Interview
CR : J’ai
vingt-deux ans, je suis étudiante et directrice de l’édition 2008 du
festival « Rencontres de la danse indienne en France » qui aura lieu à
Montpellier les 11 et 12 octobre prochain. J’étudie personnellement la
danse Odissi depuis plusieurs années en France et en Orissa.
CR : Je la dois à mes parents ! Mon père, Alain Romero, étant
musicien, il s’est intéressé très jeune à la musique classique indienne.
Avec ma mère, il a habité environ un an en Inde alors qu’ils n’avaient
qu’une vingtaine d’années. Ils ont tous deux étudié à Bénarès, mon père
le violon et ma mère la danse kathak. Après ma naissance, mon père a
repris le chemin de son style originel, le jazz, et ma mère a arrêté de
danser pour m’élever. Mais ils ont gardé un grand amour pour cette
culture, et ma mère ne ratait pas une occasion de m’emmener voir un
spectacle de danse.
Plus tard, quand j’ai découvert que je pouvais moi-même apprendre
cette danse, alors tout a commencé !
CR : C’est le premier style qui a croisé ma route. Mais je pense
maintenant que c’est le style qui me correspond le mieux.
CR : Tellement de choses ! La danse est un chemin
qui dure toute la vie, on ne cesse jamais d’apprendre ! C’est un
émerveillement permanent…
La danse indienne est d’une incroyable variété, elle est à la fois
musicale, esthétique, dramatique ; elle est liée à la poésie, à la
sculpture, à la philosophie… Les apports se situent donc sur une
infinité de plans.
Par la technique de danse pure, se crée une sorte d’harmonie entre
le mouvement et le monde qui permet au danseur de transcender son
individualité pour devenir un passeur de l’universel.
La partie narrative est basée sur une observation fine et généreuse
de l’être humain, c’est une exploration des émotions, et plus
généralement de l’humanité, fabuleuse !
CR : Oui bien sûr ! L’histoire de l’Odissi est de toute façon faite
d’évolutions ! Ce style a été en grande partie perdu lors des invasions
successives de l’Orissa, et les chorégraphies actuelles sont des
créations contemporaines de maîtres de danse comme Guru Kelucharan
Mohapatra, qui ont constitué le répertoire commun des danseurs actuels.
Sur cette base, il y a aujourd’hui en Inde et en Orissa une grande
activité créatrice, beaucoup de compositions sont élaborées chaque
année, mais toujours dans ce respect de la tradition, c’est à dire de la
transmission du savoir des génération précédentes.
Ici, du fait de la mixité culturelle, le contexte pousse
naturellement à explorer des pistes nouvelles. Et c’est très bien !
Cependant, je pense que nous manquons peut-être de la rigueur indienne
(je veux dire par là une pratique personnelle assidue pour l’élaboration
et l’entretien d’une base technique suffisante), sans laquelle tout cela
peut vite mener nulle part… Je pense que la qualité de doit pas être
perdue de vue, même si ici le public n’est pas aussi connaisseur qu’en
Inde, il mérite aussi de voir de beaux spectacles !
CR : Tout d’abord mon professeur indien et la façon qu’il a
d’enseigner, de toujours me faire comprendre de façon précise le
mouvement juste. La générosité du système de transmission indien de
maître à disciple est quelque chose d’unique au monde.
Sur un autre plan, j’apprécie beaucoup le travail chorégraphique de
Madhavi Mudgal et la qualité de sa présence sur scène.
De façon générale, j’admire tous les artistes qui dansent avec leur
cœur, car danser doit avant tout être une joie que l’on partage. Je
pense qu’au-delà de la technique, lorsqu’un danseur réussit à développer
des qualités humaines, il devient digne de la plus grande admiration.
CR : Il y a beaucoup de danseurs basés en France, qui se sont
passionnés pour ces danses et qui, après des séjours en Inde, se sont
mis à enseigner ou à se produire de façon professionnelle et amateur.
Cependant, aujourd’hui toutes ces pratiques restent dispersées, sans
lien fédérateur qui pourrait leur donner le retentissement qu’elles
méritent. Ce festival est donc une première initiative pour tenter de
rassembler ces danseurs et amateurs, permettre les échanges et les
rencontres, encourager le développement d’une forme de cohésion. C’est
aussi un moyen de faire connaître ces danses et leurs interprètes du
grand public et des diffuseurs, mais également d’encourager la création,
la recherche…
CR : Sans hésitations, c’est sa diversité. Plus qu’un spectacle, le
festival permet d’aborder les danses indiennes de la façon la plus
complète possible au travers de stages, d’ateliers musicaux, de
découvertes d’autres techniques corporelles, de conférences et débats,
d’expositions, scènes ouvertes et spectacles…
Nous avons aussi la chance d’accueillir des spécialistes réputés,
notamment pour les conférences, et des danseurs venus spécialement
d’Inde, mais également d’excellents artistes locaux.
CR : Oui, à chaque spectacle que j’ai pu faire ou auquel j’ai pu
assister, j’ai vraiment ressenti un grand engouement. La danse indienne
s’adresse à tous, car elle contient une multitude de facettes qui vont
toucher chacun selon sa propre sensibilité : certains remarqueront le
travail rythmique, d’autres apprécieront la finesse de la gestuelle,
d’autres encore seront charmés par la partie mimée où également par la
dimension spirituelle de la danse… La danse indienne parle aux gens,
car, malgré une forte empreinte culturelle, son langage reste universel.
Ce festival s’adresse donc à tous, autant aux amateurs et au public
averti qu’aux simples curieux !
CR : Je dirais que c’est un événement exceptionnel car c’est le
premier du genre en France ! Sans aucun doute, c’est un très beau moment
de danse qui s’annonce…
CR : Au niveau de l’association, nous souhaitons continuer à
promouvoir les danses indiennes en France par le biais l’organisation de
nouvelles éditions, et par la mise en place d’autres actions. A plus
long terme, j’ai en tête la mise en place d’un pôle français dédié aux
danses indiennes…
Personnellement, je souhaite m’orienter dans les années à venir
vers une pratique professionnelle de la danse. Suite au festival, j'ai
décidé de me lancer à 100% dans la danse. J'ai donc arrêté mes études à
Paris et je pars cinq mois en Inde fin novembre.
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