Interview
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IR : Marlis Ladurée, pouvez-vous tout
d'abord vous présenter à nos visiteurs ?
ML : Je suis née à Berlin-Ouest. C’est là que j’ai fait mes études de design de mode et d'illustration. Je suis venue en
France, à Paris, en 1978, pour exercer le métier de designer et
d'illustratrice indépendante pour les industries de la mode et de la
publicité. Je me suis très vite orientée vers la peinture. J’ai épousé
ensuite un Français !
- IR : La pratique du mandala n'est
pas traditionnellement ancrée dans la culture occidentale : comment
l'avez-vous découverte ?
ML : En approfondissant le Yoga, en 1982, je me
passionnais pour l'Asie, et la symbolique des écritures sacrées. Ma
rencontre avec le “cercle magique - les diagrammes ésotériques”
a eu lieu à ce moment.
- IR : Avez-vous suivi une formation
particulière concernant la réalisation des mandalas ?
ML: J’ai effectué une
formation de trois ans à la Fédération Française de Hatha Yoga (FFHY), j’ai
étudié la culture de l'Inde, l'hindouisme et le
bouddhisme. La révélation s'est produite pendant
cette formation en 1989 à la FFHY, à Paris, chez Shri Mahesh, quand Brigitte
Neveux a présenté une conférence
sur ce thème. J’en ai fait d’ailleurs
par la suite mon sujet de
mémoire d’études : “Mandalas et yoga des enfants”, d’où l’intitulé de ma première
création: “Mémoire”.
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IR : Pouvez-vous, en allant à l'essentiel, nous rappeler le
rôle et la signification des mandalas traditionnels en Asie ?
ML : En sanskrit, le langage
sacré des brahmanes indiens, mandala veut dire “cercle” et plus précisément
“cercle sacré” ou “cercle magique”. Il est utilisé comme support à la
méditation ; c’est une visualisation de l’Univers. Le mandala présente un modèle de
macro et microcosme : le centre et la rotation, l'unité et la diversité (amas de
galaxies, système solaire, les cellules, les molécules et les atomes). C'est une
visualisation de l'Univers. Le centre d'un mandala représente
le centre de l'Univers. C'est le coeur de l'univers qui comporte la sagesse,
l'énergie venant du vide, du silence. La périphérie représente la
création du monde. C'est aussi la diversité de l'univers en organisation, née de
son centre. Ainsi, le mandala est un “COSMOGRAMME”,
une sorte de plan architectural qui représente l'univers tout entier dans son
schéma essentiel. En Inde, au Tibet, et dans toute
l'Asie, les grands temples, ainsi que les pagodes, sont construits sur le
principe architectural des mandalas. Les textes sacrés veulent que chaque temple
soit une représentation de l'Univers.
Le dessin d'un mandala agit sur
le psychisme : il unifie par son centre et il équilibre par sa périphérie. Pour
l'homme, c'est un “PSYCHOCOSMOGRAMME”.
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IR
: Vous avez personnellement opté pour
le mandala contemporain : en quoi se différencie-t-il du mandala traditionnel ?
ML : Le Mandala
traditionnel est très compliqué à comprendre pour l’occident. Il faut beaucoup
de connaissances initiatiques pour le pratiquer.
Le Dr Carl
Gustav
Jung, psychanalyste et élève de Freud a fait déjà connaître le
mandala pour
l’occident et il l'a appelé «Mandala européen». D’après lui le
mandala est
un“ARCHÉTYPE” et un reflet de soi. Dans ses
analyses, il a fait un lien aux systèmes solaires (au centre l’étoile, en orbite
planètes, satellites et lunes) ou aux mondes des atomes, des cristaux et des
cellules ; mais aussi aux bourgeons, fleurs, fruits tranchés, ondes à la surface
de l’eau, troncs d’arbres etc. Et c’est pour cela que je me suis
décidée pour le
mandala contemporain.
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IR :
Les mandalas contemporains
ont-ils selon vous la même puissance spirituelle que les mandalas traditionnels
?
ML : Je pense que
oui, par mes expériences, et parce que le cercle en général a comme pouvoir de
ramener l’esprit vers son centre.
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IR :
Quel est votre public ? Quels sont les acheteurs de vos oeuvres ?
Des passionnés de spiritualité, des personnes
appréciant l'esthétique de vos toiles... ?
ML : Toutes sortes de personnes, des différents coins
de la planète ; qu'elles soient initiées à leur tradition spirituelle et
religieuse ou non-initiées. Il y a aussi bien sûr l’attirance de la beauté,
l'esthétique. De toutes les façons, il n’y a pas besoin d’être initié à la
connaissance du mandala. Lui-même a un grand pouvoir de transmettre et focaliser
pour donner un effet d’harmonie et de bien être à la personne qui le regarde.
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IR : Comment travaillez-vous,
matériellement et dans quel état d'esprit ?
ML : Peindre est pour moi
l'occasion de libérer les impressions, de recevoir et de transmettre des
messages et des images du monde subtil. Mon action est sans cesse guidée par des
énergies et des influences que j'analyse ensuite. Dans mon atelier que j’ai créé
comme un petit palais céleste, il y a des étoiles partout : sous forme de
mosaïques, de faïences, dans les murs, le plafond, les tissus...
