Interview
NA : Volontiers.
Je suis enseignante de Yoga depuis
vingt-six ans. J’ai d’abord enseigné en région parisienne où j’ai créé
le Centre Ganesha. A Paris, j’ai également participé quelques années à
la direction d’une fédération de Yoga. Mais, ayant rencontré mon maître
en 1989 en Inde, et ayant aussi à l’époque de jeunes enfants, j’ai
souhaité m’installer à la campagne dans le sud de la France, à la fois
pour expérimenter dans une certaine solitude les pratiques que j’étais
en train d’apprendre, et aussi permettre à mes enfants d’intégrer la
connaissance de la nature à leur être. J’enseigne maintenant à la fois à
côté de Paris, vers Montpellier et dans les Cévennes.
NA : Mon premier contact avec le Yoga a
été fortuit. Je suis allée à un cours dont une amie m’avait dit
simplement qu’il lui faisait énormément de bien. Je ne suis pas sûre
que, si elle avait prononcé le mot « yoga », cela m’aurait attirée à
l’époque. J’étais alors plutôt sportive.
’ai été émerveillée de découvrir que le corps
n’était pas seulement un instrument, plus ou moins
performant, mais un trésor disponible
lorsque l’on savait prendre contact avec l’intériorité.
J’ai également très vite senti que cette
démarche allait me permettre d’approfondir ma recherche de vérité.
NA : Au moment même où je décidais que je
souhaitais maintenant partager ce que j’avais reçu avec d’autres,
mon professeur, Catherine ASHMORE, m’a proposé de me former. Pendant
presque vingt ans, j’ai travaillé très intensément avec elle plusieurs
fois par semaine, ainsi qu’avec son propre professeur, Jacques THIEBAULT.
J’ai suivi ensuite une formation à l’enseignement qu’ils organisaient
ensemble.
En 1989,
je suis allée en Inde faire un voyage d’étude sur le Yoga et l’Ayurveda,
et j’ai rencontré à l’institut Kaivalyadhama de Lonavla mon maître, Sri
O.P. TIWARI. Je me forme depuis traditionnellement auprès de lui,
c’est-à-dire dans une relation personnelle de maître à disciple.
NA : J’enseigne le Yoga traditionnel tel
qu’il est transmis à Kaivalyadhama, et plus particulièrement par Sri
TIWARIJI. Nous enseignons donc des pratiques millénaires dans lesquelles
le Pranayama occupe une place prépondérante. Nous étudions chaque été
avec TIWARIJI la philosophie du Yoga appliquée à la vie à travers ses
textes fondamentaux.
J’utilise cependant dans l’approche
pédagogique l’apport fondamental de Jacques Thiébault quant à la
construction de la posture et la conscience des espaces respiratoires.
Je ne
permets jamais de faire aucun mélange et indique toujours à mes élèves
l’origine des pratiques que je leur propose afin de ne pas dénaturer la
tradition.
NA : Les apports spirituels sont
immenses, surtout si l’on comprend bien que la spiritualité est ce qui
nous permet d’être plus en relation avec le réel et de mieux affronter
les difficultés de la vie.
Pour qu’une véritable transformation
se fasse, cela implique :
- du côté du pratiquant une répétition sincère et constante de pratiques
éprouvées,
- que l’enseignant
soit lui-même un pratiquant sur le chemin, qu’il ne recherche pas la
« nouveauté » dans ses cours, et qu’il ne tombe pas dans le piège de la
fascination du travail corporel.
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IR : Quel regard portez-vous, globalement, sur la pratique du yoga
en France et en Occident ? Est-ce toujours un yoga "authentique" ? Cette
notion d'authenticité elle-même vous semble-t-elle pertinente ?
NA : Beaucoup d’enseignants cherchent
sincèrement à bien faire. La latitude (et même la fierté parfois !) de
mélanger les techniques est malheureusement un défaut très français.
Cette façon de faire menace la tradition de disparition. Rappelons que
tradition ne signifie pas que les choses sont figées. Le fondateur de
Kaivalyadhama lui-même a passé toutes les techniques traditionnelles au
crible de la recherche scientifique et médicale.
Donc, oui, la notion d’authenticité
me paraît pertinente.
NA : L’Inde est le berceau du Yoga. C’est
là que l’on trouve toutes les racines de cette grande voie. L’Inde étant
par ailleurs un grand continent, il est assez compréhensible que les
pratiques diffèrent selon les écoles bien que la plupart d’entre elles
se réfèrent aux textes séculaires du Yoga.
Il y a aussi aujourd’hui en Inde un
phénomène de mode que l’on constate dans les classes moyennes et aisées
du pays. Les mêmes qui n’étaient pas intéressés par le Yoga se tournent
vers lui maintenant parce que les Occidentaux s’y sont intéressés. On se
doute bien que des personnes plus ou moins correctes peuvent aisément
profiter de la situation.
NA : Oui, je me sens très proche de la
culture indienne. Nous sommes souvent allés en Inde en famille, et je
trouve que cette culture nous a beaucoup apportés, à la fois à nous et
aussi à nos enfants.
Chaque séjour m’a ouvert un pan de
compréhension humaine. J’ai été très touchée des valeurs que l’on trouve
encore aujourd’hui en Inde dans la culture de nombreuses familles : le
respect des anciens, l’acceptation de la différence de l’autre, la
dimension sacrée du quotidien, la notion de service, la joie de vivre,
le rapport au réel… Beaucoup de belles choses.
NA :
Cela dépend du but que l’on poursuit
en voulant faire du yoga. Mais, de toute façon, essayer de sentir la
personne avec qui l’on va faire : se servir de son bon sens.
NA :
Je vais régulièrement au centre de
Lonavla pour assister Sri TIWARI lorsqu’il enseigne dans les séminaires
de pranayama. Je dois y retourner à la fin de l’année.
Je viens de traduire en français le livre
écrit par le fondateur de Kaivalyadhama en 1930 sur le pranayama. C’est
un livre fondamental pour les pratiquants et je souhaitais vraiment que
les Français qui ne parlent pas anglais puissent y avoir accès.
J’ai aussi participé à l’édition du
livre « Swami Siddheswaranada et son temps », livre de documents
extraordinaires collectés par Mira, une disciple qui a maintenant
quatre-vingt-sept ans.
C’est ce genre de projets qui
m’animent. Je pense donc maintenant à une nouvelle traduction, toujours
dans le but de faire circuler des informations passionnantes.
Mon enseignement reste large, mais
je me passionne pour l’enseignement du placement du corps dans les
postures, et par la pédagogie du pranayama.
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