Interview
MI : Je
suis eurasien, installé dans le sud-ouest de la France. J’ai eu une
formation artistique aux Arts Appliqués à Paris. Je partage aujourd’hui
mon activité entre graphisme, illustration (édition, publicité),
peinture et musique.
MI : Je
crois que c’est très jeune, à travers quelques chansons des Beatles, en
particulier de Georges Harrison, dans les années 60 (!) que le son du
sitar et du tabla m’ont interpellé. Un peu plus tard un ami en partant
en vacances me laisse une énorme pile de vinyles, ce qui me permet de
découvrir en concentré les plus grands artistes des seventies, dont un
album de Ravi Shankar.
MI : Je
suis parti en Inde la première fois en 1978 par la route. J’avais tout
juste vingt ans et c’était avant tout un appel vers la « spiritualité »,
vers mes racines, mais aussi vers la découverte de l’homme et du monde…
J’ai tout d’abord été frappé en Inde par les contrastes extrêmes que
l’on peut côtoyer au quotidien, par exemple dans une rue de Delhi, j’ai
le souvenir d’avoir croisé au beau milieu de la foule, un lépreux qui
n’avait que des lambeaux de peau sur les os, puis aussitôt derrière
marchait un petit groupe de jeunes déesses au sourire éclatant… la mort,
la vie. La conscience que la vie et la mort ne font qu’un…
MI : Mon
ami Philippe et moi-même sommes allé en Inde séparément à diverses
reprises pour étudier la musique. En 2003, de séjour à Kolkata, j’ai
entre autre passé commande d’une Rudra vina pour Philippe auprès d’un
luthier. Il était évident qu’il faudrait venir chercher l’instrument, ce
fut l’occasion incontournable de partir ensemble et de partager enfin
cette passion commune en live.
MI : Sur
place j’ai fait quelques croquis et des portraits ou caricatures que
j’offrais ensuite. J’ai surtout fait pas mal de photos avec un petit
automatique pour avoir des bases et de la matière. Ensuite au retour
m’inspirant de ces photos et de mes souvenirs, j’ai d’abord dessiné mes
illustrations au trait puis les ai mises en couleur, tout cela sur
ordinateur à l’aide d’une tablette graphique. Pour moi le geste est le
même qu’avec un pinceau, juste l’outil diffère. J’ai ensuite fait au fur
et à mesure les mises en page, en intégrant des textures, les textes
etc.
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IR
: Ceci dit, c'est avant tout en tant que musicien que vous avez accompli
le voyage évoqué dans Au Rythme du Raga : comment s'établit, pour
vous, le lien entre musique et dessin, travail graphique ?
MI : Le
graphisme au-delà d’une passion est devenu depuis longtemps pour moi un
moyen de subsistance. La musique par contre est toujours restée
« secondaire » mais complémentaire et toujours présente. C’est une
énergie vitale. Je n’ai jamais cherché à en vivre même si j’ai joué
parfois avec des professionnels. J’écoute beaucoup de musique en
travaillant, de tous styles. Le lien s’établit pour moi dans ces deux
pratiques par la constance, l’improvisation, la créativité, le plaisir,
la curiosité…
MI : J’ai
démarré le tabla il y a environ une quinzaine d’années, d’abord avec un
ami anglais tabliste qui m’a transmi les bases des frappes, puis cinq
ans plus tard j’ai eu la chance de rencontrer mon maître actuel Pandit
Shankar Ghosh dans un festival de percussions en France. Je suis depuis
son enseignement par des stages puis également chez lui en Inde. Cette
pratique en dehors de l’amour de l’instrument et de ses sonorités
uniques me conserve les neurones en éveil ! En effet il faut être bon en
langue pour apprendre ce jargon (Dhatuna ketetaketake tirekite…), bon en
maths pour maîtriser les formules rythmiques qui peuvent être très
complexes, il faut aussi une mémoire d’éléphant pour engranger ce
vocabulaire. Sans parler de ce que cela demande physiquement, un vrai
yoga ! Globalement le tabla m’apporte une assise, un axe de vie, paix et
énergie.
Concernant le pakhawaj, l’ancêtre du tabla, j’aime sa sonorité
grave et profonde et c’est la percussion nommée pour accompagner la vina
de Philippe dans le style Dhrupad, d’où mon intérêt.
MI : Parmi
les musiciens indiens je n’ai pas vraiment de préférence, je suis
surtout attiré par le son des instruments et l’expression qui en découle
comme le sarod (Amjhad Ali Khan), la flûte (Hariprasad Chaurasia), le
sarangui, le shenaï, la vina, le chant etc .Il y a tellement de bons
interprètes en Inde, j’ai l’impression de pouvoir en découvrir sans
cesse et des très jeunes ! J’admire et apprécie surtout des musiciens
que je côtoie pour ce qu’ils m’offrent en leur écoute et qualité
humaine.
Concernant l’occident, il y en aurait trop à citer ! J’aime la
musique qui m’élève et m’apporte inspiration, ouverture et énergie…
MI :
Évidemment quelques concerts ou tout devenait intemporel, les moments
denses dans la petite pièce de musique de Manik Munde, maître de Pakhawaj,
et sinon particulièrement les moments où, après avoir bien pratiqué, nous
partions à l’aventure avec Philippe à la rencontre de l’Inde.
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IR : On sent poindre, à travers
les lignes rédigées par Philippe Puget, une dimension spirituelle dans
l'approche de la musique, dans le voyage lui-même... : partagez-vous
cette attitude ?
MI : Tout
à fait, c’est je crois ce qui nous lie avant tout. « La musique élève
l’âme ».
Je pense que la musique comme le voyage sont de bons outils pour
apprendre sur soi-même et sur les autres.
MI : Je
pars le mois prochain en Inde me ressourcer et me recharger
d’inspiration, les sens en éveil. Rencontrer des amis musiciens et
pratiquer bien sur… Rencontrer des éditeurs indiens pour que la version
anglaise du livre voit le jour internationalement. Aussi continuer à
exposer mes peintures sur l’Inde en France et ailleurs… J’ai également
un projet de carnet de voyage sur le Vietnam.
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