; j’y allume des
bougies et de l'encens. Je rentre en état méditatif, je
suis devant la toile blanche, reliée au monde subtil. Je demande de devenir
instrument. Je ne sais pas ce que va devenir la toile. Je me laisse guider par
les forces divines. Lors de ma méditation, il y a
aussi des prières : prières pour la paix, l’amour, l’éveil de l’humanité sur
toute la planète terre. Il y a aussi des rituels : debout
devant la toile entre ciel et terre, reliée à cette méditation, je suis entre le
haut et le bas, entre le subtil et la matière, le macro et le microcosme, entre
l’univers et les êtres. Je me visualise comme un axe, un
pilier, une sorte de tunnel qui relie ces opposés. Et je me laisse imprégner
d’énergie cosmique. Je prends contact avec la toile nue, je la touche avec mes
mains en mouvements circulaires. À ce moment, j’associe des mudras, des mantras
et des prières, pour que l’énergie positive et la lumière puissent se
matérialiser dans le tableau. C’est une danse, danse de Shiva,
danse céleste. Enfin je commence mon travail sur
la toile : tracer les premiers axes, les premières diagonales, les premiers
glacis. C’est la technique picturale qu’ont utilisée les plus grands peintres
depuis la renaissance (Raphaël, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Ingres ...), elle
permet de donner au tableau une transparence et une richesse de teinte
incroyable. Le glacis est une couche de peinture à l'huile très diluée,
avec peu de
pigment, que l'on applique sur un fond bien sec. En superposant les glacis, de
nouvelles teintes apparaissent. J'ai suivi une formation
passionnante à l’École, dans les ateliers du Louvre où j’ai étudié la technique
des glacis. Les teintes obtenues par
superposition et non par mélange de deux couleurs, seront bien plus éclatantes.
Cette technique est cependant contraignante car entre chaque glacis, il faut
laisser sécher la toile au moins dix jours. Je suis amenée, par cette technique,
à peindre plusieurs toiles en même temps, ce qui modifie et influence ma manière
de travailler. Les maîtres de l’époque ont utilisé jusqu’à vingt couches de
glacis. Il y a dans mon atelier plusieurs toiles qui prennent vie
progressivement, de glacis en glacis. Grâce à cette technique, la lumière ne se
contente plus de rebondir sur la surface peinte de la toile, elle la traverse,
renvoyée par les couches de glacis, comme pour les vitraux des cathédrales, la
lumière "sort" du tableau, crée sa propre étincelle de vie. Et ainsi, sur des mois, la toile
devient tableau, devient oeuvre, devient miroir de la lumière, de l’amour et de
la paix. Mais il y a aussi
des sortes des sculptures, fabriquées avec des empattements sur mes toiles et
recouvertes des feuilles d’or 24 carats. C’est pour donner encore plus d’éclat
et des rayonnements solaires aux tableaux. À l’époque j’ai utilisé aussi des
pierres semi-précieuses, des mosaïques vénitiennes, des cristaux et du strass.
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IR
: Voyagez-vous régulièrement en Inde
ou dans les pays voisins ? Vous intéressez-vous a d'autres aspects de la
culture indienne ?
ML : Je connais
déjà un peu l’Inde du sud et certaines îles avec leurs communautés indiennes. Mais je voyage
aussi souvent en Thaïlande, en Indonésie et j’aime aussi beaucoup le
bouddhisme.
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IR
: Connaissez-vous les cultures indo-réunionnaises
ou indo créoles en général ? Envisageriez-vous d'exposer à la Réunion ?
ML : Je connais
l’île Maurice et j’ai insisté à plusieurs fêtes hindouistes, leurs rituels,
leurs méditations et leurs prières. J’aimerais bien
exposer dans l’avenir à la Réunion, ça serait un grand plaisir et un grand
honneur pour moi.
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IR : Quels sont actuellement vos projets
?
ML : J’ai
signé un contrat avec un éditeur en Allemagne. Il va sortir en octobre 2008 un
calendrier d’anniversaire perpétuel avec mes oeuvres, accompagné des poèmes de
la sagesse et de cartes de voeux. Ce sera une fabrication de prestige et en
trois langues. Il y a aussi des
projets avec des compositeurs et musiciens très connus en Angleterre. Relier
leurs magnifiques Mantra-Music avec mes Mandalas, mais pour le moment c’est
encore un projet secret et en construction. Je donnerai plus d’informations
quand ce projet aura pris forme. Dans très peu de
temps, vous trouverez aussi sur mon site (
http://www.marlisladuree.com ), dans la boutique, des reproductions de
mon art, en impression GICLEE (impression numérique à l’unité) en forme de
posters et aussi sur toile. J’ai créé aussi récemment un
groupe d’artistes : l'Association ART MANDALAS. Chaque artiste exprime le
mandala à sa façon et utilise diverses techniques
modernes. Pour moi la philosophie et le but de notre association est de
créer un cercle harmonieux d’artistes qui se ressemblent dans leurs
démarches artistiques. C’est pour créer une énergie commune qui nous
fait avancer dans notre travail et diffuser ensemble nos messages de la
paix et de la beauté à travers des expositions communes vers le grand
public. Et voilà, notre première exposition commune se
tient en ce moment
à Paris aux CENT CIELS. Et bien sûr je travaille actuellement sur de nouveaux mandalas pour
préparer mes prochaines expositions personnelles...
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