Interview
CG :
Née
en France métropolitaine, je suis descendante d’engagés indiens de quatrième
génération. Ma famille a quitté l’Inde il y a près de cent cinquante ans
pour travailler en Guadeloupe ; ils
sont partis de Pondichéry et de Calcutta.
J’ai
toujours vécu en Métropole mais je vais en Guadeloupe au moins une fois par an
pour rendre visite à mes parents qui y sont retournés il y a une vingtaine
d’années. Diplômée en finance d’entreprise, j’ai travaillé pendant quatorze ans pour une grande
banque française avec plusieurs années à postes de management et coaching mais,
depuis l’année dernière, j’ai quitté cet emploi pour créer Zen Development
Services Pvt Ltd.
J’ai
toujours eu un fort intérêt pour les questions sociales : j’ai été membre d’un
réseau féminin de cadres de la finance et marraine pour « Nos Quartiers ont des
Talents ». Je continue donc dans cette voie en tant que coach-formatrice.
CG :
Je
suis allée en Inde pour la première fois il y a un peu plus de sept ans et je me
suis sentie chez moi. Depuis, je n’ai pas arrêté d’y aller, quinze voyages en tout,
pour découvrir différentes régions, cultures, pour du tourisme ou pour
rencontrer la diaspora lors de l’annuel Pravasi Bharatiya Divas.
Il y
a deux ans, j’ai pris un congé sabbatique pour y passer plus de temps et faire des
recherches sur ma famille ; au retour à Paris, je ne souhaitais qu’une chose,
aller y vivre. J’ai fait un bilan de compétences qui m’a permis de définir un
nouveau projet professionnel combinant mes aspirations et mon expertise
professionnelle. Je me suis ensuite lancée dans une nouvelle vie qui peut
sembler risquée mais qui est la suite logique de mon parcours professionnel et
personnel.
CG :
En
fait, cela n’a pas du tout été dicté par le passé français de la ville. Je suis
partie durant l’été et c’est la seule région qui ne reçoit pas vraiment la
mousson. Par ailleurs, c’est une ville internationale, moins traditionnelle,
donc c’était plus facile pour moi de m’y installer seule. Je ne pensais y rester que deux ou trois mois avant d’aller explorer les opportunités à Delhi et
Calcutta, mais au bout de trois semaines, j’ai décidé de m’y installer. Cette ville
me rappelle beaucoup la Guadeloupe et je m’y sens bien.
CG :
Zen
Development Services Private Limited est une société de coaching dont l’ambition
est de rendre les individus libres : * En
développant plus de justice sociale dans la société ; * En
permettant à chacun de découvrir d’où il vient, qui il est et l’aider à trouver
sa voie ; * En
permettant à chacun de développer son potentiel professionnel.
Nous
avons trois programmes : *
Meet
Your Roots : services pour la diaspora indienne avec une aide à la recherche
généalogique et l’organisation de voyages de retour aux sources ; *
Develop Yourself : coaching et formation pour des individuels, des entreprises
et des ONG ; *
Open
Up to Life : organisation de voyages spirituels.
CG :
Oui,
il y a un engouement croissant pour la recherche d’identité et cela est aussi
vrai pour les Antillais. Beaucoup de gens veulent venir découvrir le pays de leurs ancêtres, veulent
faire le lien entre la culture indienne qu’ils connaissent en Guadeloupe et les
pratiques en Inde.
Néanmoins, il peut y avoir une certaine réticence, des peurs et c’est pour cela
que je veux les aider à franchir le pas.
CG :
Nous
accompagnons cette quête d’identité, car notre clientèle est confrontée à une
culture qui a été celle de leurs ascendants mais qui n’est pas la leur. Pour
certains, il y a rejet total ou une implication absolue dans cette nouvelle culture.
Le voyage « Meet Your Roots » leur permettra de visiter le pays tout en rendant
hommage à leurs ancêtres. Ce n’est pas une démarche neutre et je sais que cela
peut bouleverser notre vision de la vie. En tant que coach, je veux permettre
aux gens de bien vivre ce moment et accueillir ce qui vient.
Les voyages thématiques permettent une approche selon leurs loisirs, besoins
professionnels, etc.
-
IR : Dans
ce cadre vous proposez notamment une aide à la recherche généalogique, en
particulier à destination des Français, des Domiens, d'ascendance indienne :
qu'est-ce qui vous a poussée à cette initiative et en quoi consiste exactement
votre action dans ce domaine ?
