Décortiquée avec soin par trois personnages attachants, rieurs et
délibérément railleurs, surgis tout droit du théâtre d'ombres
indien, l'histoire d'amour de Rama et de Sita trouve ici un nouveau
souffle, dans une Inde aux multiples facettes, tour à tour antique
et majestueuse, légère, drôle et presque enfantine. Des miniatures
traditionnelles, habilement animées, aux collages parfois osés qui
font sourire, en passant par des croquis de bande dessinée ou des
animations que l'on pourrait croire sorties de jeux vidéo, la jeune
réalisatrice construit un monde en pleine effervescence et nous
livre une belle démonstration de style, déjà récompensée dans de
nombreux festivals à travers le monde.
Mais Sita sings the Blues, c'est aussi - surtout - une
histoire d'amour, une histoire de blues. La voix délicieusement
fragile d'Annette Hanshaw nous berce et nous fait traverser le temps
en un incessant aller-retour entre Sita et Nina. Et entre deux
éclats de rire, la tristesse de leur histoire commune nous heurte de
plein fouet. Sita demandant à ses dieux raison à pareil malheur,
Nina implorant l'homme qu'elle aime de lui revenir : sous les
couleurs vives et un style aux accents bollywoodiens, la
réalisatrice nous fait complices de son histoire et nous montre
l'universalité du tourment amoureux, du tourment insensé, celui-là
même qui éloigna Titus de Bérénice, Rama de Sita.
Et c'est l'humanité du combat qui frappe ici : pas de grande
tragédie racinienne ni de souffrance majestueuse, pas de beauté
bouleversante ni d'adieux déchirants, mais un simple visage rond de
dessin animé, une poésie enfantine mais poignante. Sita qui chante
le blues.