Anusha Cherer :

Salangaï : "le spectateur est transporté par  l’histoire comme dans un film, sauf que là ça se passe en direct !"

      
  

    Les 18, 19 et 20 mai 2009, au Théâtre Paris Plaine, l'association L'Inde en Scène propose un spectacle chorégraphié et interprété par le duo Anusha Cherer et Radja Basté. Véritable pièce dansée, Salangaï évoque l'histoire de deux personnages que rien n'urait dû rapprocher... et pourtant... Anusha Chere a eu l'amabilité de réponde à nos questions.

Photographie (portrait d'Anusha Cherer) © Éric Threinen


Interview

  • IR : Anusha Cherer, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

AC : Bonjour, je suis danseuse, chorégraphe et professeur de Bharatanatyam en région parisienne. J’ai commencé la danse classique à l’âge de cinq ans et je me suis ensuite passionnée pour la danse indienne, plus particulièrement le Bharatanatyam.

  • IR : D'où vous vient votre goût pour la danse indienne, et quelle formation avez-vous suivie dans ce domaine ?

AC : J’ai découvert le Bharatanatyam vers l’âge de douze ans et j’ai aussitôt été attirée par cet art. Ce sont avant tout les rythmes qui m’ont fascinée et puis j’étais pleine d’admiration devant la richesse des costumes. Bref, j’ai tout de suite adoré ! Par la suite j’ai trouvé dans la danse indienne une dimension spirituelle qui est essentielle. C’est un art qui relie le corps et l’esprit.  J’ai étudié le Bharatanatyam pendant plus de quinze ans à Paris et également en Inde. En 2003, j’ai passé mon Aranguetram (consécration de la danseuse pour son premier récital) et j’ai ensuite suivi la formation en chant, nattuvangam et pédagogie pour l’enseigner.

  • IR : Vous avez chorégraphié le spectacle Salangaï, que vous interprétez également : pouvez-vous nous en donner l'argument et préciser quel y est votre rôle ?

AC : Salangaï est avant tout une pièce dansée en duo. Il s’agit d’une histoire qui a pour thème principal la danse et dont les personnages vont vivre une histoire d’amour « impossible »... Je n’en dis pas plus ! Je tiens le rôle de Sumadi, une jeune danseuse de Bharatanatyam issue d’une famille riche.

  • IR : Que trouvez-vous d'attachant dans ce rôle ?

AC : Sumadi est un personnage qui n’a jamais connu de malheur, son parcours est très lisse et son avenir tout tracé. Cependant, elle rencontre Madu, un garçon de quartier, interprété par Radja Basté, et  cela va bouleverser sa vie... Elle va découvrir la réalité du monde, la société, cela entraînera en quelque sorte sa révolte contre l’ordre établi.
   Pour moi c’est ça qui est attachant ! Elle ne reste pas avec ses idées préconçues, comme quoi chacun doit rester à sa place, etc. Elle change et devient beaucoup plus « humaine » à partir du moment où elle rencontre Madu. 

  • IR : Le concept de base du spectacle est une fusion entre danse classique (Bharata Natyam) et formes modernes : pouvez-vous nous en dire davantage ?

AC : Avec Radja Basté, danseur de jazz et de danse classique occidentale, notre idée de départ n’était pas tant de faire une fusion que d’utiliser le moyen d’expression qu’est la danse pour nous exprimer. Comme nous sommes tous deux  issus de différentes cultures, lui, indien de Pondichéry  qui a étudié les danses occidentales, moi, métisse franco-indienne et danseuse de Bharatanatyam, tout naturellement nous avons lié ces différentes formes artistiques reflétant notre parcours pour créer des chorégraphies qui nous ressemblent.

  • IR : Cette fusion se fait-elle naturellement, lors de la création chorégraphique et lors de l'exécution, ou demande-t-elle un travail important pour harmoniser ces formes. Existe-t-il des affinités "naturelles" en quelque sorte, par exemple entre le jazz et la danse indienne, qui facilite cette osmose ?

