Nous
apprenons, en nous référant à l’histoire la plus ancienne du monde,
que le continent africain était relié au continent Indien. En
feuilletant les pages de l’histoire coloniale, les mémorialistes
nous invitent à constater certaines réalités : les puissances
coloniales de toutes les couleurs ont transporté des habitants de
l’Inde et de l’Afrique pour les installer aux quatre coins de la
Planète. De nombreux livres et d’innombrables articles de journaux,
un certain nombre de films et d’émissions audiovisuelles ont décrit
leur situation à la fois dramatique et inhumaine.
Durant l’époque des colonies, la rencontre entre les Indiens et les
Africains s’était faite sur le sol africain, américain, antillais,
réunionnais, mauricien, malgache, seychellois, etc… Il faut bien
avouer qu’un véritable dialogue ne s’était pas instauré entre eux.
Certains intellectuels africains, comme Léopold Sédar SENGHOR, qui
savaient maîtriser la culture africaine et européenne, se tournèrent
vers le sous-continent indien et surtout vers l’Inde du Sud, dont
les racines appartiennent à l’ancienne et brillante civilisation
dravidienne.
Léopold Sédar SENGHOR s’était tourné vers les anciennes
civilisations car il pensait ainsi pouvoir mieux décrypter les
nouvelles. Je lis toujours avec une joie ineffable la lettre qu’il
m’a écrite le 15 mai 1987 : « … l’écriture dravidienne a été la
troisième grande écriture du monde après les écritures égyptienne et
sumérienne, qui véhiculaient les langues agglutinantes, comme les
langues africaines et les langues du Sud de l’Inde ».
L’Inde
indépendante s’intéressa dès son jeune âge aux pays africains et
asiatiques encore sous tutelle des puissances coloniales.
En 1955, sous l’impulsion conjuguée de NERHU, NASSER et SOEKARNO,
la première et inoubliable conférence afro-asiatique se déroula à
Bandoeng (Indonésie). Léopold Sédar SENGHOR y fut présent pas ses
pensées qui exaltèrent la négritude et chantèrent l’avenir d’une
réconciliation universelle des races.
Des chercheurs indiens se penchèrent sur les îles Andaman et
Nicobar qui se composent de 572 îles éparpillées au large du Golfe
du Bengale. Trente-six seulement sont peuplées. Elles s’étendent sur
8 249 km2. Des « mystères » planent sur ces îles qui abritent des
tribus négroïdes depuis, disons-le, l’aube de l’histoire humaine.
Plus tard, entre le XIe et le XIIIe siècle, des Africains sont
arrivés en Inde comme soldats et négociants, appréciés pour leur
courage et leur loyauté. Aujourd’hui, ils sont quelques milliers et
ils habitent au Nord-Ouest de l’Inde dans une région du Gujarât. On
les appelle des Sidis.
Léopold Sédar
SENGHOR aimait l’Inde comme un Humaniste et un Poète. Alors qu’il
était Président de la République Sénégalaise, il s’y était rendu,
après avoir rencontré le Président MAO en 1974.
Léopold Sédar SENGHOR et Mme Indira GANDHI parlèrent certainement
de la civilisation dravidienne à laquelle appartient la culture
tamoule. Un des jeunes membres de sa famille, me semble-t-il, se
rendit à l’Université de Sidambaran (Sud Est de l’Inde) pour
apprendre le tamoul.
La beauté de la
femme, la brise, la nuit, la nostalgie, la culture, la langue
tamoules étaient des thèmes chers à la sensibilité de Léopold Sédar
SENGHOR, Poète Dravido-Sénégalais (qui avait l’habitude de m’appeler
« le Dravidien »). Il considérait l’Inde dravidienne comme l’un des
merveilleux ancêtres de la civilisation mondiale.
Léon DIERX, le
prince des Poètes d’origine réunionnaise, songeait déjà au XIXe
siècle à la Chine et à l’Inde, deux grandes et anciennes
civilisations de la planète :
«Plus rien, que, près du rire hébété de la Chine,Le grand soupir
de l’Inde, ancêtre aux lourds secrets ! »
Dans « Elégie pour Georges POMPIDOU » Léopold Sédar SENGHOR
écrit :
« Dans la nuit tamoule, je pense à toi mon plus-que-frère
« Au fond du ciel, les étoiles chavirent sous les madras dénoués.
Comment dormir en cette nuit humide, odeur de terre et de jasmin ?
Je pense à toi.
Pour toi, rien que ce poème contre la mort.
...
La sève tabala, que danse élancé le Seigneur Shiva.
Ecoute la noire mélopée bleue, qui monte dans la nuit dravidienne »
Pékin-Madras
1974.
(La ville de MADRAS, chef-lieu du
TAMIJ-NADU s’appelle maintenant CHENNAÏ)
Sri AUROBINDO
(1872-1950), Philosophe, Yogi, Poète de Pondichéry écrivait :
« ceux qui sont nés pauvres, ignorants, mal nés et mal éduqués ne
sont pas le troupeau vulgaire. Le vulgaire est tous ceux qui sont
satisfaits de la mesquinerie et de l’humanité moyenne ».
L’Académicien Léopold Sédar SENGHOR aurait soutenu cette pensée car
il rêvait d’une humanité noble et plus solidaire.
J’ai eu l’honneur
et la joie d’avoir rencontré le Poète Président Léopold Sédar
SENGHOR et conversé avec lui plusieurs fois à Paris. Tous les deux
nous sommes sensibles – lui dans le cosmos, moi sur cette planète –
à l’avenir de l’Humanité. A l’occasion de son centenaire, le
Sénégal, l’Inde, la France, la diaspora africaine et indienne, se
trouvent réunis dans l’immensité de la Poésie universelle et de la
fraternité spirituelle.
© Dêva Koumarane - 2009 |