Interview
AC : Bonjour, je suis danseuse, chorégraphe et professeur de
Bharatanatyam en région parisienne. J’ai commencé la danse classique à l’âge de
cinq ans et je me
suis ensuite passionnée pour la danse indienne, plus particulièrement le Bharatanatyam.
AC : J’ai découvert le Bharatanatyam
vers l’âge de douze ans et
j’ai aussitôt été attirée par cet art. Ce sont avant tout les rythmes qui m’ont fascinée et puis
j’étais pleine d’admiration devant la richesse des costumes. Bref, j’ai tout de
suite adoré ! Par la suite j’ai trouvé dans la danse indienne une
dimension spirituelle qui est essentielle. C’est un art qui relie le corps et
l’esprit. J’ai étudié le Bharatanatyam pendant plus de quinze ans à Paris
et également en Inde. En 2003, j’ai passé mon Aranguetram (consécration de la
danseuse pour son premier récital) et j’ai ensuite suivi la formation en chant,
nattuvangam et pédagogie pour l’enseigner.
AC :
Salangaï est avant tout une pièce dansée en duo. Il s’agit
d’une histoire qui a pour thème principal la danse et dont les personnages vont
vivre une histoire d’amour « impossible »... Je n’en dis pas plus ! Je tiens le rôle de Sumadi, une jeune danseuse de
Bharatanatyam issue d’une famille riche.
AC : Sumadi est un personnage qui n’a jamais connu de malheur,
son parcours est très lisse et son avenir tout tracé. Cependant, elle rencontre
Madu, un garçon de quartier, interprété par Radja Basté, et cela va bouleverser
sa vie... Elle va découvrir la réalité du monde, la société, cela
entraînera en quelque sorte sa révolte contre l’ordre établi.
Pour moi c’est ça qui est attachant ! Elle ne reste pas
avec ses idées préconçues, comme quoi chacun doit rester à sa place, etc. Elle
change et devient beaucoup plus « humaine » à partir du moment où elle rencontre
Madu.
AC : Avec Radja Basté, danseur de jazz et de danse classique
occidentale, notre idée de départ n’était pas tant de faire une fusion que
d’utiliser le moyen d’expression qu’est la danse pour nous exprimer. Comme nous
sommes tous deux issus de différentes cultures, lui, indien de Pondichéry qui
a étudié les danses occidentales, moi, métisse franco-indienne et danseuse de Bharatanatyam, tout naturellement nous avons lié ces différentes formes
artistiques reflétant notre parcours pour créer des chorégraphies qui nous
ressemblent.
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IR : Cette fusion se fait-elle naturellement, lors de la
création chorégraphique et lors de l'exécution, ou demande-t-elle un travail
important pour harmoniser ces formes. Existe-t-il des affinités "naturelles" en
quelque sorte, par exemple entre le jazz et la danse indienne, qui facilite
cette osmose ?
AC :
La création chorégraphique s’est faite très naturellement, ayant moi-même
étudié la danse classique pendant dix ans et Radja, le Bharatanatyam en Inde, nous nous sommes très bien entendus sur le plan
artistique.
La différence entre le Bharatanatyam et le jazz, ou la
danse classique occidentale, c’est que la danse indienne est ancrée dans la
terre, avec sa position de base en demi plié, ses frappés... tandis que le jazz
et la danse classique sont beaucoup plus aériens. De mon point de vue, c’est ce
qui fait la beauté de l’alliance entre ces styles.
Au-delà de ces différences, il y a également beaucoup de
points communs, comme les déplacements, les sauts, ou encore les passages au
sol. Certains disent même que le jazz doit beaucoup à la danse indienne, par
exemple dans l’utilisation des bras !
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IR : Au-delà de la dimension purement artistique du spectacle,
le scénario que vous avez élaboré semble proposer une sorte de message social :
est-ce bien ainsi qu'il faut le comprendre ? Si oui, quel est ce message ?
AC : Tout
à fait. Pour nous le scénario est quelque part une
excuse pour faire passer un message beaucoup plus profond. Ce message est
transmis à travers la danse, comme nous venons d’en parler précédemment, à
travers le métissage de différentes formes artistiques, et grâce au scénario
nous avons tenté de montrer qu’au-delà de la lutte des classes, que ce soit en
Inde, en France, ou n’importe où dans le monde, l’art ne connaît pas de
frontière, au contraire il est universel.
AC :
"Salangaï" désigne les grelots que porte la danseuse de
Bharatanatyam. Ce choix de titre vient d’abord de la beauté du mot !
« Salangaï » est aussi le nom de l’école de danse où Sumadi a appris le
Bharatanatyam... Il s’agit donc d’un lieu central dans le spectacle.
AC : Nous avons eu un accueil très chaleureux et enthousiaste !
Nous avons dû refaire une date supplémentaire car le public était trop nombreux.
Les critiques aussi ont très bien reçu le spectacle, c’était vraiment
encourageant pour la suite.
AC :
Paris est une ville qui reflète la diversité culturelle donc je pense que le
spectacle devrait être apprécié. De plus, au fil du spectacle le public
découvre le Bharatanatyam, la danse de quartier, le
jazz... et même la magie ! Bref, c’est un spectacle grand public, donc les gens
peuvent venir en famille !
AC :
Salangaï comme je vous l’ai dit, est une pièce dansée, le
spectateur est transporté par l’histoire comme dans un film, sauf que là ça se
passe en direct ! De ce point de vu c’est très différent d’un récital de danse
indienne traditionnel. De plus, il s’agit d’un duo, et je pense que c’est assez
rare en danse indienne car la plupart des spectacles actuellement sont basés sur
le nombre de danseurs plutôt que sur la performance artistique. C’est mon avis !
AC : Actuellement je travaille sur un récital solo de
Bharatanatyam avec des musiciens, qui va être présenté dans un festival. En ce
qui concerne Salangaï, nous travaillons sur sa programmation dans plusieurs
festivals ; ce serait une grande joie d’aller le présenter à la Réunion !
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