Interview
SG :
Bonjour, ma vie passée évoque l’instabilité
géographique, l’art, la littérature, la musique, une curiosité insatiable et un
amour plutôt inconditionnel d’une idée de la liberté. Quelqu’un qui à l’image de
l’humanité cherche son chemin vers un mieux être dans le tumulte de la vie.
SG :
J’ai beaucoup voyagé entre vint et trente ans,
principalement vers l’ouest de la vieille Europe : Antilles, Amérique du Sud,
centrale et du Nord. Je partais sans argent et travaillais sur la route à faire
tout un tas de boulots qui ne m’ont pas toujours nourris correctement mais qui
m’ont toujours permis de mieux comprendre une partie du monde qui m’entoure. A
trente ans, après diverses expériences puissantes de la route, lassé des
Amériques, d’un continent m’ayant fait douter des simples mots
amour
et fraternité,
il m’a semblé opportun d’aller voir ailleurs si je n’y étais pas. J’avais eu de
multiples discussions sur l’Inde dans cette période « Amérique », et il va sans
dire que comme on va chercher de l’allothérapie à la pharmacie, on va chercher
de la spiritualité en Inde. Cliché, mais partiellement fondé.
SG :
Ces voyages sont avant tout ma parenthèse de
liberté, coupé des mauvaises nouvelles du monde mais plus que jamais connecté à
cette merveille au milieu des étoiles : l’Homme. Un point d’arrivée et de
retour, et entre ces deux vols « open jaw » je me laisse aller en grande partie
aux aléas et aux improvisations du voyage. Maintenant ce que m’apporte le plus
ces voyages ce sont des courbatures, mais heureusement pas seulement. Il y a les
multiples connaissances acquises et à y acquérir, les plaisirs offerts aux cinq
sens, une idée assez claire de ce qu’est l’éphémère des années à ne pas gâcher.
L’Inde fait éclater nos certitudes et nos convictions, nous ouvre au monde de la
Maya, du jeu des illusions dont parle si bien Tagore : « L’illusion est la
première apparence de la vérité ». Dur combat auquel on doit tous faire face, et
que l’on gère avec plus ou moins de succès dans nos quotidiens.
SG :
La spiritualité est un chemin vers ce qui nous
relie à l’ensemble. Peut-être que le sentiment d’amour de la vie, des vivants et
de soi-même est-il le plus proche de celui de la plénitude spirituelle. Un, mais
AVEC le tout.
SG :
Des dizaines plus ou moins importantes mais qui
m’ont construit tel que je suis, éléments de mon puzzle identitaire, toutes
comparables à un des petits morceaux de bois constituant une belle Tour Eiffel
en allumettes. :)
-
IR
: Vous vous passionnez aussi pour la culture indienne et, singulièrement,
pour un patrimoine souvent dédaigné : les affiches et autres formes d'expression
graphique... Les affiches constituent-elles selon vous une clé ouvrant sur une
meilleure compréhension de l'Inde ?
SG :
Je ne pense pas que l’affiche ait cette puissance
de serrurier. Néanmoins la compréhension de la question et ma réponse étant tout
à fait subjectives, oui peut-être et sans doute que l’affiche permet toutefois
et parfois de témoigner de réalités du pays, que ce soit de l’hystérie
pyromaniaque de la Diwali et l’amour du pays pour la fête et l’arrachement de
doigts, que ce soit le niveau infographique des artistes digitaux de l’industrie
de Bollywood, ou que ce soit la propension à vouloir être plutôt clair que foncé
de peau. Cela et bien d’autres éléments de la pensée indienne se retrouvent en
effet sur les murs du pays. Mais ce serait peut-être plutôt la connaissance
générale de la nation Inde qui en général permet de décrypter une affiche, moins
souvent l’inverse.
SG :
Après quatorze ans à
collecter du graphisme indien (posters, cartes postales, images) j’ai amassé
quelques milliers de documents dont on peut voir une partie sur mon site
internet www.posters-india.com ainsi qu’une partie dans
mon livre publié aux éditions Georama et s’intitulant
L’Inde s’affiche.
De ces affiches sont nées diverses activités, vente, prêts à expositions,
collaborations avec le musée d’Epinal et très prochainement avec le musée de
Vichy pour une expo qui commencera en avril et s’intitulera… L’Inde s’affiche.
