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Avertissement
: ce texte sera publié en plusieurs livraisons, dont la première
est constituée de la page n°1.
Séverine
Renaud est en dernière année au département
conservation restauration de l’école supérieure d’arts d’Avignon. Étudiante,
il lui faut soutenir en octobre 2006 son mémoire de fin d’études. Voici ce
qu'elle déclare :
"Souhaitant participer à la connaissance des cultures du monde, et ayant
découvert par hasard l’architecture hindoue à la Réunion, mon sujet s’est
tout naturellement porté sur le problème de la conservation des temples
hindous de l’île.
Novice en la matière, je me familiarise depuis un an avec la
culture indienne et l’histoire de la Réunion. Il me manque néanmoins une
somme d’informations concernant les coutumes religieuses hindoues et la
rénovation des temples, ainsi que la possibilité de faire une étude de
terrain en accord avec les propriétaires d’un temple.
Par l’intermédiaire de ce site, j’espère amener des gens
(associations de temples par exemple) à m’offrir leur aide et leurs
conseils, pour finalement participer à la compréhension d’un domaine qui
semble peu connu, la conservation restauration, et sensibiliser la
population de la Réunion au patrimoine culturel que sont les temples
hindous.
Préparant un nouveau séjour sur l’île qui me permettra d’étudier
une « chapelle d’établissement », et de faire quelques prises de vue (si
l’autorisation m’en est donnée) afin d’appuyer mon discours, je compte un
peu sur la bonne volonté de toutes les personnes pouvant m’apporter leur
aide et leur soutien, et prendre d’ores et déjà quelques rendez- vous. Pour
me contacter :
[email protected] "
Indes réunionnaises se propose donc, d'une part, de relayer les
demandes formulées ici par Séverine Renaud, dont le projet semble de toute
évidence des plus intéressants, et d'autre part de publier, sous forme de
"feuilleton", les textes qu'elle aura élaborés au cours de ses recherches.
En voici une première livraison, une présentation globale de son
sujet et de la problématique qui en découle.
Terre métissée, par ses
climats et paysages différents, la diversité des peuples qui s’y côtoient et
s’entremêlent, l’île de la Réunion est une véritable mosaïque géographique
et ethnique.
Récemment découverte, et rapidement colonisée, elle a vite fait
l’objet d’un développement économique par la culture des terres, propices
aux plantations de café et de cannes à sucre, et n’a donc pas échappé au
besoin de main d’œuvre fournie par les esclaves, puis par les travailleurs
engagés sous contrats. Ceux-ci ont été recrutés en majorité dans les
campagnes de l’Inde du sud, par des traités signés entre les gouvernements
français et anglais.
Engagés sous contrats renouvelables tous les cinq ans, il a été
néanmoins difficile pour ces travailleurs Indiens de retourner dans leur
pays. Comme il a été épineux de s’adapter et d’être accepté au sein de la
société réunionnaise.
Empreints d’un important rapport au sacré, le seul moyen pour eux
de préserver les liens qui les unissaient à leur terre et leur culture, a
été de recréer autour d’eux un espace religieux, dans lequel ils ont pu
pratiquer leurs cultes hindous. Malgré la nécessité de se convertir au
catholicisme par souci d’intégration, la pratique de deux cultes différents
était relativement courante.
Ainsi, dans toutes les plantations de cannes à sucre, des petites
chapelles de bois et de paille se sont construites, s’étalant au fil du
temps jusque dans les villes.
Aujourd’hui, si l’on se
réfère à l’histoire des temples hindous sur l’île de la Réunion, ainsi
qu’aux nombreux ouvrages traitant de la population et de l’architecture
indienne, on se rend vite compte de la formidable expansion de cette culture
à travers ses lieux de culte. Influencée, sur l’île, par les apports
occidentaux, elle a elle-même grandement contribué à l’évolution du paysage
réunionnais.
Construits par les premiers engagés indiens sur les plantations de
cannes à sucre, les premières chapelles ont fait l’objet d’inlassables
modifications, reconstructions, rénovations. Je laisse de coté pour le
moment le cas des temples urbains qui ont subi une totale réhabilitation,
pour ne m’intéresser qu’aux témoins du passé.
Si aujourd’hui il ne fait aucun doute de la valeur de certains
temples en Inde qui sont classés Monuments Historiques, rien n’est moins sûr
quant à la reconnaissance des chapelles d’établissement comme monuments
historiques. Alors que le patrimoine indien de la Réunion fait de toute
évidence partie de la société française, il ne bénéficie pas d’une
protection patrimoniale, au même titre que certaines maisons coloniales. La
question de rénovation, différente de celle de conservation, n’est posée
qu’au sein même des associations régissant les temples.