AC : La création chorégraphique s’est faite très naturellement, ayant moi-même étudié la danse classique pendant dix ans et Radja, le Bharatanatyam en Inde, nous nous sommes très bien entendus sur le plan artistique.
   La différence entre le Bharatanatyam et le jazz, ou la danse classique occidentale, c’est que la danse indienne est ancrée dans la terre, avec sa position de base en demi plié, ses frappés... tandis que le jazz et la danse classique sont beaucoup plus aériens. De mon point de vue, c’est ce qui fait la beauté de l’alliance entre ces styles.
   Au-delà de ces différences, il y a également beaucoup de points communs, comme les déplacements, les sauts, ou encore les passages au sol. Certains disent même que le jazz doit beaucoup à la danse indienne, par exemple dans l’utilisation des bras !

  • IR : Au-delà de la dimension purement artistique du spectacle, le scénario que vous avez élaboré semble proposer une sorte de message social : est-ce bien ainsi qu'il faut le comprendre ? Si oui, quel est ce message ?

AC : Tout à fait.  Pour nous le scénario est quelque part une excuse pour faire passer un message beaucoup plus profond. Ce message est transmis à travers la danse, comme nous venons d’en parler précédemment, à travers le métissage de différentes formes artistiques, et grâce au scénario nous avons tenté de montrer qu’au-delà de la lutte des classes, que ce soit en Inde, en France, ou n’importe où dans le monde, l’art ne connaît pas de frontière, au contraire il est universel.

  • IR : Pouvez-vous nous expliquer le sens du titre "Salangaï" et nous dire pourquoi vous avez fait ce choix ?

AC : "Salangaï" désigne les grelots que porte la danseuse de Bharatanatyam. Ce choix de titre vient d’abord de la beauté du mot ! « Salangaï » est aussi le nom de l’école de danse où Sumadi a appris le Bharatanatyam... Il s’agit donc d’un lieu central dans le spectacle.

  • IR : Le spectacle a déjà été représenté dans le sud-ouest : comment a-t-il été accueilli par le public et la critique ?

AC : Nous avons eu un accueil très chaleureux et enthousiaste ! Nous avons dû refaire une date supplémentaire car le public était trop nombreux. Les critiques aussi ont très bien reçu le spectacle, c’était vraiment encourageant pour la suite.

  • IR : Que diriez-vous pour attirer le public parisien à ce spectacle ?

AC : Paris est une ville qui reflète la diversité culturelle donc je pense que le spectacle devrait être apprécié. De plus, au fil du spectacle le public découvre le Bharatanatyam, la danse de quartier, le jazz... et même la magie ! Bref, c’est un spectacle grand public, donc les gens peuvent venir en famille !

  • IR : Si l'on compare Salangaï à des spectacle tels que ceux de Raghunath Manet, le show Bharati ou d'autres encore, quels sont ses atouts et son originalité ?

AC : Salangaï comme je vous l’ai dit, est une pièce dansée, le spectateur est transporté par  l’histoire comme dans un film, sauf que là ça se passe en direct ! De ce point de vu c’est très différent d’un récital de danse indienne traditionnel. De plus, il s’agit d’un duo, et je pense que c’est assez rare en danse indienne car la plupart des spectacles actuellement sont basés sur le nombre de danseurs plutôt que sur la performance artistique. C’est mon avis !

  • IR : Quels sont vos projets pour l'avenir ? Envisageriez-vous par exemple de représenter Salangaï à la Réunion ?

AC : Actuellement je travaille sur un récital solo de Bharatanatyam avec des musiciens, qui va être présenté dans un festival.  En ce qui concerne Salangaï, nous travaillons sur sa programmation dans plusieurs festivals ; ce serait une grande joie d’aller le présenter à la Réunion !

 

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