Interview
PhM : Depuis
maintenant dix ans, je me suis lancé dans la fabrication artisanale dinstruments de
musique traditionnels réunionnais, à savoir "rouler, kayamb, bobre,
piker
", mais également dinstruments dorigine indienne. Pour
moi ces derniers font partie de notre patrimoine musical local. Après avoir été
animateur, puis éducateur, la fabrication des instruments et la musique en général
occupent actuellement le plus clair de mon temps.
PhM : Ma passion
pour les instruments de musique a démarré avec lanimation socio-éducative dans
laquelle jai baigné très tôt (depuis lâge de 7 ans en y accompagnant mon
père) et où jai travaillé dès ma vie active. Mais la musique traditionnelle, le
maloya en particulier, était interdite (jusquaux années '80). Je nai
véritablement découvert le maloya que vers lâge de 17/18 ans et, dès lors, il y
a eu un déclic. Jai également rencontré Danyèl Waro, un des maîtres
incontestés du maloya. A loccasion dun petit stage effectué auprès de lui,
jai été initié à la fabrication des instruments traditionnels et surtout des
instruments indiens dans un premier temps. Lexpérience ma tellement plu et
surtout ma tellement fait réfléchir, que jai abandonné lanimation
pour en faire mon métier.
PhM : Comme je le
disais donc, cest Danyèl Waro qui ma initié à la confection de ces
instruments. Jai pu rencontrer également des anciens, qui mont donné
quelques techniques, et puis jai expérimenté. Quelques ouvrages sur la tannerie
artisanale, sur les instruments africains et indiens, mont bien aidé également
pour les techniques de fabrication. Malheureusement, il ny a très peu
décrits localement, et jai du ainsi faire beaucoup dessais
daprès quelques lithographies et ce que jai pu voir dans les manifestations
autour de la musique (processions et cérémonies tamoules par exemple).
PhM : Disons
quà la Réunion, les instruments dorigine indienne ont été
"tabous" jusquà il y a peu, plus par méconnaissance quautre chose,
la communauté indienne inspirant à la fois crainte et respect, et leurs instruments
étant justement consacrés au culte. Au fil du temps, je me suis aperçu de la volonté
des Indiens de partager et de faire connaître leur culture. Aujourdhui je suis fier
de fabriquer ces instruments et jaspire à me perfectionner davantage.
PhM : Malheureusement,
nous ne sommes pas nombreux à vivre de cet art, deux ou trois peut-être pour qui la
fabrication dinstruments de musique représente lactivité principale. Par
contre, je sais que les "Malbars" (cest comme ça quon appelle les
Indiens chez nous) fabriquent souvent eux-mêmes leurs instruments pour leurs propres
besoins (cérémonies, processions,
) et que les plus jeunes sont initiés tant à la
fabrication quà lutilisation des instruments au sein de la communauté.
PhM : Les Malbars
fabriquant souvent eux même leurs instruments, je nai pas souvent loccasion
de leur en vendre. Mes principaux visiteurs et clients sont donc les formations musicales
locales, les touristes et les collectionneurs, directement à latelier ou lorsque je
participe à des expositions artisanales.
IR : Votre métier vous a forcément donné un regard particulier,
privilégié peut-être, sur le milieu malbar : quel est votre point de vue sur cette
partie "indienne" de la culture réunionnaise, sur ses spécificités, ses
rapports avec l'ensemble de la culture de l'île ?
PhM : Je dirais
que la culture indienne est très présente et importante sur notre île. La communauté
indienne est ouverte et très respectueuse envers les autres communautés et religions et
ne demande quà partager pour peu quon sy intéresse. Beaucoup de gens
sont encore un peu méfiants, malheureusement à cause des vieilles suspicions de
sorcellerie et autres maléfices qui ne sont fondés que sur des croyances ancestrales.
Mais depuis quelques années, on assiste à une ouverture de la communauté indienne vers
les autres, mais aussi à une "curiosité populaire" qui fait que les gens se
rencontrent, assistent aux cérémonies par exemple
et depuis quelques années on
célèbre le dipavali où tout le monde est invité
Les médias participent plus
facilement également, avec pas mal de reportages notamment. Au niveau musical, il
commence à y avoir des mélanges : des formations de maloya utilisent des
instruments indiens surtout les tambours malbars, les morlons et matalons, et même le
oulké, et tout cela dans le plus grand respect des traditions indiennes.
A lire aussi : cet article du JIR
|