Interview
- IR : DJ Ganesh, pouvez-vous tout d'abord vous
présenter aux visiteurs du site ?
DJG : Nom : Ramin, prénom : Ganeche, d'où Ganesh , âge :
28 ans , né de parents indiens de Pondichéry.
- IR : Quelles ont été les différentes
étapes de votre carrière musicale ?
DJG : Je suis passé du saxophone aux platines en l'espace
de dix ans, j'ai commencé vers 19 ans à m'intéresser à la musique comme forme
d'expression. J'ai joué dans un groupe de blues : "Blue Vibes", puis de funk,
"Cosmic Slop", ensuite j'ai tripé dans du funk psyché dans "Fuzz 2
Fly", s'en suit "d-fé" groupe de métal afro ; aprés quoi il y a eu DJ
Ganesh et un projet plus récent "Drav'indianz".
- IR : Quelles influences musicales
reconnaissez-vous ou revendiquez-vous ?
DJG : Hendrix, Funkadelic, Karsh Kale, Talvin Singh, Ravi
Shankar , Zakir Hussain, Bill Laswell, Miles Davis, Coltrane, Badmarsh and Shri,
Fundamental, Rage against the Machine, Body Count et bien d'autres...
- IR : La musique indienne est, depuis des
décennies, utilisée dans des expériences de "fusion" (jazz, celtique...) :
quel regard portez-vous sur cette musique (indienne et fusion) ?
DJG : Les mélanges sont parfois intéressants , par exemple
Miles Davis dans Bitches Brew, mais souvent décevants quand ils ne retiennent
que le côté superficiel de la musiqe indienne (George Harisson).
Prenons encore la musique hip hop qui pille dans le patrimoine indien que ça soit Dr Dre
ou Missy Elliot, là encore il y a du détournement de la musique indienne qui à la base
est spirituelle, et là elle devient limite vulgaire, pro-commerciale. Ceci ne veut pas
dire que les fusions actuelles R'n'B ne sont pas bonnes, d'ailleurs je remercie tous ces
artistes qui samplent car c'est aussi grâce à eux qu'il y a une sensibilisation des
auditeurs moyens à l'Asian sound.
- IR : Techniquement, artistiquement, comment
expliqueriez-vous votre musique, rencontre de "tradition" indienne et de techno
?
DJG : Oui c'est vraiment une rencontre entre le son
traditionnel (sitar, flûte, tablas, nagaswaran...) et les sonorités techno actuelles
(house, jungle, breakbeat) avec une utilisation des platines vyniles pour le côté
classique et l'emploi d'un pc portable comme une ouverture vers l'avenir
technologique. Je mixe de la lounge indienne, du hip hop /bhangra Asian, puis je
passe à des rythmes plus speed, genre 2step breakbeat, j'enchaîne sur de la house, puis
je fais un pont vers la jungle drum'n'bass, toujours en gardant un lien logique qui est
l'Indian vibe que j'apporte avec des samples sortant de mon pc. En fait je n'ai pas de
style défini, j'aime la bonne zic électronique, je l'utilise comme un support pour
véhiculer des émotions indiennes. Il 'marrive souvent de créer la surprise en passant
des morceaux tamouls de pur folklore "kouteu", en plein milieu de set quand le
public est chaud.
- IR : La scène house et techno à Paris
s'ouvre rarement à des créateurs de couleur : comment cette situation est-elle vécue
par un Tamoul comme vous ?
DJG : L'ariste George Clinton a intitulé un de ses albums :
Paint the White House Black !, concernant la Maison Blanche au States, eh bien
pour la house et la techno c'est pareil , faudrait y mettre un peu plus de couleurs ! Et
je ne parle pas des deux, trois blacks ou métis qui sont là pour jouer les clowns ou
amuser la galerie. Je devais jouer pour une boîte américaine à Paris (je ne leur ferai
pas de pub), je leur envoie la démo, et puis ils me demandent d'envoyer des photos,
quelques jours plus tard , plus de réponse...
La musique techno est à l'origine née à Detroit par des mains noircies suant le funk et
aujourd'hui on ne voit plus qu'un cartel de blancs qui tient le devant de la scène. Pour
faire partie du milieu et y arriver plus facilement, il vaut mieux être blanc, bi, aimer
les drogues et être bien entouré, bref avoir du fric !
- IR : De manière générale, et plus
seulement sur le plan musical, vous sentez-vous pleinement intégré dans la société
française ? La vie d'un Indien à Paris est-elle facile ?
DJG : On ne peut parler vraiment d'intégration quand on est
issu d'une autre culture et qu'on s'adapte à un nouvel environnement ; il est évident
que pour se faire valoir dans la société quand on est indien, il faut assurer partout ,
sinon personne ne te respecte. J'ai souvent entendu : " T'es pas comme les autres
Indiens..." Pourquoi le fait de faire de la musique serait t il interdit à un Indien
? Pourquoi n'y aurait il pas de dj indien ? En fait, on n'aime bien les Indiens en France,
surtout quand ils ne font pas de bruit. La vie est ce quelle est, je ne peux pas me
plaindre de cette situation, il y a toujours pire quand tu y réfléchis.
Pour la musique, tu peux toujours jouer dans un vieux bar miteux , mais dès que tu veux
aller plus haut, on te fait comprendre poliment que tu n'as pas la bonne tête ; mais ça
ne m'empêche pas de continuer car j'ai justement envie de prouver par a + b que les
Indiens peuvent assurer aussi dans ce domaine.
- IR : Quels sont vos liens, si loin du pays
ancestral, avec la culture indienne : habitudes alimentaires, vestimentaires,
comportementales, culturelles, familiales... ?
DJG : La société occidentale m'a perverti dans mes
habitudes alimentaires, ça ne m'empêche pas de me taper des restau indiens. Côté
vestimentaire, je porte une tunique indienne avec des habits streetwear, des
t-shirts asian ... Pour les habitudes culturelles, j'enlève mes chaussures avant de
rentrer chez moi, je ne me coupe pas les ongles le mardi et le vendredi , et plein
d'autres trucs ... J'ai un "canar" tableau à l'entrée de la maison
représentant un personnage effrayant pour repousser le mauvais oeil...
- IR : Vous restez attaché à la religion
hindoue, qui est encore loin, en France, d'une reconnaissance comparable à celle que
rencontrent les grandes religions monothéistes ou même le bouddhisme : comment
vivez-vous cette marginalité et votre pratique religieuse ?
DJG : Je suis croyant, mais je ne peux pas dire pratiquant
à 100%, donc je n'ai pas forcément de contraintes. Le fait de pratiquer une religion qui
ne s'est jamais exportée par la force, donne au caractère marginal une autre dimension.
- IR : Que savez-vous de la Réunion et des
communautés d'origine indienne qui y vivent ? L'île pourrait-elle devenir une prochaine
destination pour le DJ que vous êtes ?
DJG : Je sais qu'à la Réunion, nombreux sont les frères,
les cousins éloignés, et c'est pour eux aussi que je me bats derrière les platines,
afin qu'ils n'aient plus de chaînes à leurs pieds, avec le troisième millenaire, les
chaînes sont virtuelles, donc pas forcément visibles... Le fait de venir jouer sur
l'île me comblerait de joie, dés qu'une occasion se présente je n'y manquerai pas ! Si
vous avez des plans , n'hésitez pas à me mailer sur mon site (http://www.djganesh.fr.st).
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