Interview
- IR : Robert Labor,
pouvez-vous vous présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ?
RL : Labor est mon nom d'Artiste. J'ai 64
ans. Je suis un Créole blanc aux yeux bleus (quoique métissé du côté de mon père,
Créole brun avec un métissage certain, blanc-noir-indien... je n'ai pu trouver l'origine
exacte...).
Ayant déja une solide expérience de la création artistique, jai préparé mes
examens de professeur darts plastiques tout en travaillant pour gagner ma vie :
cours du soir aux Beaux-Arts de Lyon, écoles darts de Lyon... et par le centre de
télé-enseignement, pour la partie théorique (esthétique, histoire de lart,
sciences et techniques du dessin, perspectives etc.. ) le professorat se préparant par
certificats, et sur concours. Professeur certifié de dessin et arts plastiques, nommé
agrégé en 1997.
De 1970 aux années '80, cubiste, cubiste-expressionniste, constructiviste, de découverte
en découverte... arrive à l élaboration dun art métis (sampling) dans les
années 1980-90, faisant dialoguer les uvres et les styles entre eux.
- IR : Pouvez-vous dire
dans ses grandes lignes quelle est votre vision de la peinture ?
RL : Je suis en ce
moment persuadé que "l'image"dans la création plastique n'a qu'une importance
relative, peut-être sert-elle de "medium" pour la communication, une sorte
d'explication en quelque sorte. Mais, l'essentiel à mes yeux se trouve dans
la"matière"-même de l'uvre et dans "l'écriture" de
l'artiste, deux choses qui sont en somme la signature de sa présence en tant qu'artiste
(personnage faisant passer des messages par la "sensation" visuelle en
l'occurrence) : la peinture devient ainsi le prolongement de l'homme... physique, mental,
spirituel, son mystère propre qui parfois et souvent lui échappe... Il arrive ainsi à
sa propre découverte.. .(tout à fait relative, comme le mystère de notre petite
humanité). Voici l'explication que je peux donner de ma maniere de peindre "au
dessus des nuages"
- IR : L'île
de la Réunion vous a inspiré une série de toiles évoquant la marche dans le feu,
cérémonie pratiquée dans la communauté tamoule : pouvez-vous nous retracer la genèse
de cette création ?
RL : Je connais la
marche dans le feu depuis ma tendre enfance, mais pas forcément de façon positive. Car
dans ma famille, de croyance chrétienne, la religion tamoule était totalement exclue de
notre pensée, et autour delle se forgeaient maintes superstitions. Jentendais
les battements de tambours, à travers les champs de cannes à sucre qui nous séparaient
du temple tamoul qui se trouvait "au Chaudron". Moi jhabitais
Sainte-Clotilde, juste à côté. Pour remonter très loin, des peurs s'étaient
installées en moi et la population indienne nous tenait à lécart et entretenait
ce mystère, pour ne pas être dérangé par des curieux. A lécole déjà,
jai eu des vrais amis dans la communauté. Jai appris à les connaître, à
les respecter et à respecter leur foi, différente de la mienne, et jai toujours eu
la conviction que le but, en somme, était le même, nous avions pris seulement des
chemins différents.
IR
: Quelle vision de
la marche sur le feu avez-vous souhaité donner ? Pouvez-vous
donner quelques précision techniques sur votre travail ?
RL : Mon travail est donc un
hommage, hommage à ces hommes et femmes qui sont réunionnais comme moi, nous avons vécu
ensemble sous le même tamarinier (le pied de tamarin comme on dit chez nous) et cela fait
partie de ma culture. Ma
technique est celle de la gouache sur papier. Il y a deux choses importantes, que
jai voulu mettre en relief dans le choix de mon parti-pris. D'abord une rigueur, la
construction de formes, de couleurs qui sarticulent, à dominante carrée, et en
même temps, un rythme, une envolée de couleurs vives, blanc, safran, rouge, noir et
aussi le bleu chaud du ciel de lété brûlant, sur la côte et au Chaudron ou la
chaleur est touffeur. Lasphalte fume à midi. Rigueur du "carême" bien
suivi et abandon de cette rigueur pour la fête, la transe, le don de soi aux rythmes des
tam-tam, comme une communion avec les forces dynamiques de lunivers.
Pourquoi une série ? Les marcheurs sur le feu défilent sur les braises, les pieds
nus, comme envoûtés par la grandeur de leur foi et leurs jours de jeûne. Ils
imposent le respect.
IR
: Quelle place cette série
occupe-t-elle dans l'ensemble de votre uvre ?
RL : Je ne sais pas trop bien
quelle place cette série occupe dans mon uvre. Je sais que jai repris ce
thème (l'Inde) différemment dans ma série des femmes, sensuelles, un tableau
intitulé les Indiennes dans les années 87-89 où le jaune
domine
Peut-être aussi dans mes abstractions : jai beaucoup lu et aimé
Rabindranath Tagore.. Je pense que lenfance et la culture, font entendre leur voix,
là où parfois on ne lattend pas
IR
: Ces cultures indiennes de l'île, que
représentent-elles pour vous ? Une simple sujet pittoresque, ou beaucoup plus que cela ?
RL
: Le pittoresque est totalement exclu
de ma pensée. Je ne ressens que le rythme des tam-tam, la couleur safran, la couleur
blanche de la recherche de pureté et de la noix de coco, la blancheur du lait, la chaleur
des brasiers, le rouge sang des sacrifices et des offrandes, le noir du charbon qui
brûle ; le sens de la fête et le massalé.
IR : Quels sont les grands artistes que vous admirez ? Ceux qui vous semblent
exercer une influence sur votre création ?
RL : Les artistes que jaime
? Rembrandt, Michel-ange, Le Tintoret, Corot, Matisse ,Cézanne, et Picasso bien sûr pour
sa leçon de liberté, et bien dautres
IR : Où peut-on voir vos uvres, les
acheter éventuellement ?
RL : Depuis quelques temps, je nai pas de galeries. Pourquoi ? Pour maintes
raisons... peut-être un peu trop le sens de la liberté ! On peut voir mes
uvres dans mes expositions, sur mon site, dans mon atelier du Tampon et dans mon
atelier de Boulbon (en Provence) quand jy suis.
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