Le but de ma recherche
est donc de démontrer, à travers une étude historique et sociologique, que
les temples hindous de la Réunion, spécialement ceux que l’on appelle
chapelles d’établissement, témoignent d’un passé commun à plusieurs
cultures, et de faire ressortir, de ce fait, l’importance historique de ces
monuments. A travers le constat d’état d’une de ces chapelles, proposer un
traitement de conservation et de restauration qui serait en harmonie avec la
culture religieuse hindoue, afin de sensibiliser la population indienne et
française à ce patrimoine historique, avant qu’il ne disparaisse sans
laisser de traces. Et cela, sans entraver l’évolution des constructions
religieuses alentour.
Toute la problématique du
sujet tient alors à cette seule question : peut- on considérer les chapelles
d’établissement issues de la période d’engagisme, comme des monuments
« méritant » d’être conservés et restaurés ?
Je ne peux que déterminer pour le moment ce que l’on entend par
« monument », « conservation » et « restauration », en faisant référence à
deux auteurs ayant traité ce sujet.
Selon Aloïs Riegl (« Le culte moderne des monuments »), au sens le
plus ancien et véritablement originel du terme, on entend par monument une
œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but précis de conserver
toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures, le
souvenir de telle action ou telle destinée.
Est monument historique toute œuvre humaine tangible et visible
présentant une valeur historique.
La valeur historique d’un monument réside dans le fait qu’il
représente pour nous un stade particulier, en quelque sorte unique, dans le
développement d’un domaine de la création humaine.
La question de la conservation restauration ne se pose en outre que
dans le cas de ce que l’on appelle œuvre d’art. Cesare Brandi (« Théorie de
la restauration ») en donne une définition : l’œuvre d’art est un produit de
l’activité humaine mais qui diffère profondément de toutes les autres. Cette
nature particulière se reconnaît dans une illumination, un éclair de la
conscience. L’individu qui l’éprouve découvre en même temps l’obligation de
transmettre cet objet aux autres. La différence entre l’œuvre d’art et
l’objet ordinaire, et par conséquent, la différence entre la restauration et
la réparation, n’est pas une affaire de matériau ou de technique ; elle
tient uniquement à la reconnaissance de l’objet comme œuvre d’art.
La conservation restauration constitue le moment méthodologique de
la reconnaissance de l’œuvre d’art, dans sa consistance physique, et sa
double valeur esthétique et historique, en vue de sa transmission aux
générations présentes et futures ; chaque restauration est de ce fait un cas
à part et non une série de cas analogues.
La conservation est l’action entreprise pour retarder ou prévenir
la détérioration ou les dommages que les biens culturels sont susceptibles
de subir. Ceci se fait au moyen du contrôle de leur environnement et du
traitement de leur structure, pour les maintenir le plus possible dans un
état de stabilité.
La restauration est l’action entreprise pour rendre l’objet
détérioré compréhensible, en sacrifiant au minimum sont intégrité historique
ou esthétique.
Par ailleurs, la restauration est régie par des chartes et un code
déontologique, car il est apparu évident qu’une restauration menée sans
critères techniques et moraux expose les œuvres à de graves dangers.
Charte
d’Athènes ( Pour la Restauration des
Monuments historiques, adoptée lors du premier congrès international des
architectes et techniciens des monuments historiques à Athènes en 1931),
à l’article concernant la mise en valeur des monuments, elle recommande la
suppression de toute publicité, de toute présence abusive de poteaux ou fils
télégraphiques, de toute industrie bruyante, même des hautes cheminées, dans
le voisinage des monuments d’art ou d’histoire.
Pour ce qui nous concerne, ces mêmes hautes cheminées doivent
rester à leur place prés des chapelles d’établissement : elles permettent de
mettre en exergue le caractère historique du lieu, de montrer que la
population de travailleurs dans les plantations a survécu à la société
coloniale, a conservé son système de pensées et de valeurs originels, tout
en l’adaptant au contexte local.
Le monument est de ce fait inséparable de l’histoire dont il est le
témoin et du milieu où il se situe.
Enfin, il va sans dire que la meilleure garantie de conservation des
monuments leur vient du respect et de l’attachement des peuples eux même.
Par une meilleure information, s’intéresser à la protection des témoignages
d’une civilisation.
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