Florence Callandre, universitaire qui travaille depuis des lustres avec beaucoup de talent dans le domaine des cultures indiennes de la Réunion, plus particulièrement dans leur dimension religieuse, est l'auteur du fameux ouvrage Koylou dont la réédition était impatiemment attendue depuis longtemps. Elle nous parle ici de cette nouvelle mouture de Koylou.
Dès
1990, au cours de mes enquêtes de terrain au Brûlé de Saint-Denis,
dont l’objectif était en particulier de trouver des réponses à mes
questions concernant les interactions culturelles, j’ai commencé à
m’intéresser à l’art sacré, ou plus exactement aux productions
artistiques pour le sacré. J’ai participé à la fabrication de
rangoli floraux dédiés à Maryamèn, grandes compositions
végétales, qu’on fixe sur les chars de procession qui représentent
des temples mobiles, depuis la cueillette des fleurs jusqu’à leur
montage sur bâtonnets qu’on place ensuite sur un gabari, un
cadre de calumets tressés. J’ai rédigé grâce à ce travail quelques
définitions du « Dictionnaire illustré de La Réunion », publié chez
Diffusion culturelle de France et j’en ai réalisé plusieurs planches
photos. Koylou est un terme d’origine tamoule, une déclinaison au datif de koïl qui désigne en créole les temples hindous. J’ai présenté les résultats de mon étude sur l’iconographie et l’architecture des espaces sacrés de l’hindouisme à La Réunion, construits par des immigrants indiens, puis par leurs descendants. C’est une étude qui montre comment la « créolisation » et la « tamoulisation », à l’œuvre dans ces espaces sociaux complexes produisent un hindouisme spécifiquement réunionnais. J’ai réalisé moi-même à l’encre, tous les dessins de Koylou, soit en reproduisant des dessins d’artistes indiens, des padons et peintures vus dans les sanctuaires, soit en observant les kolams dessinés sur le sol des temples de Saint Louis et de Saint Paul et les ai tous reproduits également à l’encre de Chine sur calque pour faciliter la publication. La partie consacrée à l’architecture, raconte l’appropriation du territoire du koylou et développe la métamorphose que constitue aujourd’hui l’effort de tamoulisation entrepris par quelques-uns et qui entraîne dans une dynamique de rénovation la plupart des autres. J’ai réalisé pour cette étude des plans à l’encre de chine pour chacun des koil étudiés.
Un article du Quotidien de la
Réunion du 2 mars dernier a déjà repris la structure et les
résultats de mon étude sur les espaces sacrés de l’hindouisme
réunionnais en en publiant les éléments principaux puisés dans la
conclusion, les rabats et dans la quatrième page de couverture de
mon ouvrage Koylou. Je vais essayer aujourd’hui de ne pas
répéter ce qui est déjà dit mais de vous donner les informations que
personne n’a encore eues. Par exemple en quoi cette nouvelle édition
est différente de la première.
Je suis très contente de la
couverture également. La photo utilisée sur la première de
couverture est une de celles que j’avais demandées pour illustrer
mon article de novembre 2007 dans le magazine Géo. Elle a été
retravaillée par Ludovic de chez Graphica. C’est lui qui a eu l’idée
de tamiser l’arrière-plan de la représentation de la divinité
Hari-Hara, moitié Shiva, moitié Vishnou et de l’animer d’un halo de
puissance, d’un rayonnement. On peut voir Hari-Hara qui est
une très belle illustration de la tolérance, souvent un trait
typique de créolisation. Les prêtres hindous, officiants du
sanatana-dharma, qu’ils soient patatshari, prêtres
vishnouites ou gurukkal, prêtres shivaïtes,
reconnaissent qu’en Inde, vishnouites et shivaïtes
n’ont rien en commun bien que quelques idéalistes aient dû tenter de
concilier les deux tendances, puisque la représentation même peu
courante vient tout de même de l’Inde. Vishnu, l’Aryen,
symbolise le Nord, et Shiva le Dravidien, le Sud. Et là, la
divinité est composée d’une moitié de Vishnu, et de l’autre moitié
de Shiva. L’ancien président du temple Kali Kampal a commandé
cette sculpture parce qu’elle représente pour lui les multiples
composantes de la société réunionnaise et ça c’est pour moi une des
plus belles formes de créolisation, toute ancrée qu’elle soit dans
la « norme tamoule ».
Enfin, Pr François Gros, ancien
directeur de l’école française d’Extrême-Orient de Pondichéry qui
faisait partie de mon jury de thèse soutenue à l’Inalco, à Paris, en
1995, m’a fait l’honneur de me rédiger une très belle quatrième de
couverture.
A lire également, l'interview de Florence Callandre (2003) © Florence Callandre 2009 |