Réflexions sur
la question indoguadeloupéenne
Olivier MOUNSAMY

                           Dans les années  1970s/1980s, le mouvement identitaire en Guadeloupe avait une orientation exclusivement « négriste ».

La Guadeloupe politique, intellectuelle, bref, l’establishment Guadeloupéen ignorait volontairement ou non que notre pays n’était pas peuplé que de Nègres descendants d’esclaves Africains.

C’est dans ce contexte que commencent à se manifester les militants de l’Indianité. Il s’agissait certainement , d’aller à contre courrant du mouvement dominant, et de rappeler à la Guadeloupe qu’elle comptait en son sein des descendants d’immigrants Indiens qui eux aussi contribuaient à son développement et à l’existence du peuple Guadeloupéen.

Fatalement, autour de cette manifestation identitaire, se greffèrent des concepts que la situation de l’époque justifiait. Il fallait non seulement montrer à la Guadeloupe toutes les facettes de cette Indianité, à travers des conférences et autres manifestations à caractère culturel, mais il fallait en même temps tout faire pour « sauver la race », car c’était par elle que ce véhiculait la culture des Indiens de Guadeloupe.

N’oublions pas que toutes les grandes revendications Nationales excluaient les IndoGuadeloupéens, qu’il s’agissent du combat pour la reconnaissance du Créole ou de la lutte Anticolonialiste. Le Créole était Nègre, la Guadeloupe était Nègre, le Gwoka était la musique Nationale, nous étions tous des descendants d’Africains, voire des Africains tout court.

L’ « Indien de Guadeloupe » n’avait donc guère d’autre alternative que d’opérer un repli sur lui même et craindre toute éventuelle évolution du pays.

Des associations apparurent et s’attachèrent d’une part à conforter chez l’Indien tout ce qui faisait de lui un Guadeloupéen différent des autres culturellement, et d’autre part à diffuser cette culture auprès des autres composantes de la société.

Ce travail a porté des fruits et aujourd’hui, on ne peut pas dire que le fait Indoguadeloupéen soit ignoré par qui que ce soit. Bien au contraire, beaucoup de non Indiens s’y intéressent de plus en plus, et pour des raisons diverses.

Mais aujourd’hui le danger vient de l’intérieur .

En effet on assiste depuis quelques années à l’émergence d’un nouveau courrant identitaire Indoguadeloupéen , fruit sans doute d’une ouverture sur l’extérieur mal contrôlée et d’une Indianité mal assumée.

Des Indoguadeloupéens , aidés par d’autres compatriotes tentent d’implanter dans notre pays, un Hindouisme de type nouveau.

Leur démarche consiste à dénigrer les pratiques religieuse traditionnelles Indoguadeloupéennes ; celles-ci seraient d’un autre temps («  d’après les « écritures ») et il faut donc que la Guadeloupe se mette elle aussi à l’Hindouisme Brahmanique, c’est à dire l’hindouisme pur, moderne.

Ainsi, l’apparition de nouvelles pratiques religieuses comme le « Shiva ratri (fête du Dieu Schiva), ou encore le « Diwali »(fête des lumières) sont présentées avec une malhonnêteté déconcertante comme étant des fêtes Guadeloupéennes.

Mais plus grave selon nous est que ce courrant coïncide avec la mise en place de la nouvelle politique de l’actuel Gouvernement Indien d’obédience intégriste Hindoue, dont voici quelques grandes lignes :

-         répandre l’Hindouisme Brahmanique partout où c’est possible et par tous les moyens,

-         faire de tous les descendants d’Indiens et surtout des pays riches, des citoyens Indiens à part entière en leur octroyant la double nationalité afin qu’ils se considèrent avant tout comme des « enfants de la mère patrie »,ou membre de la diaspora indienne, et contribuent ainsi au développement  non pas de leur pays natal mais de l’Inde,

-         créer partout où c’est possible un lobby Indien.

La menace est bien réelle car il existe bien en ce moment dans notre pays des inidus qui partagent ces objectifs .

Cela nous ramène à la sempiternelle rivalité entre Inde du sud et Inde du nord, entre Dravidiens et Indo-Aryens.