CG : Quand
je parlais à mes amis de mes recherches, ils me posaient beaucoup de questions
et souvent ne savaient pas comment s’y prendre pour leur recherche, c’est ce qui
m’a donné envie de proposer ce service.
Il faut être méthodique et ne pas se limiter à la lignée paternelle, explorer
toutes les pistes possibles. Ayant moi-même fait mes recherches, je les fais profiter de mon expérience.
CG : Je
travaille en partenariat avec une agence de voyage indienne qui a un réseau dans
toute l’Inde et aura bientôt un bureau à Paris. J’ai
aussi des prestataires locaux à Pondichéry où je suis installée, à Yanaon ainsi
qu’à Calcutta.
CG : Le
Pravasi Bharatiya Divas est un événement annuel d’envergure qui permet au
gouvernement indien d’échanger avec sa diaspora. Tout
le monde peut y participer, nul besoin de faire partie d’une association ou
d’avoir une entreprise.
En tant que femme, cette année était particulière avec une session sur les
femmes et l’égalité des sexes mais aussi la présence de la Première Ministre de
Trinidad & Tobago, Mme Persad Bissesar, qui était invitée d’honneur et a fait
des discours très inspirants. J’ai
pu faire la promotion de « Meet Your Roots » et j’ai eu de bons retours sur
cette initiative, que ce soit au niveau de la diaspora ou du gouvernement indien.
CG : Je
trouve cela formidable et enrichissant d’échanger avec des personnes originaires
de l’Inde mais vivant dans différents pays. On se
ressemble tous beaucoup et, en même temps, on est différent car on a une autre
culture dominante et nos ancêtres ne sont pas partis pour les mêmes raisons ni
dans les mêmes conditions. Dans
beaucoup de pays, la diaspora indienne a un poids économique et politique
important mais ce n’est pas encore le cas en France.
CG : Le
Ministère des Overseas Indian Affairs a été créé en 2004 pour faire le lien
entre l’Inde et sa diaspora. Il faut savoir qu’il y a plus de vingt millions
d’Indiens ou de personnes d’origine Indienne vivant à l’étranger.
Il y a plusieurs programmes comme Know India Program pour les jeunes ou les
bourses d’études en Inde. Il y a un travail de fond fait avec et pour la
jeunesse. Les
liens sont de plus en plus importants et s’ils étaient auparavant de nature
économique, ils évoluent vers une intégration de cette diaspora qui a de plus en
plus de droits en Inde et à qui on demande de revenir. Après la fuite des cerveaux des années 60, on assiste au retour des compétences. Il y
a bien sûr toujours à faire mais surtout au niveau de la diaspora qui manque
d’unité et ne parle pas d’une seule voix au moment opportun, ce qui est dommage.
CG : Les
Indiens sont toujours contents de voir des personnes d’origine indienne revenir
vers eux. Les officiels apprécient les projets liés au retour aux sources et au tourisme. Il y
a un sentiment de fierté mais aussi d’étonnement et de curiosité de la part des
particuliers : la France est perçue comme un pays libre et riche, comparée à
l’Inde, alors pourquoi ce lien fort avec l’Inde, pourquoi vouloir s’y installer ?
CG : En ce
qui concerne « Meet Your Roots » : J’ai
fait beaucoup de lobbying au sujet de la carte PIO et je continue à travailler
avec l’Ambassade de de l’Inde pour que le gouvernement indien accepte
l’utilisation des documents d’état civil français pour prouver nos origines
indiennes. Nous
assisterons bien sûr tous ceux qui le souhaitent dans leur démarche. Continuer à être la voix de la diaspora indienne francophone en rédigeant des
articles pour les magazines indiens India Empire et Janamitra. Nous
proposons un premier voyage « Meet Your Roots » en octobre, d’autres suivront en
2013. Le détail sera prochainement sur notre site
www.meetyourroots.fr
Le
programme « Develop Yourself » se focalisera sur le coaching localement en Inde
et l’accent sera mis sur le leadership au féminin. Enfin, dans le cadre du programme « Open Up To Life », un voyage est prévu en
septembre 2012 avec une formation animée en anglais mêlant le spirituel et le
développement personnel. Pour
autant, je ne me coupe pas de la France et de la Guadeloupe, bien au contraire,
car les enjeux sont les mêmes : faire connaître notre histoire et aider chacun à
trouver sa juste place dans la société.
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