Interview
SKM :
Tolten – slam, nattuvangam, programmation
Avant d'arriver
au slam je suis passé par différents styles de musique (punk rock, jazz,
rap, etc.). Lorsque j'ai découvert ce mouvement, au début des années
2000, je m'y suis engouffré car, d'une part j'ai toujours écrit des
textes, et d'autre part j'ai pu me reconnaître dans les valeurs
véhiculées par celui-ci (parole ouverte à tous, contestation sociale,
liberté totale dans la forme du texte, coté underground...). Aujourd'hui
le slam est à la mode et les choses ont un peu changé mais l'esprit du
mouvement est toujours là. Avec SKMilega, je ne pratique pas du slam à
proprement parler (à la base le slam c'est du texte sans musique) mais
par convention nous utilisons ce terme car je pose dans « l'esprit slam
». Pour les besoins du groupe je me suis aussi essayé au chant et au
nattuvangam. En ce qui concerne la programmation, cela fait des années
que je bidouille (instru hip hop, musique de courts métrages, etc.).
J'apporte quelques sons pour Sab Kuch mais c'est surtout Aurélien le
maître d'œuvre.
Hélène Frankel - Bharata-Natyam contemporain, Voix
J'ai commencé la
danse à quatre ans : danse classique puis très vite danse
contemporaine... J'ai tout de suite aimé la liberté et la créativité de
ce style... J'ai beaucoup travaillé sur l'improvisation (CCN
Montpellier, T. Raymond, C. Kronn...). Très intéressée par le langage
des mains et l'expression du visage au cours de mes recherches, j'ai
découvert, il y a dix ans, le Bharata-Natyam, tout d'abord au centre
Kalarimandalam de Montpellier, puis à Paris (Vidya au centre Mandapa) et
Marseille (Lalitha), enfin à Varanasi en Inde (Alok Pandey pour le
Bharata-Natyam, Madhu Misra pour le Kathak).
Olivier Privat - Oud, Sarod, Harmonium, Santur, Voix
J'ai développé
au gré de mes voyages les répertoires traditionnels d'Afrique du Nord,
d'Asie Mineure, d'Asie centrale ainsi que de l'Inde. J'ai étudié la
musique orientale avec Mohammed Selmi ainsi qu'auprès des membres de
l'Institut Supérieur de Musique de Sousse en Tunisie. J'ai étudié la
musique d'Inde du Nord, le Sarod auprès d'Anshuman Maharaj, le Santoor
auprès de Devi Prasad Sonker à Varanasi (Inde). Je suis également
membre de l'Orchestre Populaire Méditerranée, du groupe Art Vida
(chanson méditerranéenne), de la compagnie La Grande Bleue (théâtre
musical) et de la compagnie Les Ailes M'en Tombent (théâtre).
Aurélien Defrain - Tablas, Pakawaj, Tar,
Programmation, Voix
J'étudie depuis
quinze ans les percussions africaines et latines, puis les
percussions indiennes depuis dix ans à Varanasi et Hoshangabad avec
Pdt Ravi Tripathi (Tablas), V.K Chandrachoodamani (Mridangam), et
Prahlad (Dholak). Je profite de mes voyages pour enregistrer sons et
ambiances que je sample et retraite sur ordinateur. Je travaille les
rythmiques traditionnelles en électronique ou encore cherche à faire
sonner les rythmes plus occidentaux sur ces percussions classiques. La
texture des sons m'intéresse beaucoup, autant celui des tablas que celui
d'un bélier hydraulique. Pour moi, l' un n'est pas plus sacré que
l'autre, seule son utilisation révèlera le sacré qui est en lui. Hare
Om.
SKM : Nous nous sommes
rencontrés au sein de l'Orchestre Populaire Méditerranée. Au cours d'un
programme sur le thème de la "route de la soie", nous avons commencé,
tous les quatre, à créer un répertoire mariant danse Bharata-Natyam,
Slam, Musique indienne et électronique. Et ça a collé entre nous tout de
suite, ça coulait de source, ce qui nous a amené à élaborer notre propre
spectacle et à aller faire un pèlerinage sur les rives du fleuve sacré
la Narmada (MP - India).
-
IR : Comment
définiriez-vous les orientations artistiques, musicales,
chorégraphiques, de votre groupe ?
SKM : Nous
sommes à la recherche de ce qu'il y a d'universel dans la tradition.
Nous nous inspirons du répertoire du Bharata-Natyam (danse classique la
plus ancienne de l'Inde), des musiques carnatiques et hindoustanis ainsi
que des arts oratoires ancestraux (mantras, bols...). La rencontre de
cette matière première avec les univers musicaux et chorégraphiques de
chacun (rap, dub, ambient, hardcore, danse contemporaine...) enrichit le
vocabulaire du groupe.
