Interview
DM
: Je suis Président de la Fédération Tamoule de la Réunion, plus exactement de
la Fédération des Associations et Groupements Religieux Hindous et Culturels
Tamouls de la Réunion : F.A.G.H.C.T.R
DM : La Fédération a été créée en
1971 à l'initiative de présidents de kôvils ( temples) et d'associations
culturelles tamoules afin de coordonner leurs actions, de porter collégialement
leurs doléances et être l'interlocutrice
des autorités publiques. Dès sa fondation, la fédération reposait sur deux
piliers : le cultuel hindou et le culturel tamoul. Une contribution particulière fut portée par feu M. Vadivel
Vayaboury qui durant une quinzaine d'années a impulsé la vie fédérative,
l'a inscrite dans le paysage associatif réunionnais et a défendu un certain
nombre de dossiers tels que le remplacement du bœuf à l'école et à
l'armée, l'obtention de visas de longue durée pour les officiants indiens, les
professeurs, les artistes indiens etc. Compte tenu du contexte historique de l'île après la colonisation,
la départementalisation de 1946 a permis une certaine émancipation de la société
réunionnaise dans son ensemble, dont celle de nos ancêtres d'origine tamoule.
Celle-ci s'est faite par le biais d'une émancipation sociale et économique avec
en parallèle une meilleure expression de la pratique hindoue et culturelle
tamoule. Ainsi le premier journal de la communauté, Trident, parut
au début de la décennie 60 grâce au retour d'une certaine élite intellectuelle
tamoule, partie étudier en France. En 1968 fut fondée la première association
culturelle tamoule, le Club tamoul, totalement indépendante d'un kôvil. A partir
de 1950 beaucoup de kôvils furent rénovés en béton et selon un style indianisé
local.
Mais beaucoup restait à
faire, et ainsi c'est seulement en 1975 qu'un gouroukkal (officiant tamoul) a pu
obtenir un visa de longue durée pour pouvoir officier dans un kôvil de l'île !
Toujours en 1975 nous avons pu bénéficier des enseignements d'un swami ou moine
de l''école de théologie de la Chinmaya Mission et, depuis, d'autres ahsrams ont
été implantés sur l'île.
En 1985 démarra la
rénovation des kôvils selon un style dravidien contribuant à mettre en harmonie
nos pratiques religieuses avec nos lieux de culte.
L'Hindouisme a été, est et restera
la ligne conductrice de l'expression des Indo-réunionnais d'origine tamoule et
de confession hindoue. Le développement des activités culturelles s'est fait dans
la décennie 80 et 90, même si les bases étaient lancées depuis les années 70.
DM : Nos priorités pour cette
décennie sont : la vulgarisation de l'enseignement auprès des hindous et des
tamouls de l'île au moyen de programmes que nos associations mettent en place ;
par exemple : Dharma Bâla pour les enfants, créations d'associations culturelles
mitoyennes à chaque kôvil etc. Par ailleurs il s'agit d'insérer les tamoulisants
dans les structures éducatives publiques existantes : collège, lycée et
université, car malheureusement les mondes associatif et scolaire sont encore
trop cloisonnés. D'un point de vue des échanges : nous travaillons également à la
mise en place d'une coopération régionale avec l'Inde digne de ce nom, en
appelant notamment les deux gouvernements à la signature de l'accord
"Destination Touristique Agréée" pour faciliter les entrées et sorties des
ressortissants indiens. Actuellement il nous faut 48 heures pour obtenir un visa
et se rendre en Inde en tant que touriste alors que pour un Indien, on lui
demande de multiples garanties : bancaire, assurance, logement etc. et la
procédure dure au minimum 15 jours.
N'en parlons pas pour
les échanges économiques et autres, où là encore beaucoup de tracasseries
administratives freinent toute tentative de coopération, d'échange. Au niveau de la communication : nous venons de nous lancer dans la
production audiovisuelle par le biais de notre boîte de production, Vanakkam
Réunion, et nous allons prioriser la recherche de supports de diffusion au
niveau de la TV, de la radio et du Web.
DM : D'abord je voudrais préciser
que ce dossier comporte deux étapes.
Premièrement nous
demandons que la religion hindoue soit reconnue dans la République Française et
qu'à ce titre des autorisations d'absence légales soient délivrées pour des
fêtes religieuses au même titre que les autres religions dans la fonction
publique. Voir le BO N°901 du 23 septembre 1967 qui doit être manifestement
actualisé et qui devrait tenir compte des réalités vécues dans ce 21ème siècle
dans l'outremer. Deuxièmement dans le calendrier républicain nous bénéficions de
onze jours fériés et chômés, sur ces onze jours six sont attribués à une seule
religion : le catholicisme. Nous demandons au niveau régional une redistribution
de certains jours fériés et chômés tout en restant dans la fourchette des onze
jours maximum.
Nos démarches
entreprises depuis des décennies ont été retoquées sous prétexte : "mettez vous
d'accord entre religions et on verra ensuite."
