FN : Je suis guadeloupéen. Enseignant de profession.
J’avoue manifester un intérêt certain pour la culture indo-guadeloupéenne, et
indienne, d’une manière plus générale.
FN : D’abord la terminologie : en Guadeloupe on
utilise le plus couramment l’expression « indo-guadeloupéen » pour désigner le
Guadeloupéen d’origine indienne.
J’ai été élevé par ma grand-mère, d’origine
indienne. Ceci doit expliquer en partie mon intérêt pour cette culture. Mais cet
intérêt a été alimenté par les contacts les plus divers que j’ai pu avoir avec
les manifestations concrètes de cette culture dès mon enfance : les contes, ces
langues mystérieuses, que bien entendu nous ne comprenions pas, et puis les
danses traditionnelles impressionnantes.
FN : Je ne maîtrise pas
le concept de culture indo-créole aux Antilles ». La réalité de la présence indo-guadeloupéenne me semble indiscutable,
ne serait-ce que dans l’apparence physique. Et me semble-t-il on peut en dire de même pour la culture indo-martiniquaise.
Quelles en sont
les manifestations? En Guadeloupe : Les récits épiques et religieux véhiculés
par la mémoire populaire, les vêtements, les danses traditionnelles, la manière
de cuisiner les plats de l’Inde, ce qui nous reste des langues (surtout en
tamoul), etc. Mais aussi il y a une « manière d’être, indienne » qu’il serait
difficile de résumer en une phrase, une manière de s’adapter à des
réalités somme toute hostiles. Tous ces marqueurs culturels contribuent à
donner une spécificité au Guadeloupéen d’origine indienne. Mais il est important
de souligner que l’Indo-guadeloupéen se positionne d’abord en tant que
Guadeloupéen.
Ce développement
pourrait très probablement s’appliquer aussi à l'Indo-martiniquais. Maintenant
j’avoue hésiter à réduire ces deux réalités au concept d’« indo-créole ».
Cours d'initiation au tamoul
FN : Disons que globalement l’image de l’Indo-guadeloupéen
ou de l’Indo-martiniquais ne pose plus problème. Toutefois lors de certaines
situations de tensions quelques « paroles malheureuses » peuvent être encore
entendues. Mais ce seront des paroles qui « ont dépassé ma pensée ». Aujourd’hui
les paroles méprisantes à l’égard du coolie ne sont plus politiquement
correctes.
Mais vous savez, il n’est pas nécessaire de remonter au XIXe siècle pour retrouver des traces de racisme patent.
Il y a moins de 50 ans, dans les cours de récréation (et même en dehors !) on
n’était pas toujours très tendre avec les coolies.
FN : J’ai eu
l’opportunité d’initier des élèves du collège de Douville (Sainte-Anne,
Guadeloupe) au hindi, il y a quelques années. Cette expérience a fait boule de
neige. Deux autres collèges (Saint-François, Port-Louis) et un lycée
(Sainte-Anne) sont entrés dans la danse. Leurs élèves peuvent bénéficier de cet
enseignement, grâce à l’implication de collègues qui se sont mis à cet
enseignement. Il s’agit d’un enseignement à la fois linguistique et culturel.
FN : Chacun contribue à
enrichir culturellement la Guadeloupe, ou la Martinique, selon ses possibilités
et ses sensibilités. Il s’agit en fait de proposer à chacun des éléments qui
seront appropriés ou pas : ils seront d’origine indienne, africaine, ou autre.
Les actions de promotion du tamoul, du hindi et de la culture indienne sont des
offres culturelles qui peuvent contribuer à un enrichissement de notre culture.
En ce sens on peut considérer notre démarche comme une proposition d’éléments
pour une réappropriation, ou une appropriation de valeurs culturelles indiennes.
Chacun prendra, ou ne prendra pas, comme il l’entend. Je me méfie de
l’expression « retour à des racines », qui pourrait signifier une sorte de
nombrilisme. Ce n’est pas le cas. A mon sens la culture de nos îles sera
forcément une « culture métisse ». Mais cela sera la résultante d’une
intégration profonde de valeurs venant d’horizons les plus divers, un peu à la
manière dont on a intégré toutes les influences en cuisine pour le bénéfice de
tous.
FN : Le Conseil
Guadeloupéen pour la Promotion des Langues Indiennes a été créé en 2002. En
vérité nous avons simplement donné un support légal à nos actions en faveur du
hindi et du tamoul. Je dois souligner l’aide précieuse que nous a donné Monsieur
Saminadin (citoyen indien vivant en Guadeloupe, décédé) tant pour la mise en
place de l’organisation que pour l’élaboration des premiers cours.
M. Saminadin et M. Sitcharn (Président des Amis de
l'Inde)
FN : Nous avons su accroître l’intérêt en Guadeloupe
pour l’apprentissage du hindi et du tamoul. La dictée hindi et tamoule est désormais inscrite au calendrier le 8 mai. Nous souhaitons passer de cette
phase d’initiation à une phase d’approfondissement de la langue. Nous
travaillons actuellement sur un programme de formation plus lourd pour l’année
scolaire 2009-2010.
FN : C’est la plus ancienne association de culture
indienne de Guadeloupe. Les Amis de l’Inde proposent des activités culturelles
variées : ateliers de cuisine indienne, danses, conférences, expositions… Elle
œuvre aussi en partenariat avec d’autres associations pour réaliser des projets
tels : la commémoration de l’arrivée des premiers Indiens au Monument du Premier
Jour (Darse de Pointe à Pitre), la Journée Mondiale de la Non-violence… Cette
action conjuguée des Amis de l’Inde avec d’autres associations ou groupes
culturels de Guadeloupe contribue grandement au rayonnement de la culture indo-guadeloupéenne.
FN : Peu de liens officiels se sont établis avec
l’Inde, citons pour mémoire un jumelage entre la ville de Basse-terre et
Pondichéry. Plus récemment des relations ont été créées lors du 150e
anniversaire de l’arrivée des premiers Indiens (2004). Je pourrais citer aussi
la visite d’ambassadeurs ou de ministres indiens, mais il n’y a pas
véritablement de contacts permanents au niveau culturel entre le Guadeloupe et
l’Inde. Je crois savoir que pour la Martinique, c’est pareil.
Dans la Caraïbe la principale île de culture
indienne c’est Trinidad &Tobago. Nous avons des contacts réguliers avec eux. Des
actions ponctuelles, mais pas de projet sur la durée.
Avec la Réunion il existe des relations
individuelles et privées, mais pas de liens établis entre associations ou
organismes culturels.
FN : Notre ambition est
que West India soit d’abord un organe d’échange et d’information, orienté
principalement sur les langues de l’Inde et la culture indienne (de l’Inde et
hors de l’Inde). Le contenu sera une déclinaison de cette orientation : Un volet
information (Le monde indien, la littérature, l’éducation), une Volet
linguistique, un volet événementiel.
FN : Le Guadeloupéen, le Martiniquais, s’interroge
sur son identité, sur sa société. Il appartiendra à chacun de réfléchir sur sa
place et son rôle dans ce monde nouveau en gestation. L’Indo-guadeloupéen, l’Indo-martiniquais
doivent proposer des réponses à ces questions de société. Mais ils doivent se
positionner avec leurs spécificités culturelles. La richesse de nos pays
vient justement de nos différences. Pourquoi rester européocentré, alors que le monde occidental questionne l’Inde, terre de démocratie et de traditions, entrant à sa manière dans la modernité ?
Stage de hindi
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