-
IR :
Comment, avec toutes
les différences qui vous caractérisent, se passe concrètement la
création d'un morceau ? Comment s'opère la fusion - si le terme est
approprié - entre vos tendances diverses ?
SKM : Nous
ne suivons pas toujours le même développement. Certains de nos morceaux
sont inspirés de pièces traditionnelles, d'autres d'influences
contemporaines (électro, slam...), d'autres d'ambiances vécues en Inde
ou ailleurs... Ensuite, c'est avec l'inspiration de chacun et en
fonction de l'instant que les morceaux se construisent. La fusion
s'opère d'elle-même, les frontières entre tradition et modernité restent
mouvantes.
SKM : Le
"slam" est né
Quand l'homme a commencé à parler.
Au début était le son puis vint le sens
l'essence de l'existence
ce qui amène la transe
Avec la musique et la danse
On touche la transcendance
Olivier : Nous voyageons en Inde depuis
une dizaine d'années pour étudier la musique. Lors de ces voyages nous
avons ramené bon nombre d'instruments. Moi c'est les instruments à
cordes : le sarod et le santur. Plus tard, pour les besoins du groupe et
ayant fait du piano étant jeune, je me suis mis à l'harmonium.
Aurélien : En découvrant l'Inde, j'ai découvert les tablas, puis me suis
hasardé dans la foule des percussions qui abonde dans le pays, comme le
pakhawaj, le mridangam ou le dholak.
Nous avons reçu l'enseignement traditionnel auprès de nos maîtres
et utilisons ces connaissances dans nos compositions. Mais nous nous
inspirons aussi d'autres cultures musicales : méditerranéennes, persanes
et occidentales.
Hélène : Comme je l'ai expliqué plus
haut, je suis issue de la danse contemporaine... mon approche du
Bharata-Natyam en est forcément marquée... J'aime la rigueur, la
rythmicité, la haute technicité, l'aspect dévotionnel de cette danse
indienne, mais m'autorise toute forme de fusion avec celle-ci... et mon
professeur Alok Pandey m'y encourage ! J'ai souvent été confrontée à une
forme de rigidité et de fermeture dans le milieu de la danse indienne
traditionnelle. Je respecte les traditions mais je suis née en France et
ai ma culture chorégraphique propre. Ces deux aspects ne sont pas
contradictoires, mais s'enrichissent mutuellement...
SKM : Nous
nous inspirons aussi bien des Dâgar Brothers, de Nusrat Fateh Ali Khan,
de Priyadarsini Govind, de rituels hindous et bouddhistes que de Shakti,
André Minvielle, Boby Lapointe, High Tone, Baudelaire, Magma, Asian Dub
Fondation, Hubert Felix Thieffaine, Sidi Larbi Cherkaoui,
Shahrokh Moshkin Ghalam... On ne peut pas parler vraiment
de modèles mais plutôt d'une culture musicale et chorégraphique commune.
-
IR :
Sab Kuch Milega incarne
une rencontre entre Orient et Occident, entre tradition et modernité :
au fond, quel est à vos yeux le sens de cette rencontre, son sens
esthétique, philosophique peut-être... ?
SKM : On n'est pas dans une recherche
esthétique, plutôt à la conquête d'un nouveau langage plus vaste... et
en prenant toujours en compte l'émotion suscitée au public...
L'art n'a pas de frontière, on peut percevoir les influences des
cultures entre elles. Faire voyager, voyager par, pour et avec l'art
c'est la possibilité d'échanger, de dialoguer au-delà des mots.
L'art est fait pour être continuellement en mouvement. Shiva n'a
pas attendu les nouvelles technologies pour créer le son et le temps. Le
rythme donné par un damaru ou un séquenceur peut être le même. Ce ne
sont que les outils qui évoluent.
SKM : Non, cela veut simplement
dire que le groupe s'est en partie construit lors d'une semaine de
résidence dans une cave cévenole !
Aurélien & Olivier : Nous avons eu
l'occasion, voilà quelques années, de jouer avec une chanteuse native de
la Réunion, et nous avions développé un répertoire mariant maloya,
musique orientale et méditerranéenne. Nous avions même eu l'occasion,
lors d'un festival en Arles, de rencontrer Danyèl Waro ainsi que ses
musiciens, et d'échanger quelques notes après leur concert.
SKM
: Dans le milieu des gens s'intéressant à l'Inde en France
métropolitaine, on rencontre beaucoup de personnes de La Réunion... Nous
serions ravis de nous y produire !
SKM : Voyager avec la musique et faire un
album.
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