec par exemple le mot "Malabar" ou
"malbar" qui est associé à une idée péjorative de petits noirs. Nayant
pas suffisamment de références pour choisir le terme exact, jai pris la décision
de tous les utiliser indifféremment, sans forme de discrimination. La Réunion est une
île de démocratie et de tolérance et se bagarrer pour un mot ou pour un autre me
paraît absurde. Revendiquer son appartenance à travers un mot est important mais cela ne
doit pas constituer une obsession, car la revendication dune identité représente
une démarche plus globale.
Dans mon mémoire de maîtrise (page 106-107-108) et celui de DEA (page
30-31), jai pu évoquer les définitions et les opinions de plusieurs auteurs tels
que Roger Brunet, Paul Claval, Christian Barat, Firmin Lacpatia, Lucette Labache,
Singaravelou, Jean Benoist, Florence Callandre, Daniel Vaxelaire, Catherine Lavaux
ainsi que des dictionnaires créoles ou encyclopédies traitant du sujet et des
chercheurs, étudiants et fidèles de la communauté. Aidée de ces idées, jai
toutefois opté pour lemploi de tous les termes et je ne veux pas me positionner
pour lun ou pour lautre.
IR : On fait souvent une différence importante, à la Réunion, entre grands
temples urbains dune part et dautres part temples familiaux, temples
populaires et autre "sapèls". Cette différenciation vous paraît-elle
pertinente et justifiée ?
LS : (voir exposé sur les espaces religieux de cultes tamouls, aux Editions Virtuelles Indes
réunionnaises)
IR : Avez-vous eu loccasion de vous interroger sur les similitudes et les
différences qui peuvent exister concernant le thème de vos recherches - entre le
cas réunionnais et ce qui existe ailleurs, notamment en Inde, à Maurice, en Afrique du
Sud, aux Antilles
? Si oui, quelles sont les grandes lignes de vos conclusions ?
LS : Je nai pas suffisamment de recul, de lecture douvrages et
dinvestigations de terrain pour démontrer que les espaces religieux de culte
tamouls sont différents ou similaires avec une argumentation fondée sur des éléments
solides. Toutefois de ma perception personnelle du terrain et de mes quelques lectures, je
déduis quil existe des différences mais aussi des similitudes dont on ne peut
faire abstraction comme les mêmes dieux, les mêmes rites
Elles sont toutefois
empreintes dun localisme différent pour chacune des îles et même pour le
continent indien.
La Réunion présente une spécificité locale, ancrée dans une société
créole, dîle française et dune zone ultra périphérique européenne. Même
si la religion vient de lInde, elle a subi des mutations qui conduisent à la
naissance à la Réunion dune nouvelle donne. Même si, grâce à louverture
des frontières avec lInde aujourdhui, les petits-fils de ces travailleurs du
sucre ( dont les ancêtres ont été pour certains engagés pour
dautres enrôlés ) se rapprochent du culte de lInde par les livres, la culture,
les swamis
, il nen demeure pas moins que leurs gestes leurs pensées, leur
vécu, traditionnels, se retrouvent cependant à un moment ou à un autre dans les
nouveaux rites ou constructions. Souhaitons que la Réunion narrive pas à la
situation de conflits extrême entre ceux qui sont pour la conservation du patrimoine et
du culte traditionnel et ceux qui sont pour le modernisme.
IR : Avez-vous eu même loccasion de vous interroger sur le regard porté
par les autres Réunionnais sur les lieux de culte tamouls ? Si oui,
quavez-vous constaté ?
LS : Le regard porté par les autres communautés est complexe puisquil est à fois
admiratif, respectueux et craintif. Généralement, les personnes des autres grandes
communautés de la Réunion à savoir les Créoles, les Chinois, les Musulmans, les
Métropolitains et les Comoriens sont admiratifs de larchitecture et du gigantisme
des temples sculptés de divinités très colorées. Le foisonnement à lintérieur
et à lextérieur prête à confusion puisque pour les autres, cette multiplicité
pose le problème de la vénération de tous ces dieux. Selon leur perception, on ne voit
quun seul visage principal dans les autres religions, et dans lhindouisme
plusieurs dieux. Les prie-t-on tous ou y en a-t-il un qui se détache ? sinterrogent
les autres communautés. Les processions sont tolérées par les automobilistes qui
patientent volontiers sans trop sénerver. Les commerçants à proximité des
espaces de rite, dont les parkings sont pris dassaut par les fidèles, prennent leur
mal en patience. Toutefois il existe des rites, à limage des cérémonies dans les
croisées de chemins ou dans les cimetières, qui sont perçues par les autres
communautés comme des pratiques de sorcellerie et surtout liées à la communauté
indienne. Alors que les autres groupes communautaires et des personnes en marge de telle
ou telle religion, font eux aussi des rituels obscurs dans les mêmes lieux, on ne les
pointe pas du doigt en premier.
La culture occidentale nadmet pas le sacrifice.