Depuis 2009 dans le
cadre du Groupe du Dialogue Inter Religieux dans lequel la Fédération siège, un
accord de principe a été trouvé avec l'évêché de la Réunion pour remettre trois
jours (lundi de Pentecôte, lundi de Pâques, jeudi l'Ascension ) dans le panier
républicain. Notre demande consiste à ce que le gouvernement par décret régional
puisse redistribuer ces trois jours aux confessions demandeurs, à ce jour seuls
les tamouls hindous ont entrepris cette démarche officielle. Cette volonté
exprime tout simplement le fait de pouvoir disposer d'un Espace temps, de
pouvoir pratiquer nos rituels dignement et célébrer nos principales activités
culturelles de façon sereine.
Toutes les religions, toutes les cultures doivent avoir leur place et leur juste
place sur ce bout ce terre française.
DM : En avril 2010,
faute d'avoir eu des réponses tangibles de la part du gouvernement , nous avons
interpellé tous nos parlementaires (députés et sénateurs) pour qu'ils puissent
porter nos doléances en haut lieu, mais force est de constater qu'hormis une
réponse diplomatique, à ce jour rien de concret sur ces dossiers. Tous les élus
et le gouvernement étant en période électorale, je pense qu'il va nous falloir
patienter jusqu'en 2012 avant d'avoir un interlocuteur !
DM : La connaissance
des faits historiques est importante pour que chacun puisse se situer et avoir
des perspectives dans son parcours de vie. L'engagisme n'a pas été ponctuel, il
a été un processus réfléchi, réglementé et massif, qui s'est inscrit dans la
durée afin de répondre à des besoins de main d'œuvre dans le contexte colonial
et ce de par le monde.
Sans
chercher une quelconque reconnaissance ou une quelconque rédemption auprès de
quiconque, nous, descendants d'engagés, voulons tout simplement que ce processus
soit étudié, vulgarisé, enseigné dans l'Histoire de France au même titre que
toutes les Histoires de France et, au-delà, que l'engagisme à la Réunion soit
inscrit dans la Route de l'Engagisme initiée par nos voisins mauriciens avec
l'Unesco.
Toute
page de l'histoire réunionnaise mérite qu'on s'y attache, pour que chaque
génération puisse comprendre l'origine de leur migration, les déterminants, les
pratiques ancestrales etc. L'idée en 2003 était de préserver certains lieux de
mémoire tels que les kalbanons (ou huttes) dans lesquels vivaient nos grands
parents, les vestiges des anciennes usines sucrières où ils ont travaillé ; nous
avons installé des plaques commémoratives, mais ce travail va de pair avec une
appropriation de ces faits historiques par le système éducatif.
DM : Nous nous
inscrivons plus dans un processus éducatif et non comparatif, même si dans les
faits des similarités ont existé et, étape par étape, chaque processus doit être
abordé.
DM :
Actuellement deux émissions sont diffusées sur la TNT via TV
KREOL : le dimanche à 09 heures : "Padèl sur l'Hindouisme" et le Lundi à
19 heures : "Vanakkam Réunion" sur la culture et le savoir faire des
Indo-réunionnais.
Le lancement a eu lieu le 14 avril, jour de l'an tamoul, et sous
forme associative nous nous attachons à sortir des sentiers battus, à aller
au-delà de l'image pour faire passer des enseignements religieux et des
activités culturelles méconnues, des portraits, la vie associative etc.
"Vanakkam Réunion" a pour but de
couvrir tous les champs où les Indo-réunionnais opèrent, qu'ils soient culturel,
économique, social, sportif, littéraire, éducatif etc.
Nous cherchons
également des partenaires indiens ou autres pour avoir des news de l'Inde, des
actualités nationales, des reportages... Voir la
page facebook...
DM : Je n'ai pas
d'information sur ce sujet.
DM : Pourquoi pas ?
Mais, pour vous dire, on ne parle pas ou très peu de cette Année des Outremer à
la Réunion, et je ne sais pas si la dimension culturelle dans son ensemble est
prise en compte.
DM : Le
boum a eu lieu dans les années 80 et, depuis, le tissu associatif culturel ne
cesse de s'étoffer. Après l'effet Bollywood , il s'agit pour nous d'axer le
travail sur une production de qualité alliant le côté ancestral avec les
Nardégam (ou bals tamouls) et les spectacles de danse, tamouls ou autres. La
formation des artistes est une priorité et des musiciens de talent ont émergé en
musique carnatique, en nadhaswaram et thavil ; des danseuses sont diplômées des
plus grandes écoles du Tamil Nadou...
La vitalité
est indéniable, encore faut-il polir la pierre pour qu'elle puisse briller de
tout son éclat.
DM : Un de mes buts est d'ancrer la
Fédération dans la société moderne. Mes prédécesseurs ont apporté des réponses
aux problèmes inhérents au contexte historique de l'époque, et de réelles
avancées en matière religieuse et culturelle sont à noter.
En ce 40ème anniversaire de la
Fédération, il s'agit de conforter l'existant, de l'améliorer, d'explorer de
nouveaux champs tels que l'éducatif, le social, l'économique, les relations
internationales, l'audiovisuel, etc.
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