Rappelons simplement :

-         que les pratiques religieuses traditionnelles Indoguadeloupéènnes puisent leur origine dans l’Inde profonde qu’elle soit du nord ou du sud,

-         qu’aujourd’hui encore et contrairement à ce que prétendent certains, ces pratiques ont cours en Inde et dans d’autres pays ayant où résident des descendants d’Indiens,

-         que certains citoyens Indiens en découvrant notre Indouisme Guadeloupéen n’ont pas pu s’empêcher d’exprimer leur émotion de voir que nous avons préservé à travers des siècles ce qui chez eux n’a pu résister totalement à l’hégémonie du nord.

Par conséquent, personne d’ici ou d’ailleurs n’a le droit d’essayer d’imposer des modèles venus d’ailleurs.

Il y a certainement la place dans notre pays pour un Hindouisme Brahmanique, mais son implantation ne doit pas se faire au détriment de et en dénigrant l’Hindouisme Guadeloupéen authentique et de toute la Culture qu’il véhicule.

Il y a certainement la place pour la « Shivaratri », la « Diwali », et toutes autres pratiques culturelles ou religieuses Hindoues venues d’ailleurs ; mais cela doit se faire dans le cadre d’un élargissement des connaissances sur la Grande Tradition, d’une ouverture sur celle-ci, mais en complémentarité de nos pratiques traditionnelles, et non pas en ayant à les abandonner. Et cette cohabitation des pratiques traditionnelles et des pratiques dites modernes est tout à fait possible.

Evitons de transposer en Guadeloupe, le modèle Indien où la domination du Nord Aryen sur le Sud Dravidien s’exerce sans aucune retenue.

Aujourd’hui la question IndoGuadeloupéenne ne peut se poser ni comme dans les années 70/80s, ni d’après l’actualité de l’Inde ou d’ailleurs.

Afin d’éviter toute dérive il faudrait se poser une question fondamentale :

Qu’est- ce-que l’Indianité Guadeloupéenne ?

Pour y répondre, il faudrait répertorier tous les éléments culturels propres aux Indoguadeloupéens, c- à-d ceux hérités de  la période de l’immigration et ainsi on pourrait les distinguer des faits culturels récemment introduits. 

Elle doit trouver son encrage dans la réalité profonde Guadeloupéenne.

Il s’agit avant tout d’un problème Culturel et il convient d’être prudent afin de ne pas gommer tout le travail fait au cours des années précédentes pour faire accepter par tous ce fait culturel Guadeloupéen .

La commémoration de l’arrivée des premiers Indiens n’aurait pas de sens si elle ne consistait pas essentiellement à valoriser tous ces faits culturels authentiquement Indoguadeloupéens ainsi que ceux qui les perpétuent quotidiennement :

Les « tapou kalen » (tanbouyés), les «  matalon kalen » (joueurs de matalon), les «talon kalen » (joueurs de talon), «les kenbè kabrit », les « koupè kabrit », les « pousali », les « vatialou », les cuisiniers, les danseurs et danseuses, bref tout ceux qui avec tambour mais sans trompette perpétuent quotidiennement la tradition laissée par ceux de 1854…

Il convient de tout faire pour que l’intégration des IndoGuadeloupéens se poursuivent en évitant  la manifestation violente des rivalités ethniques qui existent bel et bien encore même si elles s’affirment moins ouvertement. Les campagnes électorales ponctuées  soit par le vote Indien ou le vote anti indien sont là pour nous le rappeler.

Sauver ce pan de notre Culture Nationale ne se résume pas à « sauver la race » ; il faut être réaliste et admettre que le métissage est incontournable, à moins que l’on décide de choisir  soit le mariage consanguin ou soit l’importation de femmes Indiennes…

La survivance de notre héritage culturel dépasse les questions ethniques ; l’important est d’agir en tant qu’éléments d’un même Peuple en évitant de copier sur des modèles étrangers.

L’héritage culturel IndoGuadeloupéen est multiple : cultuel, culturel, culinaire, musical etc…et a besoin d’être valorisé comme élément du patrimoine National Guadeloupéen à part entière.

Tout doit être fait pour que l’intégration des descendants d’Indiens en Guadeloupe se poursuive dans les meilleures conditions possibles. Pour ce faire il lui appartient à lui d’abord de faire le minimum nécessaire c’est à dire s’impliquer d’avantage dans la société Guadeloupéenne, dans tous les domaines : culturel, sportif, associatif, politique, économique, etc… Il doit participer activement à la construction du pays, et cela quel que soit le statut politique. Mais il doit en même temps éviter les dérives intégristes risquant de mettre en cause la cohabitation pacifique des différentes composantes de notre société, en réveillant certains discours d’un autre temps.

 


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