Interview
- IR : Pankaj Sharma,
voudriez-vous commencer par vous présenter à nos visiteurs ?
PS : Je suis indienne, je viens de la « ville rose » Jaipur au
Rajasthan. Je suis en France depuis environ six ans et je réside à
Toulouse. En Inde j’exerçais le métier d’actrice sociale. Je suis tout
d’abord venue en France pour me former à de nouvelles pratiques
théâtrales. Concernant la cuisine, j’ai commencé mon blog culinaire et à
filmer mes recettes indiennes et végétariennes en octobre 2007.
PS : J’ai commencé par tourner pour plusieurs séries télé et
publicités pour la télévision du Rajasthan. On a pu me voir par exemple
dans la série comique Hasgoullé ou la publicité « Vinod besan ».
J’ai obtenu une licence de théâtre en Inde, ensuite je me suis assez
rapidement tournée vers le théâtre social (théâtre de l’opprimé,
théâtre-forum, clown, acteur invisible, etc.) grâce à la rencontre avec
une association française (Caravane Théâtre).
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IR : De manière générale, quel regard
portez-vous sur l'audiovisuel indien (cinéma, télévision, pub...) :
est-ce un milieu où il est facile d'évoluer ?
PS : Malgré la grande taille de l’Inde et le
nombre de productions cinématographiques, les films sont très concentrés
dans la ville de Bombay, surnommée « Bollywood ». Cela est en tout cas
vrai pour les films en langue hindi. Il est possible de trouver des
opportunités au niveau régional mais ce n’est pas suffisant pour mener
une vie d’acteur. Cette concentration ne facilite donc pas l’émergence
d’acteurs et il faut oser quitter sa ville pour Bombay pour tenter une
carrière. Cela pose des problèmes d’éloignement et d’économie et cela
sans être assuré de réussir car les candidats sont malgré tout très
nombreux Depuis cinq ans je suis en France et le cinéma indien a sans
doute évolué, j’ai d’ailleurs entendu qu’il y a un projet de
construction d’un grand studio de cinéma à Jaipur. Quand à la
télévision, elle a ses propres acteurs qui, en général, ne se mélangent
pas avec les acteurs de cinéma ; en revanche les acteurs de cinéma
n’hésitent pas à tourner dans les publicités.
PS : En Inde, il y a deux sortes de cinéma : le cinéma d’art et le
cinéma commercial (Bollywood). J’aime le cinéma d’art de Mira Nair (Monsoon
wedding, The Namesake...) et malgré la distance, j’essaie de
ne pas rater ses nouveaux films. J’aime également les films Fire
et Mr and Mrs Iyer car ils abordent des sujets peu abordés en
Inde et avec un angle différent, comme la religion ou l’homosexualité.
Il m’arrive également d’apprécier de bons films comiques, ceux de Kadar
Khan par exemple. La télévision indienne, quant à elle, n’est pas très
différente de la télévision française : on y trouve les informations,
les séries, les reportages, etc., et les jeux et la télé réalité sont en
train de s’installer également sur les écrans.
PS : Ma rencontre avec la France s’est faite dans des circonstances
artistiques : je travaillais en Inde avec des Français et en 2002 je
suis venue en France avec une équipe indienne pour jouer dans le
sud-ouest de la France. Quand j’ai eu ensuite l’opportunité de revenir
en France pour suivre une formation théâtrale, c’est tout naturellement
vers Toulouse que je me suis tournée.
Mon intégration s’est passée en douceur car je connaissais déjà un
certain nombre de Toulousains et je me suis sentie assez entourée. Il y
a plusieurs aspects qui jouent sur notre intégration : l’entourage bien
sûr, mais aussi les objectifs (étudier, travailler, ...) et la maîtrise
de la langue. A mon arrivée, je ne parlais pas le français mais grâce à
mon entourage je ne me suis pas sentie isolée et cela m’a aidé à la
compréhension de la culture et dans l’apprentissage de la langue.
PS : Trois choses ont joué dans cela : la première a été la distance
avec mon pays, car cuisiner m’a permis de garder le lien ; la seconde a
été la nécessité de cuisiner car je ne n’ai pas trouvé de « structure »
pour m’accueillir en tant que végétarienne ; et enfin la troisième a été
de me mettre devant la caméra comme un exercice et, une chose en
entraînant une autre, le succès des vidéos sur Internet m’a poussée à
continuer et à créer ce blog.
PS : Je propose mes recettes en vidéo et sous forme de textes et
j’essaie également de les accompagner d’une ou deux belles photos pour
donner envie aux visiteurs. Les recettes sont classées par entrées,
plats, desserts, accompagnements, boissons, etc. et on peut également
trouver des trucs et astuces en cuisine ainsi que des recettes faciles
et des plats rapides à préparer. On peut enfin y trouver des
informations intéressantes sur les épices, les légumes et les produits
végétariens.
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IR : Si vous aviez un conseil à
donner à ceux qui se lancent, sans expérience, dans la cuisine indienne,
quel serait-il ?
PS : La cuisine indienne est beaucoup basée sur les épices. Je pense
que dans un premier temps il faut se faire aider pour la combinaison et
le dosage des épices, avec des recettes, des amis, des vidéos. Ensuite
il faut sortir des enseignements et essayer ses propres dosages et
combinaisons. Je conseille également, pour la cuisine indienne
végétarienne, de choisir de bons légumes, avec beaucoup de goût et de
fraîcheur.
PS : Pour moi, ma cuisine ne se réduit pas au végétarisme, ce sont
des recettes avec des goûts et des saveurs différentes. Pendant
longtemps je n’ai pas pensé être « végétarienne » et je cuisinais tout
simplement comme les gens autour de moi. Mes recettes sont savoureuses
et complètes (selon mes amis) et il n’y manque rien, ni la viande ni
autre chose. Il faut goûter sans a priori et se laisser tenter
par la nouveauté.
PS : Je suis très gourmande et selon les saisons, mes préférences
vont aux uns ou aux autres plats : les dosas, le daal (plat de
lentilles), les samosas et le shahi paneer (plat de petits pois). Mais
il y en aurait beaucoup d’autres...
PS : Ce n’est pas si difficile pour moi. Je me procure tous les
ingrédients nécessaires (comme les épices par exemple) dans des petits
magasins indiens, pakistanais ou sri-lankais ou encore dans des
superettes chinoises. Je pense que c’est un peu plus difficile de se
fournir quand on s’éloigne des grandes villes. Pour les légumes, je
privilégie les marchés et les petits commerces près de chez moi.
PS : Il y a plusieurs restaurants que je peux recommander : l’Agra à
Blagnac (près de Toulouse), le Monica (pour son Aloo gobi) et le
restaurant bio-indien-végétarien « Manger autrement » dans le quartier
Saint-Michel. Je les recommande bien sûr pour la qualité des plats
végétariens mais également pour l’accueil chaleureux que j’y reçois
toujours.
PS : J’ai beaucoup de projets et de pain sur la planche : je souhaite
recommencer une carrière de comédienne et je vais reprendre des cours de
théâtre, mais j’ai également d’autres projets, outre mon blog, de livre,
de film, de vidéo, de musique. J’ai beaucoup d’envies et tant de choses
à faire encore ! Il me faut également améliorer mon français, encore et
toujours.
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