Interview
IA : Française, née dans un milieu culturel
indien à Paris, j’ai commencé ma formation en danse par le Bharata
Natyam à l’âge de cinq ans. Parallèlement, j’ai aussi été formée en
piano, solfège, harmonie, contrepoint, art dramatique et danse classique
pendant de nombreuses années jusqu’à mes études universitaires où j’ai
développé mon goût prononcé pour les langues.
IA : Mes parents ont créé en 1975 le Centre Mandapa, qu’ils dirigent
toujours. C’est un centre culturel qui a pour but de promouvoir les arts
traditionnels du spectacle, de toute culture. Mais mes parents ont
toujours eu une passion pour l’Inde. Les concerts, récitals de danse...
ont par conséquent une importante connexion avec l’Inde. Nous avons
également une école de danse indienne, où deux styles sont maintenant
enseignés, le Bharata Natyam et Kathak (depuis 1993).
Après de nombreuses
années d’études de Bharata Natyam au Centre Mandapa avec différents
professeurs, j’ai découvert le Kathak en 1998 avec Sharmila Sharma,
disciple de la légende vivante du Kathak Pandit Birju Maharaj. Sharmila
enseigne au Mandapa depuis 1993.
Elle a d’ailleurs participé au festival indien à l’Île de la
Réunion, organisé par mes parents avec le soutien de l'ICCR(1)
en 1992 à Saint-Denis.
IA : Boursière des gouvernements indien (ICCR) et français (EGIDE) en
2001, je suis partie à New Delhi pour étudier le Kathak à la source, à
l’institution gouvernementale Kathak Kendra, auprès du maître Pandit Jai
Kishan Maharaj, fils aîné du célèbre Pandit Birju Maharaj. La bourse
était pour un an, mais étant inscrite dans un cursus de trois ans, je
décidai de rester. J’obtins ainsi le Honours Course Diploma (2004),
alors réservé aux étudiants indiens, et le Post Diploma (2006). La
formation était complétée de cours de chant, tabla et yoga.
J’ai également été boursière du Ministère français de la Culture en
2003 pour les Études Chorégraphiques, ce qui me permit d’entreprendre
des recherches sur l’origine du Kathak, son évolution et ses liens avec
d’autres cultures. C’est alors que j’ai commencé à chorégraphier sur des
musiques non-indiennes (arabo-andalouses, religieuses, persanes...),
montrant ainsi les cultures qui ont influencé le Kathak, et vice versa.
En 2007, j’ai créé ma compagnie de danse « Kaléïdans’Scop ». Je
fais également partie des danseurs de Kathak solistes reconnus par le
gouvernement indien (ICCR).
IA : Le Kathak, style classique du nord de l’Inde, est le seul style
à avoir une double influence, hindoue et musulmane. Autrefois dansé dans
les temples comme bien d’autres styles de danse indienne pour retracer
les histoires des dieux du panthéon hindou, c’est vers le XVème-XVIème
siècle qu’il prend toute l’élégance et la virtuosité qu’on lui connaît
encore aujourd’hui. Ce moment correspond avec l’invasion du nord de
l’Inde par les empereurs Moghols. Le Kathak est alors dansé à la cour
des empereurs, et par des femmes, et devient une style tout à fait
profane. Un nouveau répertoire se crée, mêlant chants d’amour (ghazal)
et virtuosité technique, car son but est de divertir.
Le Kathak se distingue des autres styles de danse indienne par ses
successions de pirouettes, de jeux de rythmes complexes, de frappes de
pieds qu’on peut apparenter au « zapateado » du flamenco, et sa manière
unique de scander les onomatopées avant de les mettre en mouvement. Il
offre également au danseur une grande liberté d’interprétation des
rythmes scandés.
IA : Tout à fait. Principalement dans le nord de l’Inde, à Delhi bien
sûr, où il existe plusieurs écoles, la principale étant Kathak Kendra.
Mais aussi dans l’Uttar Pradesh, le Madhya Pradesh et un peu au
Rajasthan (Jaipur). Il est pratiqué aujourd’hui aussi bien par les
femmes que les hommes, et a gardé deux répertoires, hindou et musulman.
IA : Pour le passé, l'on peut se reporter à ce que
je disais dans l'une des réponses précédentes, en évoquant notamment le
tournant du XVème-XVIème
siècle.
Actuellement, il subit
encore une évolution, car c’est un style très libre, bien qu’il se base
sur une technique précise, mais une grande variété de mouvements et
d’interprétation est apportée par les maîtres actuels qui perpétuent la
tradition.
Il existe aussi des compagnies indiennes qui apportent un nouveau
souffle au Kathak, basé sur la recherche et le mouvement, la
chorégraphie. Un Kathak sorti de son univers traditionnel, plus
contemporain.
IA : Le Kathak est devenu pour moi un moyen d’expression corporelle
puisqu’il est à la base de mon travail chorégraphique. Il m’aide à me
réaliser en tant que danseuse sur scène, professeur car je l’enseigne
aussi, et en tant que chorégraphe.
IA : Un spectacle que je donnais en Inde, à Chandigarh, lors d’une
tournée dans le cadre des Alliances Françaises en 2004.
A la fin de la représentation, une femme est venue avec sa fille me
féliciter dans la loge. Et en me voyant de plus près, elle s’est rendue
compte que je n’étais pas indienne. Mon nom et ma peau blanche sur scène
ne l’avaient pas surprise pendant le spectacle.
IA : Mon maître Pandit Jai Kishan Maharaj, pour sa générosité dans
son enseignement.
Sinon, la liste serait longue !
IA : Le Kathak est, à mon avis, l’un des styles de danse indienne les
plus difficiles. Il requiert plus d’une dizaine d’années d’études. Et
j’ai l’impression que plus on avance dans son apprentissage et son
expérience du Kathak, plus il y a à découvrir et à perfectionner.
IA : La musique, indissociable de la danse ! Le cinéma...
IA : Danser, faire partager ma passion au plus grand nombre... et
pourquoi pas à l’Île de la Réunion... où le Kathak n’est pas aussi
populaire que le Bharata Natyam par exemple.
(1) : ICCR: Indian
Council for Cultural Relations.
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