SG :
Le but était de rendre l’ouvrage final encore
plus fluide dans l’approche du sujet. En bref, le premier ouvrage
La couleur des Dieux
avait pour but d’offrir une série de petites histoires, légendes et métaphores
de l’Inde au travers d’une série de courts textes écrits par un professeur de
yoga, Mathieu. J’avais alors fait le travail de recherche graphique et de mise
en page. Le deuxième ouvrage Dieux et
Déesses de l’Inde, première version, a
été pour moi le challenge de rendre plus claires et accessibles les grandes
lignes de l’hindouisme mais aussi d’évoquer les autres religions majeures telles
que l’islam, le christianisme, le sikhisme, le bouddhisme et le jaïnisme. Cet
ouvrage a finalement rencontré un vif succès. Le troisième volet de ce triptyque
est God is pop.
N’aimant pas répéter une formule existante, je voulais un livre différent des
deux autres, je voulais aussi depuis un certain temps faire connaître certains
passages de textes sacrés. J’ai donc profité de ce troisième opus pour
sélectionner un ensemble de textes (védas, puranas, Bhagavad-gita, Ramayana …..) que j’ai posés sur des visuels plutôt pop que j’ai créés pour
l’occasion, tâchant au mieux d’allier la force de la tradition écrite à un
visuel plus que progressiste. Le titre,
God is pop,
est un clin d’œil au visuel résolument pop, mais c’est aussi « Dieu est
populaire, Dieu appartient à tous, au peuple, Dieu doit être accessible ». Et je
suis quelque peu déçu que cet ouvrage n’ait pas mieux marché, non seulement
parce que c’est le plus personnel mais aussi parce que dans l’ensemble de ma
sélection de textes, chacun de nous a une phrase qui l’attend, une phrase ayant
le potentiel de nous porter à un mieux-être quasi-instantané. Dommage, et pas
grave. Mon éditeur m’a ensuite soumis l’idée de réaliser à partir de ce
triptyque un nouvel ouvrage, unique, et j’espère qu’il l’est :) L’idée était de
restructurer l’ensemble pour en faire un livre cohérent, facile d’approche et
pédagogique. J’ai donc travaillé pendant un mois à la réalisation d’un nouveau
chemin de fer (l’ordre des pages), changer quelques visuels du premier ouvrage,
et travailler de nouvelles pages pour l’intro et l’outro. Et voilà Dieux et
Déesses de l’Inde, nouvelle version.
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IR
: Cet ouvrage réussit, semble-t-il, à concilier les deux facettes de votre
amour pour l'Inde : affiches (et graphisme) et spiritualité... Le mariage
pouvait sembler improbable, et pourtant il fonctionne. Quel est le "secret" de
ce mariage réussi ?
SG :
God is beauty, God is great !
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IR
: Ce qui frappe énormément lorsqu'on lit ce livre, ou même qu'on le
feuillette seulement, c'est une esthétique très particulière, mêlant les codes
des chromos hindous à ceux du Pop Art, dans une tonalité souvent psychédélique :
pourquoi ce choix esthétique ? En quoi contribue-t-il au "message" porté par
votre ouvrage ?
SG :
Selon le Bouddha « il n’y a rien de constant si ce n’est le changement ». Rien
ne s’inscrit dans l’éternité. Et comme c’est la question aux réponses (presque)
toutes faites je citerai Krishnamurti : « Tout est sacré ou rien ne l’est », qui
est aussi la phrase posée en quatrième de couverture de mon troisième ouvrage
clôturant le triptyque sur les religions de l’Inde chez Almora, God is pop
et dont vous évoquez le caractère un peu psychédélique. En fait j’avais besoin
de m’amuser face à mon écran :) Dans Dieux et Déesses de l’Inde, nouvelle
version, environ 75 % de La couleur des dieux ont été retenus, 100 % de
Dieux et Déesses de l’Inde première version et seulement 25 % de
God
is pop. Néanmoins ces 25 % trouvent toute leur puissance au milieu des
autres sujets tirés des deux premiers ouvrages, et ça c’est très plaisant.
SG :
C’est d’Inde où je suis actuellement en pleine
enquête que je vous réponds. C’est le quatrième voyage que j’effectue dans le
cadre de mon prochain livre concernant tous les types de tatouage en Inde.
Tatouage urbain, populaire ou tribal, ce sujet me conduit aux quatre coins et
aux mille recoins de l’Inde. Plein de rencontres passionnantes et tout comme
pour les affiches : un patrimoine à sauver urgemment, dans certains cas de
tatouages tribaux. Plein de rendez-vous avec l’histoire présente et passée.
Alors je continue, et me donne encore au moins cinq ans pour finaliser ce livre
car le chemin étant souvent plus intéressant que le but, je repousse ce dernier
et profite des expériences qui me sont offertes en chemin. RAM RAM...
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