Couper la tête dun animal semble barbare et le carême ( qui est aussi pratiqué dans les autres
communautés par exemple chez les chrétiens pour Pâques ), une souffrance de
lâme absurde. Ces rituels sont mal perçus par les autres groupes communautaires.
Néanmoins, certaines pratiques se rapprochent de celles des autres
communautés. Par exemple chez les Chinois, on utilise de lencens, des lampes à
huile lors de la prière. Certaines pratiques se ressemblent comme la vénération des
morts, le repas des défunts.
IR : Pour sortir du cadre de vos travaux, quelle est votre opinion sur la place
actuelle et lévolution possible de la religion hindoue (ou tamoule ?) à la
Réunion ? Vous semble-t-elle vouée à se développer, se transformer, oublier ses
aspects populaires, ou au contraire les valoriser ?
LS : Incontestablement, lhindouisme réunionnais a subi des mutations. Les
paramètres économiques, sociaux, humains, historiques et financiers de lîle ont
contribué à façonner une religion spécifique à lîle. Elle a évolué dans le
temps, sans conteste. Dune part, au niveau architectural puisque dune
paillote, le lieu de culte sest transformé en gigantesque temple de style
dravidien.
Les fêtes et leurs processions célébrées auparavant dans lanonymat
sont aujourdhui fastueuses et libres. Les rites, les objets de culte, les tenues
vestimentaires, les mets culinaires, la culture avec lapprentissage de la langue, du
chant et de la danse
, ont progressé pour certains au détriment du patrimoine
historique et de certaines valeurs.
Louverture des frontières, la facilité dobtention des papiers
administratifs, les nouvelles liaisons aériennes, de meilleurs contacts avec
lapprentissage de la langue, les échanges politiques et pédagogiques sont autant
de facteurs qui influencent le processus de développement et de transformation de
lhindouisme réunionnais.
Sappuyant sur ces différents facteurs, la religion malbar ne peut
quévoluer vers un stade supérieur. Les fidèles ont une place prépondérante à
prendre au sein de la société réunionnaise. La présence de la religion hindoue
constitue un élément du métissage et participe à lunité de lîle, à sa
cohésion humaine et culturelle, à partir de ses apports originaux. À lheure où
des peuples se font la guerre à cause de la religion, lhindouisme réunionnais au
même titre que les autres religions de lîle est la preuve que la tolérance et
lentente humaine ne sont pas une utopie.
La communauté doit sémanciper en participant à lémergence de
nouvelles idées tout en conservant les acquis patrimoniaux. Les liens intracommunautaires
se relâchent réduisant la tradition à des sentiments dégocentrisme où le
cloisonnement et la division gagnent du terrain.
IR : Selon vous, la culture de la communauté indo-réunionnaise
existerait-elle sans sa dimension religieuse ? Hormis le fait religieux, quest
ce qui caractérise selon vous cette culture indo-réunionnaise ? Et dans quelle
mesure est-elle intégrée à la culture créole, ou à la culture réunionnaise tout
court ?
LS : La spiritualité est un facteur
essentiel au rapprochement des hommes, à la connaissance de leur culture, de leur
identité et de leurs rituels. Toutefois, elle nen est quun élément. Car ce
sont les racines de lInde, lhistoire, la culture et lHomme lui-même qui
contribuent au rayonnement et à lexistence de la communauté indo-réunionnaise.
Cette dernière est riche déléments comme son histoire, sa littérature, ses
monuments, sa civilisation, ses activités artistiques avec la danse, le chant et la
musique classique, folklorique, lart plastique et audiovisuel, le yoga, la
méditation
qui sont autant dinterfaces contribuant au rayonnement de la
culture indo-réunionnaise.
Aux prémices de linstallation indienne en terre bourbonnaise, la
communauté a été profondément déstructurée au contact des autres individus
déracinés et de la société créole colonisée. Aujourdhui, on peut parler de
communauté indo-réunionnaise, de plus en plus affirmée, qui tente de se rassembler
autour de ses lieux de culte et rituels et de sa culture, influencée à mon sens par des
facteurs externes comme le métissage des populations, des cultures mêlées et
louverture de lîle vers la zone océan Indien et les continents.
IR : Pour terminer, avez-vous dautres projets liés aux cultures
indo-réunionnaises ?
LS : Toutes mes nouvelles missions de représentante (EDI, SLE, USKIR et CEVU) dans
lesquelles je me suis récemment engagée me laissent très peu de temps pour autre chose
que la préparation de ma thèse. Il me tient à cur pour linstant
dapprendre et de me former pour défendre les dossiers et projets et surtout
protéger et assurer le droit des actionnaires, étudiants et personnes civiles qui
mont fait confiance. Ne bénéficiant pas daide financière, je dois effectuer
des petits boulots pour financer mes études. Ce qui me laisse peu de temps.
Toutefois, je participe et me tiens à disposition des personnes qui ont
besoin de moi dans le cadre dune exposition, dun spectacle, de la préparation
dune conférence
Nota : Remerciement particulier pour M. Jean-Paul CIRET,
professeur dhistoire géographie, mon correcteur. |