Interview
ST. : Je suis passionnée
d’histoire et de patrimoine de l’Océan Indien et en particulier de
La Réunion, titulaire d’une licence ès Sciences de l’Education,
Conseillère principale d’éducation à la retraite et mère de trois
enfants.
DF : Je suis un jeune auteur lyonnais, dessinant principalement pour
le cinéma d'animation, le fanzinat ou l'illustration.
ST : En effet, je suis
auteure de deux romans Cadet de Famille et Noir Café
parus en 2005 et 2008, et aussi, scénariste de la BD Long Ben
en deux Tomes (Long Ben - Cap au Sud et Long Ben - Ile
Bourbon) sortis en 2009 et 2011 chez Orphie Editions.
ST : Mes précédents
livres traitaient : pour le premier, d’une enfance créole dans les
années 1960 dans une cour d’usine sucrière, le second de la vie dans
une habitation pendant l’esclavage, et, le troisième (en deux tomes)
de piraterie et du peuplement de l’île. Lors de mes précédentes
recherches, j’ai remarqué que la présence de l’Inde était réelle
dans notre île et cela depuis le début du peuplement par l’arrivée
d’Indo-Portugaises. La Réunion n’était-elle pas sur la route des
Indes ? Je me suis rapprochée de Michèle Marimoutou qui a beaucoup
travaillé sur le Lazaret et l’Engagisme, qui m’a fait visiter le
Lazaret de la Grande Chaloupe que je ne connaissais pas comme
beaucoup de Réunionnais. C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic.
ST : Non. J’avais juste
envie de partager cette part d’histoire que je venais de découvrir.
Je pense que l’histoire de Jaya, et à travers elle celle de
l’Engagisme, peut intéresser tous types de public.
ST : Ce sujet ne m’était
pas familier du tout. J’ai dû effectuer de nombreuses recherches,
lire et me documenter, consulter des archives et des travaux de
chercheurs sur le sujet. Une longue bibliographie, non exhaustive
d’ailleurs, figure à la fin de la BD.
DF : Sabine m'a fourni énormément de documentation afin de
retranscrire au mieux le bateaux et les paysages de la Réunion.
ST : Le scénario se
découpe en trois parties : la première se passe sur le bateau qui
part de Karikal pour La Réunion avec à son bord plus de cent
cinquanet engagés indiens ; la deuxième se déroule au Lazaret de la
Grande Chaloupe et enfin la troisième partie dans l’habitation qui
finalement accueille Jaya.
ST : Jaya, engagée
indienne est pour ainsi dire une BD à référence historique.
Darshan et moi avons pris quelques libertés pour être plus près du
contexte actuel du Lazaret pour que le lecteur puisse se situer.
Mais elle peut aussi être considérée comme une BD d’aventures
puisque le lecteur peut faire abstraction du contexte historique et
ne prêter attention qu’à l’histoire de Jaya en elle-même.
DF : Oui, tout à fait. Une bande dessinée d'aventures à
référence historique.
© Thirel, Fernando, Des Bulles dans l'Océan, 2011
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IR/LNRI :
Pourquoi le choix de cette jeune héroïne, Jaya ? S'agit-il
d'entrainer l'adhésion à un personnage fragile (mais pas seulement)
et sympathique, ou bien de proposer un personnage résumant à lui
seul l'aventure humaine de tous les engagés... ?
ST : Le personnage de
Jaya s’est imposé à moi. Je ne pense pas que qu’il résume à lui seul
l’aventure humaine des Engagés. Nous n’avons pas voulu faire pleurer
dans les chaumières non plus et garder une certaine distance avec
l’Histoire tout en la racontant.
Bien entendu, l’histoire de Jaya reste dérisoire dans la grande
histoire de l’Engagisme où plus de cent mille Indiens ont traversé
l’Océan Indien pour venir cultiver la canne à sucre à la place des
esclaves libérés, et cela dans des conditions particulièrement
difficiles.
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IR/LNRI :
Darshan Fernando, vous signez ici votre premier album, pouvez-vous
nous donner des détails sur votre technique de travail et sur votre
collaboration avec le coloriste François-Marc Baillet ?
DF : Je travaille
d'abord le découpage au crayon, que je reprends ensuite à la table
lumineuse directement à l'encre de Chine, la plupart du temps.
Les délais de réalisation étant très courts nous avons fait appel à
mon ami François-Marc Baillet, avec qui j'ai l'habitude de
collaborer, pour la couleur.
DF : J'ai adapté mon
dessin au projet dans le sens où j'ai cherché à le rendre plus
accessible, notamment avec des personnages aux proportions plus
réalistes.
© Thirel, Fernando, Des Bulles dans l'Océan, 2011
ST : C’est cela. Cet
album est un plongeon dans un pan de l’histoire souvent méconnue par
la population de l’île. Refaire vivre, même si nous n’y étions pas,
un lieu qui a connu des drames et des mystères est un chalenge. A
part quelques travaux d’universitaires et d’associations, ce Lazaret
a été oublié pendant près d’un siècle et avec lui toute l’histoire
des Engagés indiens, rodriguais, seychellois ou chinois. Oubli
volontaire ou pas, personne ne le sait. Jaya, engagée indienne
n’a pas la prétention d’apporter toutes les réponses au sujet de
l’Engagisme mais il peut être un élément déclencheur, une porte
ouverte vers des questionnements sur l’histoire des Engagés mais
aussi sur l’histoire de la Réunion et de son peuplement. Il peut en
effet être un hommage à tous les hommes et femmes que le destin a
poussés de gré ou de force à venir s’installer sur ce grain de sable
au milieu de l’Océan Indien.
DF : Plein de projets de
bandes dessinées dans les cartons, mais rien de concret pour
l'instant !
ST. : La démarche était de refaire le trajet des Engagés depuis
l’Inde jusqu’à la plantation en passant par le Lazaret. Jaya est
arrivée à destination comme des milliers d’Indiens l’ont fait avant
elle et se sont perdus dans l’anonymat. Aussi, aucune suite à
Jaya n’est prévue pour l’instant.
En ce qui concerne mes projets, plusieurs idées sont à l’étude.
Bien entendu, elles font référence à l’histoire, à un lieu ou à un
personnage emblématique de La Réunion, mais rien n’est arrêté pour
l’instant.
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