Interview
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IR : Isabelle Devin, voudriez-vous pour
commencer vous présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ? Vous avez
fait le choix de vous installer à la Réunion : quelles ont été les circonstances et
les motivations de cette décision ?
ID : Je suis née dans les
Pyrénées et ai fait le choix il y a onze ans de venir m'installer à la Réunion pour
fuir la grisaille, le manque de contacts humains de plus en plus présent en métropole et
vivre sous un climat plus agréable, dans une société multiraciale et multiculturelle,
société dans laquelle j'ai trouvé ma place, une raison d'exister et - chose étrange
pour beaucoup de gens - des racines et une ouverture.
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IR : Comment s'est révélée votre vocation
pour la peinture ? Quelle a été votre formation en ce domaine ?
ID : La
peinture est-elle chez moi une vocation ? L'art oui, la peinture pas précisement, car
lors de ma formation aux Beaux Arts ( deux ans) j'étais fâchée avec la couleur et avais
beaucoup de mal à obtenir mes unités de valeur de couleur . J'ai par la suite fait une
formation de gravure d'art et ai abordé la peinture des années plus tard par la peinture
sur meuble, en restaurant des décors d'horloges comtoises. L'attrait de la peinture sur
toile et la volonté de ne me consacrer qu'à cela ne s'est déclanché qu'ici à la
Réunion, il y a cinq ans.
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IR : Techniquement et artistiquement, comment
définiriez-vous votre peinture ? Quels sont les maîtres que vous admirez, qui
éventuellement sont vos modèles ?
ID : Ma
peinture est figurative, je travaille à la brosse et au couteau . Je ne cherche pas à
faire passer un quelconque message, je peins uniquement pour mon plaisir, en espérant
faire plaisir à ceux qui voient mes tableaux, à ceux qui me font à leur tour le plaisir
de les acheter ; je peins comme je vis, comme je respire, simplement et avec amour...
Des maîtres ? Il y a les peintres que j'aime tout simplement parce que je
suis touchée, émue par leurs toiles, certains, comme les impressionnistes et
néoimpressionnistes chez lesquels j'ai beaucoup appris de la technique de la couleur,
j'adore Van Gogh pour sa spontanéité, mais je n'en prends aucun pour modèle, je n'aurai
jamais cette prétention ; je peins avec ce que je suis, ce que je ressens ; ce que je
fais ne ressemble qu'à moi, du moins je l'espère et j'ose avoir cette prétention !
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IR : En 2000, vous avez séjourné en Inde : quelle(s)
image(s) gardez vous de ce pays, de sa culture... ?
ID : Mon
séjour en Inde en 2000 a été une révélation. Tout d'abord sur place, car j'ai
eu l'impression de me retrouver chez moi de me trouver face à moi-même pour enfin oser
laisser apparaître ce côté oriental que j'avais enfoui bien profondément !!! Quelle
joie de vivre ces trois semaines dans cet environnement coloré, de déguster cette
nourriture aux mille saveurs, de côtoyer un peuple dont la philosophie de vie est si
différente, si proche de la mienne. Du bruit, du mouvement, de la couleur, de la vie, de
la vie, de la vie...
Isabelle Devin devant une de ses toiles
Le Jardin des Arts
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IR : Ce séjour vous a inspiré une série de
toiles, qui ont été présentées lors d'une exposition très bien accueillie à la
Réunion : pouvez-vous nous parler de ces toiles, de vos sources d'inspiration ?
ID : Ce séjour a également permis à ma peinture de se
révéler ; à moi même tout d'abord, car je ne pensais alors pas être capable de
réaliser ce que je fais actuellement. Ce fut une grande surprise et une grande joie pour
moi de peindre mes premières indiennes, joie et surprise accrues après le succès de la
première expo... Mon inspiration : les femmes indiennes pricipalement, car ce sont elles
qui créent la vie et le mouvement dans les rues de par leurs sarees, leurs couleurs ; les
femmes indiennes au quotidien, les porteuses d'eau, la prière, les offrandes, le
repiquage du riz, les tâches quotidiennes en général, ce qui sans prétention crée la
vie...
