Le seul nom de
Pondichéry, pour bien des Français de Métropole ou des DOM-TOM, suffit
encore aujourd'hui à déclencher le rêve ou le fantasme. Rêve ou fantasme
d'un passé colonial englouti, avec ses fastes, ses erreurs et ses
nostalgies... Images de personnages quasi mythiques, de Dupleix à
Aurobindo... Récits de voyageurs charmés ou chargés du poids des
interrogations : que fut cette ville, que fut l'Inde pour la France, que fut
la France en Inde, combien d'ambitions sont nées ou se sont brisées ici...?
La population indo-réunionnaise - et indo-antillaise - sait bien,
elle, que l'histoire pondichérienne est loin de n'appartenir qu'à un monde
fantasmatique : sur cette terre sont enracinées des générations de "Malbars"
ou de "Koulis", dont on ne sait encore complètement s'il faut dire que leur
destin d'exode, d'exil, fut une malédiction ou une bénédiction. Aujourd'hui,
on part des Antilles ou de la Réunion vers Pondichéry comme en pèlerinage,
comme par devoir de mémoire, à la recherche de traces, d'airs de famille et
de gènes communs, ou d'indices qui pourraient conduire plus loin, dans
l'intérieur du pays ou sur ce littoral écrasé de chaleur où des ancêtres ont
embarqué, il y a de cela plus d'un siècle, et que la misère autant que les
promesses avaient chassés de leurs villages souvent lointains.
Flâner au début du jour dans les rues de Pondichéry la Vieille, la "Ville
Blanche", cette partie de l'agglomération qui s'appuie au front de mer et
s'engouffre, par maintes perpendiculaires, vers l'ombrage déjà précieux des
rues aux façades d'ocres et de pastels. Colonnettes, lambrequins, volets
fanés, femmes penchées sur les poussières du matin virevoltant devant leur
balayette, femmes penchées sur les kolams qui naissent et s'enlacent
aussitôt, couchés sur le sol moite. Pondichéry paisible, aux aguets,
silencieuse... Se faufiler dans la foule de la rue du marché. Jour de
marché. On est de l'autre côté du canal à présent. Pondichéry l'indienne. La
"Ville Noire", avec sa part du vertige indien, le tournis - presque indolent
parfois, pourtant - des multitudes indiennes. Échappée vers une rue
adjacente : petits métiers, odeurs, sourires. Le bruit, partout. Maisons de
poètes disparus, anciens palais. L'ashram et son gardien en uniforme bleu.
Les temples, les mosquées, les églises. Lycée Français, Alliance Française.
Rue Surcouf. Plaques bleues au coin des rues. Et la verdure de Government
Place, avec son monument criant de blancheur et d'euclidienne géométrie. On
a repassé le canal... Ce dossier n'est ni un
guide touristique, ni une étude en bonne et due forme. Il a pour seule
prétention de donner quelques repères culturels - grâce à nos deux guides
francophones que sont Madame Madanacalliany et le Docteur Nallam, deux
personnalités de la ville qui se sont prêtées au jeu de l'interview - de
recréer une ambiance - à travers des images moissonnées lors d'un séjour en
juillet 2005 - et d'ouvrir quelques portes grâce à divers liens vers la
Toile. |