Interview
CT : Je suis née à Paris, dans une
famille avec des vraies valeurs de vie, vérité, bonté, respect ; ces
valeurs guident toujours ma vie, et surtout au travers de mes spectacles
pour le public.
Après avoir découvert, à cinq
ans, une paire de chaussons de danse dans une malle du grenier de mes
parents, j'ai dit à ceux-ci que je voulais être danseuse ; on m'a
inscrite à l'école de danse de Rambouillet ; notre professeur nous à
emmenés voir un spectacle de danse à l'opéra de Paris : La Belle au
Bois Dormant… C'était avec le fabuleux Rudolf Noureev et Noëlla
Pontois. J'étais émerveillée par tant de beauté, de grâce. La danse est
devenue une passion à l' âge de dix ans, je faisais trois à quatre cours
de danse par jour. Je me suis dit que je réussirais par mes efforts,
pour apporter du bonheur au public. Certaines personnes pensent que la
danse classique c'est beaucoup de travail, oui c'est sûr, mais quand on
le fait avec son cœur, on s'oublie, on est dans une démarche altruiste,
on trouve de la joie dans le travail et on rentre dans une autre
dimension.
A coté de la danse, un jour, un producteur de cinéma m'a remarquée
et j'ai tourné un court métrage : Comme un oiseau Blessé, avec le
mime Marceau. Le producteur a dit à mes parents que je devais continuer
dans le cinéma, mais j'ai préféré la danse. Je suis rentrée au
Conservatoire Supérieur de la Danse de Paris, à l'âge de onze ans, avec
une dérogation car j'étais plus jeune que les autres. A seize ans j'ai
été acceptée dans ma première compagnie, le Ballet Théâtre Français de
Nancy, puis au Royal Ballet de Flandre, et enfin Maurice Béjart m'a
remarquée, et j'ai incorporé alors l'un des plus grands ballets pour des
tournées dans le monde entier. J'ai donc dansé sur les plus
prestigieuses scènes mondiales.
Après un accident au genou, j'ai eu l'inspiration d'écrire mes
propres chorégraphies. Ce fut un besoin aussi fort que de devenir
danseuse, une évidence ; ce n'est pas quelque chose que j'ai cherché,
c'est comme un destin. Quand j'étais danseuse j'étais timide, je parlais
peu, j'écoutais beaucoup. En tant que chorégraphe, je peux dire tout ce
que j'ai envie de dire, créer me permet de continuer aussi ma propre
évolution personnelle, en me servant du matériel, pour évoluer plus vite
au niveau spirituel et de continuer par mes spectacles à sortir les gens
de leurs soucis quotidiens, au moins l'espace de deux heures.
CT : La danse, c'est le
troisième poumon, c'est la cinquième dimension, c'est l'alphabet sacré,
c'est tout ça, la danse ; et pour mon rapport avec elle, c'est un
magnifique outil d'évolution personnelle et universelle. Un proverbe
hindou dit : « Si un dieu hindou ne savait pas danser, il finirait par
tomber dans l' abime de la fadeur. »
CT : Travailler avec
Maurice Béjart, un maitre.
CT : Notre
compagnie est une compagnie privée. Je n'ai pas encore intéressé les
responsables des subventions... Un inspecteur de la danse (délégué de la
culture) m'a dit que je n'étais pas assez contemporaine et qu'il me
conseillait d'arrêter, ce que je n'ai pas fait bien sûr, car j'ai la
chance d'intéresser le public et de lui plaire, du moins tous ceux qui
viennent, et qui ont vu mes créations, car la Direction des Affaires
Culturelles ou autres instances publiques ne font absolument rien pour
nous aider ; on nous propose ou impose des salles de spectacle, des
mardis, des jeudis, très rarement le week-end, même des dates calées
longtemps à l' avance nous sont supprimées au dernier moment...! Aucune
information, ni dans la publicité des théâtres... Nous sommes en
association loi 1901, mais cela n'empêche pas que l'on nous fait payer
très cher les salles, autour de 1900 euros la soirée...