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IR : Plus récemment, c'est l'île de Sri
Lanka qui vous a accueillie : a-t-elle produit sur vous des impressions comparables à
l'Inde ?
ID : Le
Sri Lanka n'a pas produit sur moi les mêmes effets que l'Inde. Comment cela serait-il
possible ? A mon arrivée à Colombo, j'ai recherché mes repères indiens et j'étais
perdue, déçue car j'étais partie avec cette idée de retrouver l'Inde. Quelle erreur
!!! J'ai heureusement réalisé très vite que j'étais au Sri Lanka, donc aiileurs, dans
une autre culture, au pays de Bouddha ! Que peut-on trouver au pays de Bouddha ? Un peuple
doux, accueillant, d'une grande sérénité, très respectueux de la vie, de l'être
humain.. Quelle joie de rencontrer tous ces moines bouddhistes, enfants ou adultes. C'est
un pays très propre, essayant d'évoluer socialement, offrant aux femmes une certaine
reconnaissance de par la volonté de leur aphabétisation... Un pays à mon avis avec un
très grand potentiel de développement, hélas larvé par la querelle des tigres tamouls
.
C'est un pays pour lequel j'ai beaucoup d'affection, un pays dans lequel j'ai
déposé un fardeau et qui m'a régénérée en calme et sérénité. L'Inde et le Sri
Lanka sont deux pays complémentaires.
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IR : Pouvez-vous évoquer à présent
l'exposition "Inde et danseuses de Maloya", qui a suivi de près ce séjour au
Sri Lanka ? Le titre de cette exposition associe à l'Inde une référence nettement
créole réunionnaise : cette association vous a-t-elle parue évidente ? Qu'est-ce qui la
justifie à vos yeux ?
ID : L'expo
Inde et Sri Lanka n'a pas suivi de près ce voyage, il y a d'abord eu une expo
présentant moines bouddhistes et Bouddha en plus grand nombre.
"Inde et Maloya" : ce titre a été donné parce qu'il fallait trouver un titre
à l'expo dans l'aquelle je présentais trois tableaux par thème, abordant pour la
première fois le Maloya et la culture réunionnaise. Le public a ainsi pu avoir le
repère de l'Inde pour être incité à venir voir l'expo, l'association n'est pour moi
pas évidente car le Maloya fait appel à la référence des esclaves et non à l'Inde .
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IR : D'un point de vue plus large - que celui
de l'artiste peintre - quel regard portez-vous sur les cultures indiennes de l'île ?
Vous ont-elles déjà inspirée ?
ID : Les cultures indiennes de l'île... Elles ne m'ont
pas vraiment inspirée car elles ne font qu'apparaître, cherchant encore leurs racines,
tout au moins la culture tamoule. Quant aux musulmans, je m'en sens plus proche car je
suis, pour ma part, plus attirée par l'Inde du nord, le Rajasthan, la culture moghole,
que par la culture tamoule. Il faut laisser du temps aux Réunionnais d'origine tamoule
pour retrouver leurs véritables racines et culture pour - par la suite - pouvoir créer
une indianité réunionnaise. Pour l'instant, ils n'en sont qu'à leurs balbutiements, en
oubliant hélas trop souvent que l'Inde n'est pas uniquement tamoule... Les générations
à venir le découvriront car elle n'auront plus comme seule référence quelques vagues
souvenirs des anciens... Certaines associations s'y emploient sérieusement.
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IR : Peut-on savoir quels sont à présent vos projets ?
L'Inde ou l'indianité vont-elles encore hanter vos prochaines toiles ?
ID : Mes projets : continuer à peindre, entre autre l'Inde
et l'indianité, en espérant pouvoir m'initier sous peu à la peinture indienne...
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