... Voilà pour la ville rose. Donc c'est très difficile de faire
venir le public, sans rédactionnels médiatiques, mais aussi ces mêmes
supports coûtent très cher. En France, la culture servant à l'évolution
des êtres est réservée à une minorité et aux institutions et n'est a
priori pas la priorité des médias, qui préfèrent les spectacles
scandales, provocateurs, et morbides...
Donc cela tient presque du miracle quand le public voit que l' on
se produit, Mais notre motivation est grande !
CT : Parce que l'Inde est
le berceau de toutes les formes de danse, et cet art y est millénaire.
La Bayadère fait partie du répertoire classique et la musique est
classique, de Léon Minkus. J'ai trouvé intéressant de créer un spectacle
d'inspiration indienne, mais seulement avec des musiques hindoues et une
histoire complètement différente, avec un mélange de chorégraphies
néo-classiques et contemporaines.
CT : A Paris j'avais pris
des cours de danse indienne, mais lorsque je chorégraphie, j'essaie
d'oublier tout ce que j'ai appris comme forme de danse, c'est la musique
qui me donne les mouvements, pour moi c'est la vraie chorégraphie. La
plupart des chorégraphes créent des gestes techniques et ensuite
cherchent des musiques pour placer leurs gestes... Cela se voit, et
s'entend. Pour moi la musique a une grande importance puisque je ne peux
chorégraphier que sur des musiques qui me font vibrer. On peut dire que
je suis un chorégraphe d'inspiration organique, j'ai aussi des flashs de
ce que je dois faire, tout mon être est dans ma création et c'est un
bonheur de le partager avec mes danseurs mais aussi avec toute l'équipe,
car je ne suis pas seule : la création est un travail d'équipe qui va du
directeur artistique, Ricardo Pineiro, au directeur administratif, Jean
Luc Wahl, à la styliste Yvonne Beaugé, et aussi avec le corps des
danseurs, leurs façons de bouger, leurs personnalités, leurs caractères,
tout cela fait partie de la création. Moi-même chorégraphe je ne suis
qu'une pièce du puzzle dans cette univers.
CT : L'Inde a toujours
fasciné les peuples par son mystère, sa spiritualité, sa poésie, ses
légendes et sa réalité. Le dieu Shiva est considéré comme le maitre dieu
de la danse. Etant donné que l'Inde est le berceau de toute forme de
danse, ce n'est pas étonnant qu' elle ait inspiré les créateurs de La
Bayadère, et je ne pense pas qu'elle ait été un simple prétexte
exotique, bien que cela corresponde à une tendance de l'époque, avec un
contexte romantique.
CT : Mon
ballet Nirvana fut déjà une rencontre avec le coup de foudre pour
plusieurs musiques indiennes, qui m'ont inspiré une histoire sortie de
mon inconscient, mais aussi un travail d'archive, par exemple pour la
danse de la déesse au Lotus : c'est très symbolique car cette fleur nait
dans les marais (du néant) pour devenir une fleur de lumière,
symbolisant aussi l'espoir de l'être humain dans le monde actuel à
s'épanouir comme le lotus... aussi mes propres démarches spirituelles
pour atteindre plus de sagesse, de paix : en quelque sorte le
« Nirvana ».
CT : En
attirant les gens sur la recherche de leur propre essence, derrière une
histoire merveilleuse, alors simplement en les amenant à réfléchir à la
source de toutes choses, à la racine du monde, on peut bien entendu les
amener à réfléchir sur l'état de notre planète, qui n'est que le reflet
des pensées et des actions humaines, pour les amener à réfléchir sur la
voie que Gandhi a payé de sa vie pour nous éclairer. Voilà aussi
pourquoi la culture est primordiale, pour cultiver les êtres...
CT : Pas pour le moment,
mais l'Inde sera toujours dans mes chorégraphies par des gestes, des
symboles aussi profonds que millénaires.
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